L'une des difficultés du commentaire est d'intégrer à
l'analyse les termes et expressions qui valident
l'interprétation. Il convient à la fois d'éviter
l'impression de "patchwork" de citations et celle de
lourdeur que pourrait générer l'amas des mots cités. Deux
principes généraux :
-
plutôt que de citer des termes isolés, identifier les
procédés (une métaphore, un champ lexical, un mode...) ;
-
varier les verbes introducteurs (et éviter l'horrible
"l'auteur fait passer le message").
1
: Exercice
Voici une liste de quelques-uns de ces verbes. Redonnez à
chaque procédé le verbe introducteur qui saurait désigner
l'effet produit
(exemple : un cliché
➜
marque
➜
une
distance ironique) :
Procédés
cités |
Verbes
introducteurs |
Effets
soulignés |
la
personnification
un temps verbal
un champ lexical
l'assonance
un cliché
un rejet
le discours indirect libre
le rythme d'un vers
un terme péjoratif
la métaphore
l'allitération
l'allégorie
l'italique
la structure d'un poème
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met en valeur
évoque
exprime
traduit
désigne
marque
souligne
détermine
dénonce
rend sensible
accentue
suggère
symbolise
épouse
|
un
vice
l'ampleur d'une action
un effet de surprise
l'étrangeté d'un terme
une atmosphère
la pensée du personnage
une distance ironique
une progression
une valeur morale
un bruit particulier
la durée d'une action
un thème obsédant
un univers fantastique
une analogie
|
CORRIGÉ
|
: pour vous familiariser avec l'emploi de ces
termes, nous vous proposons de compléter un
commentaire du poème de Verlaine, Beams.
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Elle
voulut aller sur les flots de la mer
Et comme un vent bénin soufflait une
embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.
Le
soleil luisait haut dans le ciel calme et
lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des
rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme
encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !
Des
oiseaux blancs volaient alentour mollement,
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes
blanches.
Parfois de grands varechs filaient en
longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large
mouvement.
Elle
se retourna doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés ;
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la
tête.
Douvres-Ostende,
à bord de la «Comtesse-de-Flandre» , 4 avril
1873.
|
A
vous de replacer dans le cadre approprié, sans oublier de
les accorder à la syntaxe, les termes suivants :
mettre en valeur - souligner - traduire - symboliser -
prêter sa durée - dénoncer - évoquer - suggérer -
indiquer - rendre sensible.
— Vous
pourrez obtenir un indice en cliquant sur le signe .
— Vous pourrez aussi obtenir la première lettre du mot en cliquant sur
le bouton "Indice".
— Vous pourrez enfin vous auto-corriger en
cliquant sur le bouton "Vérifier".
2 : Se méfier de la paraphrase
La
paraphrase consiste à répéter sous une autre forme ce que
l'auteur d'un texte a écrit, sans jamais tenir compte de la
nécessité absolue dans le commentaire d'analyser non pas ce
qui est dit mais comment cela est dit,
c'est-à-dire de s'appuyer constamment sur la forme.
Un exemple. Soit les trois vers suivants, qui
constituent le début de la fable de La Fontaine, "Le Coche
et la Mouche" :
Dans un chemin
montant, sablonneux, malaisé,
Et de tous les côtés au soleil exposé,
Six forts chevaux tiraient un Coche.
Une
simple paraphrase consisterait à décrire la scène
en des termes aussi inutiles que ceux-ci :
Dans la
première phrase, l'auteur nous montre les difficultés de six
chevaux tirant un coche : ils se trouvent sur une côte, le
terrain est accidenté, et il fait en outre très chaud etc.
Autant
ne rien dire du tout : une telle "analyse" s'en tient
inutilement à la littéralité du discours et méconnaît les
procédés d'écriture.
Une véritable analyse, au contraire, s'efforcerait de
justifier objectivement (par un relevé) l'impression de
pénibilité que veut créer le fabuliste. Elle dirait par
exemple :
Dans
la première phrase, l'auteur nous fait sentir les
difficultés de six chevaux tirant un coche : la longueur de
cette phrase, qui s'étend sur trois vers, évoque d'abord la
lenteur de l'ascension. La succession des adjectifs, séparés
par des virgules, imprime ensuite à la phrase une cadence
heurtée qui communique une impression de pénibilité. Enfin,
l'apparition retardée du sujet de la proposition permet que
le Coche soit à la traîne de la phrase, comme il l'est dans
la scène.
C'est à
cette seule condition que l'on pourra prétendre réellement
commenter un texte, c'est-à-dire construire du sens.
Essayez
à votre tour à partir du texte
suivant :
- chercher d'abord les impressions qu'il crée en vous.
- essayez ensuite de les valider par le repérage de procédés
stylistiques :
Enfants,
nous ne connaissions guère que les Landes : l'être
collectif dénommé « les garçons » et dont je n'étais
qu'une parcelle, avait décidé que hors le pays des
pins, du sable et des cigales, il n'était pas de
vacances heureuses. A peine connaissions-nous la
propriété de vignes que plus tard je devais tant
aimer. Notre mère assurait que nous n'eussions voulu
pour rien au monde du sort des malheureux enfants
qui croyaient s'amuser à Royan, à Arcachon ou à
Bagnères. Nous en étions nous-mêmes persuadés. Ainsi
sont entrés en moi, pour l'éternité, ces étés
implacables, cette forêt crépitante de cigales sous
un ciel d'airain que parfois ternissait l'immense
voile de soufre des incendies ; alors les tocsins
haletants arrachaient les bourgs à leur torpeur.
Aussi brûlant qu'ait été l'après-midi, le ruisseau
appelé la Hure, et ce qu'il traîne après soi de
brouillards flottants et de prairies marécageuses,
dispensait, le soir, une fraîcheur dangereuse qu'au
seuil de la maison nous recevions, immobiles, et la
face levée. Cette haleine de menthe, d'herbes
trempées d'eau, s'unissait à tout ce que la lande,
délivrée du soleil, fournaise soudain refroidie,
abandonne d'elle-même à la nuit : parfum de bruyère
brûlée, de sable tiède et de résine — odeur
délicieuse de ce pays couvert de cendres, peuplé
d'arbres aux flancs ouverts : je songeais aux cœurs
que la grâce incendie et qui ont choisi de souffrir.
C'est pourquoi l'automne dans la lande est un tel
miracle : dans bien d'autres pays, l'arrière-saison
"fait saigner les feuillages, change en or sombre
les fougères" (ainsi que j'écrivais dans mes
narrations qui avaient l'honneur d'être lues devant
toute la classe), mais nulle part elle n'est comme
dans nos landes consumées une telle libération : les
palombes, sous le trouble azur du mois d'octobre,
sont le signe qu'est fini le déluge de feu.
François Mauriac, Commencements d'une vie,
1932.
|
Le
titre de l'œuvre indique plutôt une narration, mais, à la
première lecture, le texte révèle son caractère descriptif.
On aura donc soin, dans la lecture analytique préalable, de
lui poser les questions adéquates (voir pour cela notre fiche
consacrée à la lecture analytique du texte descriptif).
premières impressions :
-
il s'agit de souvenirs d'enfance : une région - les Landes -
nommée et caractérisée, par rapport auxquelles le narrateur
manifeste son attachement ;
- cette
terre est évoquée avec beaucoup de sensualité, visuelle et
olfactive, notamment ;
- pourtant
on perçoit à plusieurs reprises une dimension spirituelle
qui hausse ce tableau au niveau du symbole.
recherche des procédés stylistiques essentiels :
-
le pronom personnel de la première personne (je, nous)
est très présent ;
-
les sensations sont en opposition constante (antithèses et
oxymores) : un vocabulaire de la souffrance (implacable,
brûlant, dangereuse) s'oppose à un lexique du plaisir
(miracle, délicieuse, libération) ;
-
une expression traduit particulièrement cette opposition : je
songeais aux cœurs que la grâce incendie. Ainsi le
pays tout entier prend la proportion d'une vaste métaphore
suggérant le combat entre la chair et l'esprit.
pourquoi ne pas, dès lors, fonder une ébauche de plan sur
cette problématique ?
-
un premier axe analyserait cette description contemplative :
- un texte autobiographique (les pronoms)
- un attachement sensuel (opposition des lexiques)
-
un deuxième axe étudierait l'organisation métaphorique :
- un récit initiatique (naissance d'une vocation)
- les connotations religieuses (vocabulaire de la souffrance
et de la grâce).
Le commentaire pourrait conclure sur le rapport installé ici
entre une sensibilité et la région qui l'a formée, initiant
une œuvre romanesque en effet dédiée au combat entre la
chair et l'esprit. Ainsi la description franchit son simple
pouvoir d'évocation pour prendre une grande force de
symbolisation.
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