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L
E C O M M E N T A I R E |
Le
commentaire constitue l'un des travaux d'écriture
proposés au choix sur l'une des œuvres imposées
par les programmes. Si l'adjectif "composé" a
disparu des directives officielles, la description
de l'épreuve implique bel et bien une étude
organisée :
« Le commentaire porte sur un texte littéraire, en
lien avec un des objets d'étude du programme de la
classe de première (à l'exclusion, pour les séries
technologiques, de l'objet d'étude Littérature
d'idées du XVIe au XVIIIe siècle). Le
candidat compose un devoir qui présente de manière
organisée ce qu'il a retenu de sa lecture et
justifie par des analyses précises son
interprétation et ses jugements personnels. Pour
les séries technologiques, le sujet est formulé de
manière à guider le candidat dans son travail. Le
texte proposé pour le commentaire n'est pas
extrait d'une des œuvres au programme. Cette
production écrite est notée sur 20. »
(B.O.
n° 17 du 25 avril 2019).
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Voir sur Amazon:
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Avant toute entreprise d'organisation, il convient de
procéder à une lecture analytique rigoureuse du texte.
C'est pourquoi nous vous proposerons, après deux exercices
préliminaires, un exemple de préparation du commentaire à
partir d'une lecture
analytique que vous trouverez dans la section
concernée. Vous trouverez enfin un exercice complet et
deux exemples de rédaction définitive :
Exercice 1 : entrer dans
l'univers d'un texte :
Le texte littéraire peut se présenter à vous comme une
unité close sur elle-même, voire comme une forteresse
inexpugnable. Il est en effet régi par des lois qui
n'appartiennent qu'à lui : son vocabulaire, sa syntaxe,
son réseau d'images constituent un tout dont on peut
désespérer de trouver les clefs. Cette impression n'est
pas toujours fausse, mais s'il s'agit de forteresse,
on peut dire qu'elle est traversée de « courants d'air » :
ce sont ses référents, le langage qu'elle emploie,
d'abord, qui est aussi le vôtre, mais aussi ses ancrages
dans un réel qui peut vous être plus ou moins connu. Ce
sont enfin ses parentés d'inspiration, cet air de famille
que vous aideront à reconnaître vos autres lectures. De
tout cela, il s'agit de tirer parti dans une première
approche sereine et personnelle.
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Essayons
sur le texte suivant :
J.M.G.
Le Clézio, « Ville vivante »
Le
Livre des fuites
, 1969.
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Ville de ciment et d'acier, murailles de
verre s'élançant indéfiniment vers le
ciel, ville aux dessins incrustés, aux
sillons tous pareils, aux drapeaux,
étoiles, lueurs rouges, filaments
incandescents à l'intérieur des lampes,
électricité parcourant les réseaux de fils
de laiton en murmurant sa vibration
doucereuse. Bruissements des mécanismes
secrets cachés dans leurs boîtes, tic-tac
des montres, ronronnement des ascenseurs
montant, descendant. Halètement des
vélomoteurs, cliquetis des soupapes,
klaxons, klaxons. Tout ça parlait son
langage, racontait son histoire de bielles
et de pistons. Les moteurs vivaient, au
hasard, enfermés dans les capots des
automobiles, dégageant leur odeur d'huile
et de carburant. La chaleur les auréolait
sans cesse, montait des culasses
brûlantes, se répandait dans les rues et
se mêlait à la chaleur des hommes. Ville
vivante. Les trolleybus glissaient sur
leurs pneus, en gémissant continuellement.
Le trolleybus numéro 9 longeait le
trottoir, et à travers les vitres on
voyait la cargaison de visages pareils. Il
dépassait un cycliste, il avançait sur la
chaussée noire, on voyait les larges
bandes des pneus s'écraser sur le sol avec
un bruit d'eau. Le trolleybus numéro 9
avançait, portant dans son ventre les
grappes de visages aux yeux tous pareils.
Sur son dos, les deux antennes dressées
couraient le long des fils électriques,
s'inclinant, vibrant, crissant. De temps à
autre, une boule d'étincelles jaillissait
en claquant du bout des antennes, et on
sentait dans l'air une drôle d'odeur de
soufre. Le trolleybus numéro 9 s'arrêtait
devant un pylône sur lequel était écrit «
ROSA BONHEUR
». Les freins sifflaient, les portes se
repliaient, et il y avait des gens qui
descendaient à l'avant pendant que
d'autres montaient à l'arrière.
C'était ainsi. Puis le trolleybus
numéro 9 repartait le long du trottoir
portant dans son ventre la grappe d'œufs
blanchâtres, en route vers le but inconnu.
En route vers le terminus toujours
recommencé, l'espèce de place déserte avec
un jardin poussiéreux, où il virait
lentement sur lui-même avant de repartir
en sens inverse.
©
Gallimard
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Une
première lecture vous donne une série d'impressions.
N'hésitez pas à les formuler par écrit, mais pensez déjà à
les assortir de points d'appui qui sont les expressions ou
les procédés du texte. Ceci vous permettra d'éliminer les
impressions trop subjectives et de valider les autres.
Vous pouvez vous aider d'un tableau comme celui-ci :
impression
subjective |
repères
objectifs |
1 - une ville
agressive |
des perceptions
désagréables (bruits, odeurs) |
Continuez cet exercice en vous
efforçant de trouver les procédés qui pourraient valider
les approches suivantes :
2
- un univers inquiétant
3 -
une atmosphère étrange, fantastique
4 -
un univers mécanique, en proie à une activité intense
5 - une
ville inhumaine
6
- le trolleybus a l'air d'un animal
7
- des gestes immuables et répétitifs
8 -
une masse humaine anonyme et indifférenciée.
Problématiser : mettez
maintenant en relation ces différentes pistes autour d'une
problématique d'ensemble : ce
pourrait être par exemple le regard particulier que porte
l'auteur sur la ville moderne. On pourrait ainsi
apercevoir deux axes de lecture
: un univers mécanique et déshumanisé (3 - 4 - 5 - 7) -
une atmosphère fantastique (1 - 2 - 6 - 8).
Qu'est-ce
qu'une problématique ?
Devenue
l'outil incontournable de la plupart des
exercices, à l'écrit comme à l'oral, la problématique
est la direction que l'on se propose de suivre
dans le traitement d'un problème.
Lancée dès le départ de la démarche analytique
comme un enjeu ou un projet dont rien n'assure
de la réussite, elle doit néanmoins se donner la
rigueur nécessaire pour tenter d'y parvenir :
les questions que nous poserons
systématiquement au texte sont destinées à la
garantir, de même que les bilans intermédiaires
que nous établirons à chaque étape.
Comment poser une
problématique ?
La première lecture du texte est
déterminante : avant de vous lancer dans son
"explication", il vous faut faire état d'un
enjeu d'analyse. Chaque texte, bien sûr,
méritera le sien, mais on peut compter sur
quelques principes :
un texte se rattache à un
contexte, voire à un intertexte. Ce peut
être le mouvement culturel dans lequel il
s'inscrit, une forme ou un thème traditionnels.
Vous semble-t-il qu'il en présente les
caractères attendus, ou pensez-vous qu'il
manifeste quelques écarts ? Voici une
problématique.
un texte se rattache à un
genre. Selon un principe identique, y
reconnaissez-vous les caractéristiques les plus
fréquentes ? Constatez-vous, là encore, quelques
irrégularités ? Excellente occasion d'aller y
regarder de plus près.
un texte est traversé de plusieurs registres.
Leur nature, leur variété pourront vous paraître
paradoxales et vous indiquer un terrain
d'analyse fructueux.
Dans l'ensemble, d'ailleurs, une
problématique naîtra de votre étonnement devant
un caractère inattendu présenté par le texte.
Comment formuler
une problématique ?
Vous aurez soin de lui garder son
caractère hypothétique par la tournure
interrogative. La problématique constituera
l'élément central de votre introduction.
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Ne
construisez jamais vos axes autour des "thèmes"
du texte : vous risqueriez alors d'en faire une simple
description qu'on appelle la paraphrase.
Appuyez-vous au contraire sur vos remarques de forme et
sachez, grâce aux bilans intermédiaires de votre lecture
analytique, en faire une synthèse capable de mettre en
valeur l'intérêt du texte.
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Voici un texte,
également signé J.M.G. Le Clézio, et
d'inspiration nettement similaire. Essayez de
valider les mêmes approches que précédemment en
vous appuyant, bien sûr, sur les procédés
particuliers qu'il nous offre. |
Au bord du fleuve sec, il y a la cité des HLM.
C'est une véritable cité en elle-même, avec des
dizaines d'immeubles, grandes falaises de béton
gris debout sur les esplanades de goudron, dans
tout le paysage de collines de pierres, de
routes, de ponts, avec le lit de galets
poussiéreux du fleuve, et l'usine de crémation
qui laisse flotter son nuage âcre et lourd
au-dessus de la vallée. Ici, on est loin de la
mer, loin de la ville, loin de la liberté, loin
de l'air même, à cause de la fumée de l'usine de
crémation, et loin des hommes, parce que c'est
une cité qui ressemble à une ville désertée.
Peut-être qu'il n'y a personne en vérité,
personne dans ces grands immeubles gris aux
milliers de fenêtres rectangulaires, personne
dans ces cages d'escalier, dans ces ascenseurs,
et personne encore dans ces grands parkings où
sont arrêtées les autos ? Peut-être que ces
fenêtres et ces portes sont murées, aveuglées,
et que plus personne ne peut sortir de ces murs,
de ces appartements, de ces caves ? Mais ceux
qui vont et viennent entre les grandes murailles
grises, hommes, femmes, enfants, chiens parfois,
ne sont-ils pas comme des fantômes sans ombre,
insaisissables, introuvables, aux yeux vides,
perdus dans l'espace sans chaleur, et ils ne
peuvent jamais se rencontrer, jamais se trouver,
comme s'ils n'avaient pas de vrai nom.
De temps en temps passe une ombre,
fuyante entre les murs blancs. On voit le ciel
parfois, malgré la brume, malgré l'épais nuage
qui descend de la cheminée de l'usine de
crémation, à l'ouest. On voit des avions aussi,
un instant échappés des nuées, traçant derrière
leurs ailes étincelantes de longs filaments
cotonneux.
Mais il n'y a pas d'oiseaux par ici, ni
de mouches, ni de sauterelles. Parfois il y a
une coccinelle égarée sur les grands parkings de
ciment. Elle marche sur le sol, puis elle essaie
d'échapper, volant lourdement vers les bacs à
fleurs pleins de terre craquelée, où il y a un
géranium brûlé.
J.M.G.
Le Clézio, Ariane (in La
Ronde et autres faits divers
, 1982).
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Depuis quelque temps, l'Intelligence Artificielle semble grandement faciliter le travail de recherche et d'écriture sur Internet. Ainsi ChatGPT peut éblouir par l'extraordinaire rapidité avec laquelle il est capable de servir des développement tout faits, souvent pertinents et correctement rédigés. Pourtant, dans le cas de l'analyse littéraire, il révèle bien des faiblesses en se contentant de recenser des thèmes sans tenir compte des procédés formels. On en jugera par la production ci-dessous :
Commentaire rédigé par ChatGPT |
Exercice 2 : la construction des axes
de lecture :
Autour de la problématique que vous aurez choisie, l'axe
de lecture est la direction que vous ferez prendre à votre
commentaire. Au nombre de deux ou trois, ces axes
constitueront les différentes parties de votre devoir.
C'est votre lecture analytique qui vous les fera
découvrir, autour de vos observations les plus
récurrentes.
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Jean
Giono, Que
ma joie demeure
(1934)
(A la ferme
des Jourdan, Marthe, Bobi et Jourdan
viennent de construire un magnifique métier
à tisser. Arrive Barbe, une vieille parente,
qui, saisie d'admiration, se met aussitôt au
travail).
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La navette volait d'elle-même, sans
efforts. Elle se posait d'un côté dans la
paume droite. La main ne se refermait pas
et la navette s'envolait toute seule vers
la paume gauche, comme un oiseau qui se
pose et repart.
Ils s'étaient approchés tous
les trois pour la regarder travailler. Ils
voyaient l'étoffe se construire sous le
peigne et augmenter de moment en moment
comme une eau qui s'entasse dans un
bassin.
Et Barbe se mit à chanter. On
n'entendait pas toutes les paroles. On
entendait : "Aime joie, aime joie" ; puis
le bruit claquetant des baguettes de la
navette, de la barre, le tremblement sourd
des montants, puis : "Aime joie, aime
joie!
- Qu'est-ce que vous chantez
? cria Marthe.
- Quoi ? cria Barbe.
- La chanson.
- Oui", cria Barbe.
Mais elle continua à chanter
et à travailler toujours pareil.
Bobi et Jourdan se
reculèrent. Ils étaient enivrés comme des
alouettes devant cette vieille femme sèche
qui tremblait sans arrêt dans un halo de
petits mouvements précis et par ce mot de
joie, joie, joie, qui sonnait
régulièrement dans le travail comme un
bruit naturel. Ils essayèrent de sortir
mais ils rentrèrent. Ils essayèrent de
s'occuper à emmancher une hache. Ils ne
pouvaient plus réussir à avoir la tête
paisible. Ils étaient saouls. On aurait pu
les prendre tous les deux sous un chapeau.
Marthe avait eu moins de force. Elle
regardait ; elle écoutait. Elle était émue
tout doucement par les mêmes gestes que
Barbe, comme quand le vent frappe d'un
bord l'étang de Randoulet et que sur
l'autre bord la vague bouge.
©
Grasset
|
La
lecture analytique de ce texte aurait pu donner au fil de
ses étapes les observations suivantes :
- les
imparfaits indiquent une durée répétitive aux limites
imprécises
- la
description porte sur la technique séculaire du tissage
(termes techniques, gestes précis de la tisseuse)
- la
scène est vue à travers des yeux de paysans
- trois
personnages spectateurs regardent et écoutent
- les
témoins sont subjugués (ivresse des hommes, émotion de
Marthe)
- le
travail produit une véritable fusion entre le métier à
tisser et la tisseuse (la navette et la main, les bruits
mécaniques et le chant)
- la
vieille femme est entourée d'un halo comme un personnage
surnaturel
- la
chanson prend un tour incantatoire; elle n'est pas
comprise par les spectateurs
- le
texte comporte des expressions du langage parlé
- les
comparaisons évoquent la nature et la campagne (oiseaux,
bassins, étang)
- le
métier à tisser devient un objet vivant
(personnification de la navette)
- la
navette semble dotée d'un pouvoir magique
- le
chant est associé au travail ("aime joie")
- l'étoffe
se construit comme par magie.
On choisira comme problématique l'évocation
faussement « réaliste » d'un métier ancestral que le
narrateur transfigure par la « magie » d'un personnage.
Classez les observations qui se recoupent en
deux axes de lecture, que vous pourrez décomposer en trois
idées directrices qui progressent du simple au complexe,
du concret à l'abstrait. Vous pourrez, pour opérer ce
travail de synthèse, utiliser le tableau suivant pour
chacun des axes de lecture :
AXE
DE LECTURE 1 : ........ |
Idée
directrices
|
Procédés
relevés
|
Interprétation
|
...
|
... |
... |
...
|
... |
... |
... |
... |
... |
CORRIGÉ
Exercice 3 : tirer parti des questions
:
Pour faciliter leur maîtrise du commentaire, les
candidats des séries technologiques sont guidés dans le
libellé du sujet. Il s'agit de deux
questions suggérant des axes de lecture que les candidats auront intérêt à examiner de près.
Par exemple, en 2022, pour les académies des Groupes étrangers, sur un texte de J. et E. de Goncourt,
le sujet était ainsi libellé : «
Vous ferez le commentaire de ce texte en vous aidant des
pistes de lecture suivantes :
1- Vous montrerez comment se dégage une ambiance festive de cette scène.
2- Puis vous montrerez comment les différents sens mobilisés par la description
créent une atmosphère contrastée.»
Consulter une fiche méthode : la question sur le
corpus.
L'objectif
de ces directions de travail est donc d'attirer
l'attention du candidat sur des points précis du texte qui
n'augurent pas forcément d'un plan éventuel à donner
ensuite au commentaire et ne doivent pas le dispenser de
procéder à une lecture analytique préalable. Toutefois,
ces questions mettent souvent l'accent sur des procédés
essentiels et il serait abusif de n'en tenir aucun compte
dans la recherche des axes de lecture :
|
Tristan
Corbière (1845-1875)
Le crapaud
(Les
Amours jaunes
, 1873)
|
Un
chant dans une nuit sans air...
La lune plaque en métal clair
Les découpures du vert sombre.
...
Un chant ; comme un écho, tout vif
Enterré là, sous le massif...
–
Ça se tait : Viens, c'est là, dans
l'ombre...
–
Un crapaud ! – Pourquoi cette peur,
Près de moi, ton soldat fidèle !
Vois-le, poète tondu, sans aile,
Rossignol de la boue... – Horreur !
–
Il chante. – Horreur !! – Horreur pourquoi
?
Vois-tu pas son œil de lumière...
Non il s'en va, froid, sous sa pierre.
..................................................................
Bonsoir - ce crapaud-là c'est moi.
Ce
soir, 20 juillet.
|
Questions :
1. Étudiez
la manière dont le dialogue se distribue dans le poème.
Le poème exige une lecture attentive. Repérez d'abord le
jeu du discours : les tirets vous signalent en effet un
dialogue. Répondez aux questions : qui parle ? à qui
? Aidez-vous des pronoms employés mais aussi des
déterminants ("près de moi, ton soldat fidèle").
Vous devriez ainsi établir que le discours met en
présence deux interlocuteurs : le "je" invite un "tu" à
observer un crapaud, animal traditionnellement
répugnant, et on peut gager que ce "tu" est féminin. Ses
trois interventions (repérez-les) témoignent en effet de
cette répulsion, et comment comprendre autrement que le
"je" se présente comme "un soldat fidèle" ? Pour
examiner la distribution du dialogue, il vous faut
identifier le type de poème : deux tercets précèdent
deux quatrains, ce qui fait du texte un sonnet inversé.
Le dialogue se développe dans les quatrains : la
première intervention de la femme se situe au début du
premier, la deuxième à la fin et la troisième se situe
au milieu du vers 1 du deuxième quatrain. Cette
répartition marque une interruption systématique dans
l'invitation lancée par le locuteur, qui rend même
exagéré l'emploi du mot dialogue puisque aucun
propos n'est réellement échangé, le poète
finissant par être confiné dans
l'incommunicabilité, la solitude auxquelles il est voué.
Ces interruptions successives, marquées par les
points de suspension, sont responsables d'une
irrégularité de l'octosyllabe : les césures lui donnent
une cadence heurtée, discordante, rebelle à la tonalité
lyrique.
A l'issue de votre réponse, vous devez pouvoir
confirmer certaines remarques que vous aura fournies votre
lecture méthodique. Vous pouvez ainsi mettre en évidence
la forme particulière et discordante voulue par Tristan
Corbière.
2. Étudiez
le jeu des oppositions dans la caractérisation de
l'animal.
Le choix du crapaud est révélateur de la dissonance
chère à Corbière. Le bestiaire poétique nous habitue en
effet, surtout dans les allégories
du Poète, à de tout autres créatures : rossignol, cygne,
albatros, condor (Baudelaire
et les Parnassiens) expriment d'ordinaire une
royauté sereine et majestueuse. Tout au plus Baudelaire
avait-il dépeint son albatros comme un infirme ridicule
lorsqu'il est privé de l'Azur. Ici, la description
n'évite pas la caractérisation péjorative ("poète
tondu, sans aile"), mais on constate la fréquence
des oxymores ("rossignol de la boue, œil de
lumière/froid sous sa pierre") qui invitent à
distinguer dans la personnalité du poète une dualité
encore baudelairienne, déchirée entre la beauté du chant
et la misérable apparence terrestre.
La chute du sonnet donne au poème une portée
symbolique : l'analogie manifestée entre le
crapaud et le poète en fait même un apologue,
c'est-à-dire un court récit qui appelle une leçon
morale. Ici, outre l'incommunicabilité déjà signalée,
Corbière évoque la condition maudite du Poète (et
peut-être sa propre laideur) qui le relègue dans l'ombre
et le condamne à chanter dans l'incompréhension
générale.
Votre réponse, cette fois, a
pu mettre en valeur la portée symbolique du poème. L'étude
des champs lexicaux, dans votre lecture méthodique
préalable, devrait confirmer cet aspect, notamment dans la
description du cadre naturel.
Nous vous invitons à construire les axes de
lecture suivants en complétant le tableau. Pour le premier
axe, les procédés relevés vous sont fournis. A vous de
trouver ceux qui compléteraient le deuxième, puis de
formuler pour les deux axes vos interprétations.
Axe de lecture 1 : Une esthétique particulière
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Idées
directrices |
Procédés
relevés |
Interprétation |
une
forme grinçante |
le
sonnet inversé
les distorsions de l'octosyllabe |
... |
le
refus du lyrisme |
le
décor
les phrases nominales
les césures |
... |
les
oppositions |
dérision
des symboles classiques
les oxymores |
... |
Axe de lecture 2 : Un apologue |
Idées
directrices |
Procédés
relevés |
Interprétation |
la
composition du sonnet |
... |
... |
l'identité
des interlocuteurs |
... |
... |
la
distribution du dialogue |
... |
... |
La figure du
crapaud est fréquente en poésie. On pourra utilement
rapprocher le poème de Corbière de celui
de Victor Hugo et de ceux, plus tardifs, de Jean
Lorrain ou Robert Desnos (revue
Texto).
Vous pourrez, bien sûr, m'envoyer
vos travaux !
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