Inspiration
mythologique
au XVIème siècle
Avec
la Renaissance, les mythes antiques retrouvent une vigueur
toute fraîche. C'est par eux que les idéaux de l'époque
s'incarnent le plus nettement. Rien d'étonnant à cela :
nous n'avons pas fini nous-mêmes de les questionner. Le
mythe est, en effet, une histoire assez universelle pour
se plier aux formes que des époques différentes entendent
lui donner. Pour les poètes de la
Pléiade, le mythe antique est une métaphore
familière, marque d'allégeance à l'égard de l'héritage
gréco-latin mais aussi véritable langage. Quels
sens peut-on donc percevoir dans l'inspiration
mythologique du siècle humaniste, où l'utilisation
fourmillante des fables est aussi un décor à la mode ?
Texte
1
Joachim
Du
Bellay (1522-1560)
Vision (1558)
but
de la séance : lecture analytique.
Une louve je vis
sous l'antre d'un rocher
Allaitant deux bessons : je vis à sa mamelle
Mignardement
jouer cette couple jumelle,
Et d'un col allongé la louve les lécher.
Je la vis hors de
là sa pâture chercher,
Et, courant par les champs, d'une fureur
nouvelle
Ensanglanter la dent et la patte cruelle
Sur les menus troupeaux pour sa soif étancher.
Je vis mille
veneurs descendre des montagnes
Qui bordent d'un côté les lombardes campagnes,
Et vis de cent épieux lui donner dans le flanc.
Je la vis de son
long sur la plaine étendue,
Poussant mille sanglots, se vautrer en son sang,
Et dessus un vieux tronc la dépouille pendue.
(orthographe
modernisée)
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Vous pourrez procéder à la lecture
méthodique de ce sonnet selon la méthode
proposée dans la page concernée.
Dans votre examen de la situation de
communication, vous serez particulièrement
attentif à la répartition dans le poème du verbe
"voir", assorti du pronom de la première
personne et commandant une série de tableaux
descriptifs, sans qu'aucune interprétation en
soit proposée. Bien sûr, la référence à une
louve allaitant des jumeaux ne peut passer
inaperçue, surtout à l'époque : il s'agit de la
louve qui, selon la légende, allaita les jumeaux
(ou bessons) Remus et Romulus et qui devint par
la suite l'emblème de la Ville. Cherchez la
définition du mot "emblème" (vous trouverez
"symbole" ou "allégorie"). Quel est le terme qui
convient dans l'ordre des figures de rhétorique
? De quoi Du Bellay nous entretient-il ?
Dans votre analyse de la structure du sonnet, il
vous faudra être attentif au passage entre les
quatrains et les tercets (la "volta") et vous
demander ce qui le commande : univers des
quatrains par rapport à celui des tercets, sur
le plan des tableaux mais aussi des rythmes
(voir les enjambements des quatrains)?
Pour votre examen des champs lexicaux, il est
bien évident que l'assimilation que vous pouvez
faire entre la louve ici décrite et l'empire
romain doit vous guider dans une sorte de
décryptage des symboles (qui sont les "menus
troupeaux" et ces "mille veneurs" descendant des
montagnes qui bordent la Lombardie ?) Vous
pouvez tirer parti du réseau lexical des
quatrains, qui attribue à la louve tendresse
protectrice et sauvagerie tout à la fois. La
présence dans les tercets du même champ lexical
de la sauvagerie peut vous faire réfléchir sur
la leçon que Du Bellay suggère quant au sort qui
guette les empires.
Enfin, il vous faudra montrer que ce sonnet est
très soucieux des sonorités : montrez que les
allitérations en "l" et en "r" sont
prédominantes. Pourquoi ?
Si vous avez, tout au long de votre lecture
méthodique, établi les bilans intermédiaires que
nous conseillons, ceux-ci vous ont sans doute
guidé vers une interprétation d'ensemble dont
vous pouvez faire état, notamment en ce qui
concerne la progression du symbole. Vision
est un ensemble de quinze sonnets qui suivait le
recueil Les Antiquités de Rome dans sa
première édition. Du Bellay avait aussi intitulé
cet ajout Songe. Justifiez ce titre en
vous appuyant sur le poème que vous venez
d'étudier.
Montrez que le récit, dans la création
mythologique, peut aisément se passer du
discours (la "moralité" qu'on pourrait en tirer,
comme chez La Fontaine, par exemple). En quoi la
seule évocation allégorique de la grandeur et de
la décadence de l'empire romain suffit-elle à
exprimer une leçon ? Laquelle ?
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Texte
2
but
de la séance : récit et discours; les figures
de l'opposition.
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Philippe
Desportes
(1546-1606)
Les
Amours d'Hippolyte (Premières
œuvres, 1573)
Icare est cheut
icy, le jeune audacieux,
Qui pour voler au Ciel eut assez de courage :
Icy tomba son corps degarny de plumage,
Laissant tous braves cœurs de sa cheute envieux.
Ô bien-heureux
travail d'un esprit glorieux,
Qui tire un si grand gain d'un si petit dommage
!
Ô bien-heureux malheur, plein de tant d'avantage
Qu'il rende le vaincu des ans victorieux !
Un chemin si
nouveau n'estonna
sa jeunesse,
Le pouvoir lui faillit et non la hardiesse,
Il eut, pour le brusler, des astres le plus
beau.
Il mourut
poursuivant une haute adventure,
Le Ciel fut son désir, la Mer sa sépulture.
Est-il plus beau dessein, et plus riche tombeau
?
(orthographe
non modernisée)
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En
lisant le texte, ayez soin de bien marquer les
diérèses (rimes en "i-eux" des quatrains) !
-
Renseignez-vous
d'abord sur le mythe d'Icare, qui est un des
plus porteurs de sens dans notre imaginaire.
Vous pouvez pour cela consulter un site
consacré à la
mythologie grecque, ou au
personnage de
Dédale. L'homme grisé par la puissance
nouvelle que le progrès lui a donnée, et plus
encore le défi prométhéen qu'il lance aux
Dieux dans un élan quasi suicidaire vers
l'Absolu, ne pouvaient manquer de fasciner une
époque comme la Renaissance où s'affirme une
foi humaniste,
tout autant que la nôtre inquiète des pouvoirs
que la science lui a conférés un peu
aveuglément.
-
Montrez
que le sonnet de Philippe Desportes est marqué
à la fois par les indices du récit et par ceux
du discours. Il s'agit en effet d'un hommage,
un panégyrique (relevez les formes principales
du registre
laudatif : la tonalité exclamative, le
lexique valorisant, les invocations, les
questions rhétoriques, les hyperboles...).
Mais il s'agit d'un hommage à un
vaincu. Dans cette formulation, vous
constaterez une figure de l'opposition qu'on
appelle l'antithèse. Quand cette opposition
est particulièrement resserrée, on parle d'oxymore.
Relevez dans le poème toutes ces figures et
déterminez s'il y a antithèse ou oxymore.
-
En
tirant parti de votre relevé, vous pouvez
déterminer quel sens revêt pour le poète le
mythe d'Icare (ici, en effet, contrairement au
poème précédent, le discours ne manque pas !).
En quoi peut-on dire que l'exemple d'Icare est
celui d'une victoire dans la défaite ? En quoi
cette victoire, magnifique de gratuité et de
sacrifice, est aussi celle de la "haute
advanture" de la poésie et en quoi
correspond-elle à une vision optimiste de
l'aventure humaine ?
Comparez cette vision avec celle
d'autres poètes et avec celle que
propose Bruegel l'Ancien dans sa toile Paysage
avec la chute d'Icare.
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Texte
3
Louise
Labé
(1524-1566)
Sonnet
XIX
but
de la séance : le dialogue en poésie.
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Diane estant en
l'espesseur d'un bois,
Après avoir mainte beste assenee,
Prenoit le frais, de Nynfes couronnee :
J'allois resvant comme fay maintefois,
Sans y penser :
quand j'ouy une vois
Qui m'apela, disant, Nynfe
estonnee,
Que
ne t'es-tu vers Diane tournee
?
Et me voyant sans
arc et sans carquois,
Qu'as-tu
trouvé, o compagne, en ta voye,
Qui de ton arc et flesches ait fait proye
?
- Je
m'animay,
respons je, à
un passant,
Et
lui getay en vain toutes mes flesches
Et l'arc apres : mais lui les ramassant
Et les tirant me fit cent et cent bresches.
(orthographe
non modernisée)
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La forme du dialogue n'est pas si fréquente en poésie (voir notre groupement sur le sujet). Pourtant l'ordonnancement des strophes et la limite naturelle des vers peuvent offrir d'intéressantes opportunités. Pour ce poème de Louise Labé, nous avons choisi de respecter l'orthographe et la typographie originelles, ce
qui peut compliquer les choses dans la
distribution de la parole. Qui parle ? à qui ?
Identifiez, par les indices que vous livre le
poème, les deux protagonistes (nous avons,
pour vous aider, coloré différemment les deux
discours).
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Le
mythe de Diane est un des plus répandus au
XVIème siècle, notamment parce que la
maîtresse d'Henri II s'appelait Diane (de
Poitiers). Ici, c'est à son équivalent grec
qu'il faut songer : Artémis était la déesse de
la chasse et de la chasteté (voir l'animosité
dont la nymphe a voulu faire preuve à l'égard
du "passant"). Relevez les allusions à ces
deux fonctions dans le poème (vous pouvez,
pour plus de détails sur le personnage,
consulter, là encore, un site consacré à la mythologie
grecque.)
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Comment
se répartit la parole dans le sonnet ?
Observez les enjambements qui empêchent toute
pause dans le poème jusqu'au dernier vers du
premier tercet et concentrent l'attention sur
la réponse de la Nymphe dans une sorte de quatrain
final. Montrez qu'un tel
bouleversement de la structure classique du
sonnet dynamise le poème et lui donne une
sorte de tension dramatique.
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En
revanche, Louise Labé est fidèle à la
tradition de la chute, vers laquelle
la plupart des sonnets sont tendus et qui
donne son prix au dernier tercet, voire au
dernier vers. Montrez qu'on assiste ici à un
glissement vers un autre mythe, où il est là
aussi question de flèches (notre illustration
peut vous y aider !). Que conclure de ce récit
où la femme apparaît victime de l'amour,
considéré comme une blessure ("cent et cent
brèches") et une malédiction fatale (donnez
tout son prix à l'adjectif "étonnée" du
deuxième quatrain, qui signifie "frappée par
le tonnerre") ?
Le
mythe reste ici peut-être un peu ornemental et
sert de prétexte à une variation brillante sur le
modèle du sonnet. Mais il est surtout mis au
service d'une expression personnelle et pudique du
trouble amoureux. Le "fabuleux manteau" dont parle
Ronsard lorsqu'il évoque la particularité du
métier poétique prend tout son sens : quel peut
être l'intérêt de faire un détour par le mythe
pour exprimer ses idées ou ses émotions ?
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Texte
4
Pontus
de Tyard (1521-1605)
Épigramme
de la fontaine de Narcisse
(Douze
Fables de fleuves ou fontaines, ~ 1555)
but
de la séance : la réécriture du mythe.
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Narcisse aime sa
sœur, sa chère sœur jumelle,
Sa sœur aussi pour lui brûle d'ardeur extrême ;
L'un en l'autre se sent être un second soi-même
:
Ce qu'elle veut pour lui, il veut aussi pour
elle.
De semblable
beauté est cette couple belle,
Et semblable est le feu qui fait que l'un
l'autre aime,
Mais la sœur est première à qui la Parque blême
Ferme les jeunes yeux d'une nuit éternelle.
Narcisse en l'eau
se voit, y pensant voir sa sœur;
Ce penser le repaît d'une vaine douceur,
Qui coulée en son cœur, lui amoindrit sa peine.
De lui son nom
retint l'amoureuse fontaine,
Dans laquelle reçoit, quiconque aimant s'y mire,
Quelque douce allégeance à l'amoureux martyre.
(orthographe
modernisée)
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Le
mythe
de Narcisse est de ceux que la
psychanalyse a le plus utilisés pour figurer
les postulations de l'inconscient (vous
pourrez utilement consulter une page
consacrée à la "mythopologie" de Narcisse et une autre à sa fortune de l'Antiquité au XXème siècle).
-
La
version du mythe que donne ici Pontus de
Tyard est celle que rapporte le géographe
Pausanias (II° siècle) : « On dit que
Narcisse avait une sœur jumelle qui lui
ressemblait parfaitement; c'était même air
de visage, même chevelure, souvent même ils
s'habillaient l'un comme l'autre, et
chassaient ensemble. Narcisse devint
amoureux de sa sœur, mais il eut le malheur
de la perdre. Après ce douloureux événement,
livré à la mélancolie, il venait sur le bord
d'une fontaine, dont l'eau était comme un
miroir, où il prenait plaisir à se
contempler, non qu'il ne sût bien que
c'était son ombre qu'il voyait, mais en la
voyant il croyait voir sa sœur, et c'était
une consolation pour lui.» (Description
de la Grèce, livre IX). En quoi cette
version vient-elle approfondir ou nuancer
cet amour de soi que l'on nomme le narcissisme
?
-
Consultez
un autre corpus concernant ce mythe dans un
sujet
proposé au baccalauréat.
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Recherchez
les différentes versions des mythes suivants
chez les auteurs que nous citons : Narcisse
(Gide/Valéry), Antigone (Sophocle/Anouilh),
Prométhée (Eschyle/Goethe), Œdipe
(Sophocle/Cocteau), Iphigénie
(Euripide/Racine). Précisez l'apport de
chacun d'eux à la tradition et la
particularité de leur lecture du mythe
concerné.
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Synthèses.
1.
Évaluation sommative.
Texte
5
Philippe Desportes
(1546-1606)
Les
Amours d'Hippolyte
(Premières œuvres, 1573)
|
Je
ressemble en aimant au valeureux Persée
Que sa belle entreprise a fait si glorieux,
Ayant d'un vol nouveau pris la route des dieux,
Et sur tous les mortels sa poursuite haussée.
Emporté tout
ainsi de ma haute pensée
Je vole aventureux aux soleils de vos yeux,
Et vois mille beautés qui m'élèvent aux cieux
Et me font oublier toute peine passée.
Mais, hélas ! je
n'ai pas le bouclier
renommé
Dont contre tous périls Vulcain l'avait armé,
Par lequel sans danger il put voir la Gorgone.
Au contraire à
l'instant que je m'ose approcher
De ma belle Méduse inhumaine et félonne,
Un trait de ses regards me transforme en rocher.
(orthographe
modernisée)
|
Pour l'étude de ce cinquième texte, vous pourrez commencer
par vous renseigner sur le personnage mythologique de Persée,
dont Desportes fait un nouvel Icare : il s'agit en effet
de la même consécration d'une « haute aventure » qui place
le héros au-dessus des mortels. Mais le mythe sert ici une
tout autre intention, qui est d'ordre amoureux : le poète
manifeste son infériorité par rapport au héros grec dans
la conquête d'une « Méduse » qui, par son pouvoir de
sidération, est devenue la femme aimée. A partir de là, la
Gorgone devient le vrai sujet du poème, exprimant le topos
de la femme cruelle. Ce sonnet de Desportes ne présente
pas de difficulté particulière et vous permettra de revoir
utilement les notions acquises précédemment :
-
repérer et commenter la structure du sonnet.
-
repérer les différentes formes de discours.
- le
mythe
fournit de hauts exemples de courage et d'exception; il
fournit aussi à la littérature des récits et des formes
susceptibles de se prêter à plusieurs variations. Montrez
que les mythes de Persée et de Méduse sont ici utilisés
pour ces deux raisons différentes.
2.
Réflexion et prolongements :
Nous vous proposons
enfin d'observer un sixième texte avant de mettre à profit
vos remarques :
Texte
6
Pierre
de Ronsard
(1524-1585)
Hymne de l'Automne
(Hymnes, 1555).
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[Vous
pourrez prendre connaissance du début
de ce poème sur la page que nous
consacrons à la Pléiade : Euterpe, muse de
la poésie lyrique, s'adresse au poète. Le
texte est dédié au secrétaire d'État Claude
de l'Aubépine.]
|
« Tu seras du
vulgaire
appelé frénétique,
Insensé, furieux, farouche, fantastique,
Maussade, malplaisant, car le peuple médit
De celui qui de mœurs aux siennes contredit.
Mais courage, Ronsard ! les plus doctes
poètes,
Les Sibylles, Devins, Augures et Prophètes,
Hués, sifflés, moqués des peuples ont été,
Et toutefois, Ronsard, ils disaient vérité.
N'espère d'amasser de grands biens en ce monde
:
Une forêt, un pré, une montagne, une onde
Sera ton héritage, et seras plus heureux
Que ceux qui vont cachant tant de trésors chez
eux.
Tu n'auras point de peur qu'un Roi, de sa
tempête,
Te vienne en moins d'un jour escarbouiller la
tête
Ou confisquer tes biens, mais, tout paisible
et coi,
Tu vivras dans les bois pour la Muse et pour
toi. »
Ainsi disait la nymphe, et de là je
vins être
Disciple de Dorat,
qui longtemps fut mon maître ;
M'apprit la poésie, et me montra comment
On doit feindre et cacher les fables
proprement,
Et à bien déguiser la vérité des choses
D'un fabuleuxmanteau
dont elles sont encloses.
J'appris en son école à immortaliser
Les hommes que je veux célébrer et priser,
Leur donnant de mes biens, ainsi que je te
donne
Pour présent immortel l'Hymne de cet automne.
(orthographe
modernisée)
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Le texte se rattache au genre
des manifestes poétiques, textes dans lesquels l'écrivain
tente de définir ses convictions et ses principes en
matière d'art. Ici, il est significatif que la parole soit
donnée à la muse Euterpe, émanation de la divinité,
puisque le métier poétique est considéré comme sacré et
que l'inspiration est donnée par les dieux. Outre le mythe
moderne du poète maudit qui se constitue ici (montrez-le),
il est intéressant pour notre propos de noter la fonction
que Ronsard attache aux mythes (les mots "fables" et
"fabuleux" renvoient au mot latin fabula qui
signifie "mythe") : il s'agit bel et bien de cacher, de
dissimuler "la vérité des choses". Dans l'Hymne de
l'Hiver, Ronsard précise cette intention : c'est,
dit-il, « Afin que le vulgaire ait désir de chercher / La
couverte beauté dont il n'ose approcher ». Expliquez cette
intention et rattachez-la au caractère sacré donné, depuis
Platon, à la
poésie.
Ce détour par le mythe considéré comme une volonté de
voiler les vérités pour que le profane ait le désir de les
découvrir permet-il de cerner complètement les formes de
l'inspiration mythologique au XVI° siècle ? Dans tous les
cas, le mythe invite à une lecture plurielle. Parce qu'il
met en scène des références connues de tous (Icare, Diane,
Cupidon...), le mythe est un langage où se dessinent
toujours les grandes postulations de l'âme humaine. Mais
la mythologie gréco-latine ne répond-elle pas pour les
humanistes à d'autres exigences ? Montrez que s'y
affirment déjà de grands idéaux modernes concernant les
sociétés (Du Bellay), l'héroïsme de la révolte
(Desportes), l'amour (Labé, Pontus de Tyard) ou la
condition du poète (Ronsard). En ce sens, la renaissance
du mythe païen au XVI° siècle est un pont jeté entre
l'Antiquité et les temps modernes par-dessus tous les
obscurantismes.
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Sujet de réflexion : Michel Tournier
affirme dans Le vent Paraclet (1977)
que le rôle d'un écrivain est « d'empêcher que le
mythe se transforme en allégorie ». Si ce dernier
terme évoque l'enveloppe abstraite et convenue du
symbole, on conçoit en effet que l'écrivain soit
soucieux de préserver la vie et l'actualité des
mythes qu'il emprunte à telle tradition ou qu'il
crée de toutes pièces. Comment les auteurs des
textes que nous venons d'étudier vous semblent-ils
avoir maintenu vivants les mythes qui les ont
inspirés ?
Prolongements : Une
époque se reconnaît aux mythes qu'elle privilégie.
Ainsi le XIX° siècle exprimera sa confiance dans
le génie humain et dans l'essor de la science en
questionnant inlassablement le mythe de Prométhée.
La première partie du XX° siècle reconnaîtra dans
le mythe d'Œdipe sa vision tragique d'une
existence absurde. Quels sont, à votre avis, les
mythes les plus présents aujourd'hui et que
trahissent-ils de nos valeurs ? Vous pourrez vous
aider de la page où nous recensons quelques mythes
littéraires.
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