DÉFENSE DE LA LANGUE FRANÇAISE

 

 

 

Le génie d'une langue

   e rayonnement de la langue française en Europe, et au-delà, jusqu'au XIXème siècle, repose-t-il sur un «génie» particulier ou n'est-il que la conséquence de l'hégémonie culturelle et politique initiée par l'absolutisme ? Sans répondre à la question, nous confrontons ci-dessous deux textes qui aideront peut-être à dégager quelques spécificités de notre langue : dans le premier, Rivarol affirme la vocation du français à devenir la « langue humaine » en raison de son admirable clarté; dans le second, Voltaire répond de manière plus nuancée à un thuriféraire de la langue italienne en affirmant qu'il n'est pas de langue parfaite et que « la première est celle qui a le plus d’excellents ouvrages ».

 

 

RIVAROL (1753-1801), Discours sur l'universalité de la langue française (1784).

[En 1783, l’Académie royale des Sciences et Belles-Lettres de Berlin mettait au concours un sujet ainsi libellé : « Qu’est-ce qui a rendu la langue française universelle ? Pourquoi mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à présumer qu’elle la conserve ? ». L’Académie couronna ex-aequo l'année suivante la Dissertation sur les causes de l’universalité de la langue française et la durée vraisemblable de son empire de Johann Christoph Schwab, et l'essai de Rivarol. Celui-ci passe successivement en revue les langues européennes pour les renvoyer à la même insuffisance : l'allemand lui paraît « guttural et encombré de dialectes »; pour l'espagnol, dont la majesté « invite à l'enflure », « la simplicité de la pensée se perd dans la longueur des mots » ; l'italien « se traîne avec trop de lenteur » et la langue anglaise « se sent trop de l'isolement du peuple et de l'écrivain ».]

 Il me reste à prouver que, si la langue française a conquis l'empire par ses livres, par l'humeur et par l'heureuse position du peuple qui la parle, elle le conserve par son propre génie.
  Ce qui distingue notre langue des langues anciennes et modernes, c'est l'ordre et la construction de la phrase. Cet ordre doit toujours être direct et nécessairement clair. Le français nomme d'abord le sujet du discours, ensuite le verbe qui est l'action, et enfin l'objet de cette action : voilà la logique naturelle à tous les hommes ; - voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet ordre, si favorable, si nécessaire au raisonnement, est presque toujours contraire aux sensations, qui nomment le premier l'objet qui frappe le premier. C'est pourquoi tous les peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu recours aux tournures plus ou moins hardies, selon que leurs sensations ou l'harmonie des mots l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur la terre, parce que l'homme est plus impérieusement gouverné par les passions que par la raison.
  Le français, par un privilège unique, est seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il était tout raison, et on a beau par les mouvements les plus variés et toutes les ressources du style, déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il existe ; et c'est en vain que les passions nous bouleversent et nous sollicitent de suivre l'ordre des sensations : la syntaxe française est incorruptible. C'est de là que résulte cette admirable clarté, base éternelle de notre langue. Ce qui n'est pas clair n'est pas français ; ce qui n'est pas clair est encore anglais, italien, grec ou latin. Pour apprendre les langues à inversion, il suffit de connaître les mots et leurs régimes ; pour apprendre la langue française, il faut encore retenir l'arrangement des mots. On dirait que c'est d'une géométrie tout élémentaire, de la simple ligne droite, et que ce sont les courbes et leurs variétés infinies qui ont présidé aux langues grecque et latine. La nôtre règle et conduit la pensée ; celles-là se précipitent et s'égarent avec elle dans le labyrinthe des sensations et suivent tous les caprices de l'harmonie : aussi furent-elles merveilleuses pour les oracles, et la nôtre les eût absolument décriés. [...]
  La prononciation de la langue française porte l'empreinte de son caractère : elle est plus variée que celle des langues du Midi mais moins éclatante ; elle est plus douce que celle des langues du Nord, parce qu'elle n'articule pas toutes ses lettres. Le son de l'e muet, toujours semblable à la dernière vibration des corps sonores, lui donne une harmonie légère qui n'est qu'à elle.
  Si on ne lui trouve pas les diminutifs et les mignardises de la langue italienne, son allure est plus mâle. Dégagée de tous les protocoles que la bassesse inventa pour la vanité et la faiblesse pour le pouvoir, elle en est plus faite pour la conversation, lien des hommes et charme de tous les âges ; et, puisqu'il faut le dire, elle est, de toutes les langues, la seule qui ait une probité attachée à son génie. Sûre, sociale, raisonnable, ce n'est plus la langue française, c'est la langue humaine : et voilà pourquoi les puissances l'ont appelée dans leurs traités ; elle y règne depuis les conférences de Nimègue, et désormais les intérêts des peuples et les volontés des rois reposeront sur une base plus fixe ; on ne sèmera plus la guerre dans des paroles de paix .

 

VOLTAIRE
Lettre à M. Deodati de Tovazzi
.

  [La Dissertation sur l’Excellence de la langue italienne, par Deodati de Tovazzi, avait paru en 1761. On aura une idée de sa teneur par cette réponse que Voltaire lui adressa.]

Au château de Ferney, en Bourgogne, 24 janvier [1762].

  Je suis très sensible, monsieur, à l’honneur que vous me faites de m’envoyer votre livre de l’Excellence de la langue italienne; c’est envoyer à un amant l’éloge de sa maîtresse. Permettez-moi cependant quelques réflexions en faveur de la langue française, que vous paraissez dépriser un peu trop. On prend souvent le parti de sa femme, quand la maîtresse ne la ménage pas assez.
  Je crois, monsieur, qu’il n’y a aucune langue parfaite. Il en est des langues comme de bien d’autres choses, dans lesquelles les savants ont reçu la loi des ignorants. C’est le peuple ignorant qui a formé les langages; les ouvriers ont nommé tous leurs instruments. Les peuplades, à peine rassemblées, ont donné des noms à tous leurs besoins; et, après un très grand nombre de siècles, les hommes de génie se sont servis, comme ils ont pu, des termes établis au hasard par le peuple. [...]
  J’ai toujours respecté les Italiens comme nos maîtres; mais vous avouerez que vous avez fait de fort bons disciples. Presque toutes les langues de l’Europe ont des beautés et des défauts qui se compensent. Vous n’avez point les mélodieuses et nobles terminaisons des mots espagnols, qu’un heureux concours de voyelles et de consonnes rend si sonores: Los rios, los hombres, las historias, las costumbres. Il vous manque aussi les diphtongues, qui, dans notre langue, font un effet si harmonieux: Les rois, les empereurs, les exploits, les histoires. Vous nous reprochez nos e muets comme un son triste et sourd qui expire dans notre bouche; mais c’est précisément dans ces e muets que consiste la grande harmonie de notre prose et de nos vers. Empire, couronne, diadème, flamme, tendresse, victoire; toutes ces désinences heureuses laissent dans l’oreille un son qui subsiste encore après le mot prononcé, comme un clavecin qui résonne quand les doigts ne frappent plus les touches.
  Avouez, monsieur, que la prodigieuse variété de toutes ces désinences peut avoir quelque avantage sur les cinq terminaisons de tous les mots de votre langue. Encore, de ces cinq terminaisons faut-il retrancher la dernière, car vous n’avez que sept ou huit mots qui se terminent en u; reste donc quatre sons, a, e, i, o, qui finissent tous les mots italiens.
  Pensez-vous, de bonne foi, que l’oreille d’un étranger soit bien flattée, quand il lit, pour la première fois,
                   . . . . . . . . . . . e ‘1 Capitano
                   Che ‘l gran sepolcro liberò di Cristo;.
et
                  Molto egli oprò col senno e con la mano?

                  (Le Tasse, Jerus. deliv., ch. i.)
  Croyez-vous que tous ces o soient bien agréables à une oreille qui n’y est pas accoutumée? Comparez à cette triste uniformité, si fatigante pour un étranger; comparez à cette sécheresse ces deux vers simples de Corneille:
                 Le destin se déclare, et nous venons d’entendre
                  Ce qu’il a résolu du beau-père et du gendre.
                  (La Mort de Pompée, acte I, scène 1.)
  Vous voyez que chaque mot se termine différemment. [...]
  Vous vantez, monsieur, et avec raison, l’extrême abondance de votre langue; mais permettez-nous de n’être pas dans la disette. Il n’est, à la vérité, aucun idiome au monde qui peigne toutes les nuances des choses. Toutes les langues sont pauvres à cet égard; aucune ne peut exprimer, par exemple, en un seul mot, l’amour fondé sur l’estime, ou sur la beauté seule, ou sur la convenance des caractères, ou sur le besoin d’aimer. Il en est ainsi de toutes les passions, de toutes les qualités de notre âme. Ce que l’on sent le mieux est souvent ce qui manque de terme.
  Mais, monsieur, ne croyez pas que nous soyons réduits à l’extrême indigence que vous nous reprochez en tout. Vous faites un catalogue en deux colonnes de votre superflu et de notre pauvreté; vous mettez d’un côté orgoglio, alterigia, superbia, et de l’autre, orgueil tout seul. Cependant, monsieur, nous avons orgueil, superbe, hauteur, fierté, morgue, élévation, dédain, arrogance, insolence, gloire, gloriole, présomption, outrecuidance. Tous ces mots expriment des nuances différentes, de même que chez vous orgoglio, alterigia, superbia, ne sont pas toujours synonymes.
  Vous nous reprochez, dans votre alphabet de nos misères, de n’avoir qu’un mot pour signifier vaillant.
  Je sais, monsieur, que votre nation est très vaillante quand elle veut, et quand on le veut; l’Allemagne et la France ont eu le bonheur d’avoir à leur service de très braves et de très grands officiers italiens.
                 L’italico valor non è ancor morto.
   Mais, si vous avez valente, prode, animoso, nous avons vaillant, valeureux, preux, courageux, intrépide, hardi, animé, audacieux, brave, etc. Ce courage, cette bravoure, ont plusieurs caractères différents, qui ont chacun leurs termes propres. [...] Croyez donc, je vous prie, monsieur, que nous avons, dans notre langue, l’esprit de faire sentir ce que les défenseurs de notre patrie ou de notre pays ont le mérite de faire.
  Vous nous insultez, monsieur, sur le mot de ragoût; vous vous imaginez que nous n’avons que ce terme pour exprimer nos mets, nos plats, nos entrées de table, et nos menus. Plût à Dieu que vous eussiez raison, je m’en porterais mieux ! mais malheureusement nous avons un dictionnaire entier de cuisine.
  Vous vous vantez de deux expressions pour signifier gourmand; mais daignez plaindre, monsieur, nos gourmands, nos goulus, nos friands, nos mangeurs, nos gloutons. [...]
  Je finis cette lettre trop longue par une seule réflexion. Si le peuple a formé les langues, les grands hommes les perfectionnent par les bons livres; et la première de toutes les langues est celle qui a le plus d’excellents ouvrages.
  J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec beaucoup d’estime pour vous et pour la langue italienne, etc.

VOLTAIRE, Correspondance, lettre 4432 (extrait)

 

tetra.gif (3936 octets)Défendre ?

« La seule manière de défendre la langue, c’est de l’attaquer, parce que son unité n’est faite que de contraires neutralisés, d’une immobilité apparente qui cache une vie vertigineuse et perpétuelle ».
(Marcel Proust, à Mme Strauss, Correspondance, 8e volume, 1908).

  Le temps où Rivarol pouvait proclamer l'universalité de la langue française est révolu, même si Philippe Sollers peut déclarer en novembre 2013 : « la patrie, c'est la langue, et je pense que le français est la langue qui peut traduire absolument toutes les autres, parfois en mieux.» (Entretien, janvier 2014). Qui aujourd'hui, armé de la même confiance dans le génie de notre langue, pourrait affirmer : « Le temps semble être venu de dire le monde français, comme autrefois le monde romain, et la philosophie, lasse de voir les hommes toujours divisés par les intérêts divers de la politique, se réjouit maintenant de les voir, d'un bout de la terre à l'autre, se former en république sous la domination d'une même langue. Spectacle digne d'elle que cet uniforme et paisible empire des lettres qui s'étend sur la variété des peuples et qui, plus durable et plus fort que l'empire des armes, s'accroît également des fruits de la paix et des ravages de la guerre !» (Discours sur l'universalité de la langue française)?
  Mais si, en effet, le temps a fait justice de cette prétention, peut-on pour autant ajouter un cri d'alarme au concert des puristes ? A les en croire, la langue française est menacée par les emprunts qu'elle consent sans contrôle aux dialectes étrangers et notamment à l'anglais. Claude Hagège a dénoncé ce lieu commun :

  « Des langues étrangères ont intégré des mots d'origine française, à commencer par l'anglais lui-même à l'époque où les Normands conquirent l'Angleterre (XIe siècle). Le nombre de mots que les Franco-Normands apportèrent en Angleterre, en 1066, est considérablement supérieur à celui que la France emprunte aujourd'hui à l'anglo-américain. Donc, à l'échelle de plusieurs siècles, le rapport des échanges est à notre avantage ! [...] Du point de vue du degré d'emprunts qu'une langue fait à une autre, le français n'est nullement menacé. Sur un lexique de 60 000 mots, le nombre des mots anglo-américains se situe aujourd'hui autour de 1 500, ce qui représente 2,5 % du vocabulaire. Si les mots anglo-américains nous paraissent plus nombreux, c'est tout simplement parce qu'ils sont d'un usage très courant.»
 Entretien avec Claude Hagège (Label France, n° 26, décembre 1996).

  Et Claude Hagège d'ajouter que le français s'est montré tout à fait capable de proposer ses mots à lui pour désigner les technologies nouvelles : « Dans le domaine de l'informatique, par exemple, si le mot ordinateur, proposé par le latiniste Jacques Perret, s'est rapidement imposé au lieu de computer, si celui de logiciel l'a emporté sur software et matériel au lieu de hardware, c'est parce que les réalités qu'ils désignent étaient largement françaises. Autres cas intéressants, ceux d'objets culturels bel et bien d'origine américaine pour lesquels on a cependant trouvé un équivalent français heureux. Exemples : perchiste pour perchman, cadreur pour cameraman, ou stimulateur cardiaque pour pacemaker.» (ibid.) On pourrait ajouter l'heureux baladeur pour l'imprononçable walkman et les louables efforts de l'Office québecois de la langue française, qui nous en remontre sur ces points pour sauver notre langue de l'horrible et prétentieux jargon que, croyant « faire classe » ou simplement abrutis par les démissions ambiantes, des pisse-copies de tous bords empruntent sans discernement à l'anglais.

  Voilà qui, faute de sensibiliser nos élèves au problème, pourra au moins se transformer en activité pédagogique. Ainsi l'Académie des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse organisait en 1998 et 1999 un Concours pour la Défense de la Langue française : il s'agissait de proposer des équivalents acceptables pour des termes étrangers (et notamment « franglais ») par trop envahissants. Inspirées parfois par les beaux efforts des québecois, voici les propositions d'une classe de Seconde du lycée Déodat-de-Séverac de Toulouse, qui a remporté le premier prix du concours. Vous pourrez vous essayer à votre tour à cet exercice et consulter, par exemple, la page "Dites-le en français !" présentée par les Nations-Unies dans le cadre de la Journée de la langue française.

  

Mots étrangers

Équivalents proposés

best of
casting
cocooning
cutter
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Voir sur Amazon :

 

Consulter : à propos de l'état de la langue française, et des responsables de son prétendu "affaissement", on pourra prendre position après lecture de ces deux discours académiques d'Hélène Carrère d'Encausse (Au secours du français et Ma patrie, c'est la langue française).

 

tetra.gif (3936 octets)La vraie menace : une "novlangue" ?

    Dire qu'une langue vit signifie qu'elle bouge : ceci relève d'une évidence, mais n'interdit pas de déplorer ces mouvements ni même d'alerter ses usagers sur leurs aberrations.  Il existe une tradition de ce genre d'alarmes et toutes ne sont pas réactionnaires : on pense à la satire du langage précieux par Molière, aux réactions allergiques suscitées dans les années 60 par le jargon de la nouvelle critique ou, plus récemment, par celui du pédagogisme. On a dénoncé aussi notre goût pour les euphémismes (technicien de surface, pays en voie de développement) , ces expressions adoucies qui révèlent notre peur des mots et la bonne conscience qu'on y trouve à peu de frais.
  On trouvera ci-dessous un billet d'humeur sur lequel on pourra réfléchir :

 

  On ne doit plus dire un con mais un mal-comprenant. Il semblerait que les mots simples, directs, précis, blessent les oreilles modernes. A la fin de son 1984, Georges Orwell nous explique la fonction de la novlangue, si proche de celle qu'utilisent en permanence nos médias. « La novlangue était destinée non à étendre, mais à diminuer le domaine de la pensée. » Les robotisés d'Orwell ne disaient plus mauvais, mais inbon. Chez nous, aujourd'hui, la non-vie se substitue à la mort. D'autres exemples de cette gangrène ? Un prix littéraire attendu devient une non-surprise, et si des footballeurs prennent une raclée, on parle de la non-qualification de l'équipe de France. N'oublions pas le mal-vivre et le mal-être (des banlieues), un non-match, des non-réponses, la non-volonté du gouvernement, qui marque un net refus, et la non-réussite qui se traduit par le mot échec. Ne parlons pas des non-votes du Parlement et cette trouvaille récente, que nous devons aux saints amis de l'abbé Pierre, le mal-logement. Dans un quotidien pourtant sérieux, mais contaminé, pour expliquer qu'un chômeur est parti à la campagne, le journaliste écrit qu'il s'était établi dans l'espace vacant du non-travail, de la non-ville.
  C'est plus grave qu'une mode. Le pire ennemi de la langue française, ce n'est pas l'anglais, cette langue qui se désarticule en un baragouin international simplifié à l'excès. Ce n'est ni le rap, qui exerce à la rime les jeunes gens des banlieues, ni le verlan, ni le lanver. Non, le pire ennemi de la langue française, c'est le cliché administratif et les métaphores indéfiniment répétées, les barbarismes et les tournures passives alors que notre langue est active. Outre la novlangue, il existe d'autres méthodes pour dissimuler la réalité : ici la tactique du carpaccio, dont les restaurateurs se servent pour embellir leur menu, joue un rôle essentiel ; mais un carpaccio de tomates, ce n'est qu'une salade de tomates en rondelles.
  Il suffit d'utiliser un vocabulaire impropre au sujet que l'on traite. On emploie des termes scolaires quand on aborde la politique, pour la ridiculiser : le ministre a dû corriger sa copie. Nous imaginons aussitôt le cancre pris en défaut. On peut accentuer la formule en ajoutant une notion de commerce : Le ministre a dû revoir sa copie à la baisse. La bouillie verbale n'est pas loin. Quand le maire de Toulouse se propose de figurer en tête de liste dans une élection, on dira qu'il joue dans la cour des grands. Les journalistes politiques usent du style sportif : le carton rouge de Chirac aux patrons, ou la liste européenne avec, en pole position... Pour compliquer, car c'est le propos, vous pouvez y ajouter une pincée d'histoire romaine et de météo, ce qui donne : Une semaine avant le sprint final des européennes, les augures pour le chef de file (sic) des socialistes ne sont pas au beau fixe. Le sport se commente en termes religieux : Il faut que la formule 1 fasse son examen de conscience. On n'hésitera jamais à mélanger les disciplines pour obscurcir la compréhension. On atteindra alors ce chef-d'œuvre du grotesque, entendu à la télévision : Et maintenant, la balle est dans le camp des slalomeurs.
  La France parle un nouveau rural. Quand les chèvres broutent les buissons sans toucher aux arbres, un berger d'aujourd'hui nous explique à la télévision : Elles contribuent à la diminution de la combustibilité des massifs boisés sans remettre en cause la pérennité du milieu arboré. Et il conclut : j'apprécie l'impact de la chèvre dans le massif.
  Le mal est ancien. Les précieuses du XVIIème siècle, dont Molière s'est moqué, avaient déjà introduit un vocabulaire contourné, un patois savant. Un fauteuil, un bête fauteuil, c'était une commodité de la conversation. Des professeurs ont relancé ce style tarabiscoté. Lacan, Barthes, Derrida, repris par des gauchistes apostats des années 70, à leur tour singés par des présentateurs de télévision, des publicitaires et des commentateurs sportifs, ont réussi à persuader les braves gens que les choses profondes étaient d'une effroyable complexité, que le vocabulaire courant devenait vulgaire. Les phrases baroques ne servent qu'à cacher la faiblesse de la pensée, comme une sauce forte cache une viande médiocre.
  J'ai horreur des gens qui, sous prétexte de défendre le français contre l'anarchie de l'écrit et du parler, prononcent dans les colloques des phrases comme celles-ci : La situation faite à présent en France à la langue la plus solvable est liée à notre réintégration dans le Nato ou à la non-utilisation de notre droit de veto aux Nations Unies.
  On ne sauvera pas le français en signant des manifestes bourrés de solécismes.
Michel-Antoine Burnier, L'Express, 21/3/96.

Lire : L'Hexagonal tel qu'on le parle (1970), où Robert Beauvais  stigmatisait plaisamment le même travers : « Largement propagé par les moyens de diffusion actuels, Presse, Radio et Télévision, l'hexagonal est en train de gagner les masses auxquelles il s'impose par ces deux vertus à quoi le public contemporain résiste difficilement : la laideur et la prétention. Mais d'autres causes favorisent son développement ; parmi celles-ci notons en premier lieu ce que j'appellerai le "syndrome du garde champêtre". On sait que le garde champêtre et les autres assermentés en uniforme ayant à choisir entre "nonobstant" et "malgré", ou "subséquemment" et "ensuite" iront d'instinct vers le plus redondant, cela en vertu de la fascination que les mots exercent, depuis toujours, sur les âmes simples. En raison de ce syndrome du garde champêtre, il y aura toujours des gens pour penser que "ondée" est plus joli que "pluie", qui préféreront "opuscule" à "petit livre", "missive" à "lettre", «"expliciter" à "expliquer" et "pinacothèque" à "musée", "céphalalgie" à "mal de tête" et trouveront plus distingué d'avoir une protubérance qu'une bosse.»

  Ce travers n'est pas nouveau si l'on en juge par cet extrait de Pantagruel où Rabelais confronte son personnage avec un de ces étudiants qui affectaient à l'époque l'usage intempestif de vocables imités du latin. On n'aura pas de mal à les traduire en recourant à l'étymologie !

  Un jour, je ne sais quand, Pantagruel se promenait après souper avec ses compagnons par la porte d'où l'on va à Paris. Là il rencontra un écolier tout pimpant qui venait par ce chemin; et après qu'ils se furent salués, il lui demanda : "Mon ami d'où viens-tu à cette heure ?"
L'écolier lui répondit : "De l'alme,­ inclite, et célèbre académie que l'on vocite Lutèce".
- Qu'est-ce à dire ? dit Pantagruel à un de ses gens.
- C'est, répondit-il, de Paris qu'il veut parler.
- Tu viens donc de Paris, dit Pantagruel. Et à quoi passez-vous le temps, vous autres messieurs les étudiants de Paris ?

 L'écolier répondit : "Nous transfrétons la Sequane au dilicule et crépuscule; nous déambulons par les compites et quadrivies de l'urbe; nous despumons la verbocination latiale, et, comme verisimiles amorabonds, captons la bénévolence de l'omnijuge, omniforme, et omnigène sexe féminin." [ ... ]
- "Eh ben merde alors, dit Pantagruel, qu'est-ce que veut dire ce fou ? Je crois qu'il nous forge ici quelque langage diabolique, et qu'il nous charme comme un enchanteur". À ces mots, l'un de ses compagnons répondit : "Seigneur sans doute ce galant veut contrefaire la langue des Parisiens, mais il ne fait qu'écorcher le latin, croyant ainsi pinda­riser; et il se prend pour un grand orateur en français parce qu'il dédaigne Ie langage courant". [...]
- "Par Dieu, dit Pantagruel, je vous apprendrai à parler. Mais auparavant réponds-moi : d'où es-tu ?" À ces mots l'écolier lui dit : "L'origine primève de mes aves et ataves fut indigène des régions Lémoviques, où requiesce le corpore de l'agiotade saint Martial."
- J'entends bien, dit Pantagruel. Tu es limousin, pour tout potage, et tu veux contrefaire le Parisien. Viens donc là, que je te frotte les oreilles." Et de le prendre à la gorge en lui disant : "Tu écorches le latin; par saint Jean, je te ferai dégorger une queue de renard, car je t'écorcherai tout vif." Et le pauvre Limousin se mit à dire : "Vée dicou ! gentillâtre ! Ho, saint Marsault adiouda mi ! Hau hau ! laissas à quau, au nom de Dious, et ne me touquas grou !" À ces mots, Pantagruel lui dit : "Maintenant tu parles naturellement." Et il le laissa ainsi, car le pauvre Limousin chiait dans ses chaussures.
François Rabelais, Pantagruel, VI, 1532
(version en français moderne).

 

 

tetra.gif (3936 octets)Débat : les langues régionales.

 

18 juin 2008 : Le Sénat rejette l'amendement des députés qui voulaient inscrire les langues régionales dans l'article premier de la future Constitution française.  L'article aurait fait apparaître les mentions suivantes : « L'organisation de la République est décentralisée. Les langues régionales appartiennent à son patrimoine. »
       Réactions :

 

  • Pour la défense des langues régionales et leur inscription dans la Constitution :

« Je ne comprends plus ces pontes de la politique, qui sont fiers de ce grand "pays des droits de l'homme", ces gens soi-disant respectables, qui comparent ma langue, les mots qui me sortent involontairement, naturellement, de ma bouche à de la "potée". Que leur ai-je fait ? Partout en Europe, je vois ces "langues régionales" qui ont un statut, sont présentes à l'université dans les collectivités locales, dans les médias... Et nous, même pas une place au patrimoine français... Je ne sais pas si cet amendement était bon, mais comment voulez-vous que nous ne devenions pas "séparatistes" quand on nous traite ainsi ? Nous étions 500 000 locuteurs de breton il y a 20 ans, 200 000 aujourd'hui, si rien ne change, qui peut dire que nous n'aurons pas été tués dans 20 ans ? L'introduction d'une mention dans la Constitution était un petit espoir de changement. Les insultes et le mépris (il n'y a pas d'autre mots) de l'Académie et des sénateurs y ont mis fin. »

« Les politiques français sont les premiers à défendre le maintien du français dans plusieurs institutions internationales, mais font partie des derniers à défendre les langues régionales en Europe. Une volonté de défendre ces langues et de les intégrer à l'Histoire française, donnerait plus de poids à la défense du français face à l'anglais de plus en plus reconnu comme langue internationale. Ceci est d'autant plus vrai que la plupart des défenseurs des langues minoritaires sont des amoureux de la culture et encouragent la sauvegarde et prônent la diversité de toutes les langues en général. Il serait temps de reconnaître les langues minoritaires et de les promouvoir au lieu de laisser des groupuscules extrémistes s'en occuper. Car malheureusement aujourd'hui, l'amalgame existe bel et bien : parler une langue régionale, c'est passer pour un indépendantiste forcené. »

« N'oublions pas que la plupart des langues régionales sont aussi langues européennes (alsacien/allemand ; corse/italien ; catalan/espagnol...). Nos voisins suisses ont quatre langues officielles et ils ne s'en portent pas plus mal en terme de qualité de vie, de richesse... et d'unité de leur pays ! Nos académiciens et autres vielles barbes du Sénat, en général, monolingues, semblent méconnaître les stratégies d'acquisition des langues et la facilité qu'ont les enfants bilingues ou plurilingues à s'exprimer en plusieurs langues. C'est un facteur d'altérité qui favorise l'ouverture aux autres et la tolérance.»

« Je me suis souvent dit qu'il faudrait créer en France un parti des "5/6e", en gros la proportion de la population française qui ne vit pas dans la région parisienne. Tout dans ce pays, passe par un étouffement de la province par Paris. Dans ce contexte, la question des langues régionales est symbolique de ce mépris profond des élites jacobines pour les cultures régionales. Oui, les langues régionales (je n'en parle aucune) font bien partie du patrimoine national et méritent leur inscription dans la Constitution. »

« Je suis tenté de rappeler à certain(e)s que la langue française est également une langue régionale mais il faudrait pour cela qu'ils ôtent leurs œillères nationalistes pour respecter la diversité, cette diversité qui a tellement bon ton hors de France mais qui est farouchement combattue sur le sol national par nos politiques. Soyons réalistes : une langue meurt tous les quinze jours dans le monde. Si on est vraiment volontariste et attaché à la diversité linguistique dans son pays, comme le prétendent nos dirigeants, on donnera un statut à nos langues et on ratifiera la charte européenne des langues minoritaires afin de ne pas les perdre. Rappelons que cette charte a été ratifiée par tous les pays de l'UE sauf la France et la Grèce, et que la ratification est obligatoire pour chaque nouvel entrant. »

« En n'engendrant que des clones la France choisit de promouvoir une culture hors-sol de ses jeunes générations. La première conséquence sera probablement un appauvrissement du français : le niçois me facilite la lecture de nos auteurs classiques ! J'emploie quotidiennement des mots et des expressions niçois qui ont un équivalent français devenu rare ou recherché. Comment voulez-vous que je m'exprime totalement, moi Occitan des Alpes, dans une langue qui ne compte pas la moitié des mots que compte ma langue d'origine ?»

« J'ai 32 ans, travaille dans les affaires avec comme langue principale l'anglais, je vis et j'ai grandi dans le nord de la France, mais ai réappris l'occitan de mes aïeux. A ce titre, une auto école m'a récemment demandé de servir d'interprète assermenté pour un de ses élèves de 50 ans qui échouait régulièrement à l'examen du code pour un problème de langue. Si cet homme avait été étranger, il aurait bénéficié d'une telle aide. Le problème est qu'il est français, et par conséquent, censé maîtriser parfaitement cette langue, alors qu'il parle beaucoup mieux "la lenga nòstra". Une assermentation en langue occitane a été refusée, l'administration ayant fait preuve de mépris sur cette question, et ce, au grand désarroi du moniteur d'auto école. Alors est-ce que quelqu'un qui parle parfaitement une langue héritée de ses parents, langue qui a traversé les siècles sans enseignement, sans médias, est-ce que cet homme est analphabète ou le détenteur d'une culture qui a contribué à la construction de la France et au rayonnement de celle-ci ? Le mot "amour" a été légué à la langue française par les troubadours occitans. Aujourd'hui, celle-ci ne le mérite plus ! »

« Qu'un État ait besoin d'une langue nationale, connue par tous ses habitants, est d'une telle évidence que la discussion sur ce sujet est inutile. Le problème se pose lorsqu'une hiérarchie s'établit entre la langue nationale et les langues minoritaires. Essayez de comprendre que, pour nous Occitans, comme pour les Bretons, Basques etc., il devient insupportable de voir persister l'appellation de "patois" pour désigner notre langue. Ce mot induit une barrière entre les "vraies" langues et des particularismes linguistiques d'un autre âge. Vous dites que pour faire la France, il fallait détruire les idiomes "régionaux". Eh bien si, pour faire l'Europe, il faut détruire certains idiomes "nationaux", allons-y gaiement ! »

 

  • Contre une référence aux langues régionales dans la loi fondamentale :

« Les langues régionales (je suis de Montpellier et j'ai étudié l'occitan jusqu'au bac), si elles sont reconnues patrimoine national, risquent de conduire à un émiettement régionaliste qui serait le contraire même de notre identité française. Elles sont déjà bien aidées aujourd'hui, dans nos écoles et dans nos collèges (notamment le catalan qui bénéficie d'un appui financier indirect de la Generalitat de Catalunya, qui crée des injustices dans certaines écoles des Pyrénées-Orientales où je réside). Arrêtons d'essayer d'inverser le sens de l'histoire ! Regroupons au lieu de séparer, allons à l'essentiel et non au superflu ! »

« Pour vivre en Belgique, je suis bien placé pour savoir comment les langues régionales sont devenues un poison sociétal, ces langues tolérées au départ étant rapidement imposées comme des droits fondamentaux, au mépris de l'unité nationale. La tendance centrifuge, très à la mode en réaction à l'Europe et à la mondialisation, doit être contenue et la Constitution doit être le garant de l'unité nationale et non l'occasion d'un délitement culturel. »

« Derrière une initiative apparemment culturelle, se cache une arme de destruction de l'égalité des citoyens sur le territoire de la République. Fantasme de jacobin passéiste ? L'exemple de l'Espagne est éclairant. Les mesures "linguistiques" souhaitées par les "nationalistes" basques ou catalans visent, ni plus ni moins, qu'à instaurer une préférence ethnique dans l'attribution des postes dans la fonction publique par exemple. Et à opposer les prétendues spécificités régionales à l'intérêt collectif. Comme par hasard, il s'agit des régions économiquement les plus développées... Les mêmes souhaitent d'ailleurs, à terme, devenir des interlocuteurs à part entière de l'Europe, délestés des poids morts que constituent à leurs yeux des régions moins riches ! Le refus du Sénat et la position de l'Académie française mettent un coup d'arrêt salutaire à cette opération politique néfaste. »

« Le français solidarise tous les citoyens quelle que soit leur région d'origine. Cette conscience commune du vivre ensemble est de plus en plus remise en cause et notamment par l'Europe libérale qui entend créer un Europe des régions contre les nations. La charte des langues régionales est un danger pour la démocratie, ainsi que pour le socle et les valeurs républicaines françaises. Qu'est ce que la nation ? nous demandait Ernest Renan : c'est un peuple avec un projet commun, au-delà des clivages et particularismes. »

« Je préfère pratiquer l'occitan en tant que pirate, en le parlant avec ma grand-mère, mes amis et mes enfants hors de tout cadre juridique plutôt que de le pratiquer avec un statut "patrimonial", comme une pièce de musée. Nous sommes vivants. Mes enfants ne sont pas une église romane ou un site paléolithique. Ils sont le monde de demain.»

« Je suis un adepte de la culture occitano-provençale et suis intéressé par les langues bretonne, basque, corse, alsacienne. Toutefois, placer ces quelques mots supplémentaires en article 1er de la Constitution, gène effectivement beaucoup le Républicain que je suis. Je crains aussi que l'on fasse une extension à d'autres cultures qui, bien que respectables, n'ont pas, selon moi, à intégrer ce patrimoine de la République. L'enjeu est la ratification par la France de la Charte européenne des langues régionales qui débloquerait, pour les minorités nationalistes, la manne d'une traduction de tous les textes législatifs par les locuteurs des langues minoritaires. Ce serait un tsunami linguistique, et cette charge supplémentaire pourrait étouffer la République jacobine pour le plus grand bonheur des nationalistes régionaux et des élites technocratiques européennes. »

« Les langues régionales, en dépit de leur apport culturel, engendrent le repli sur soi, le communautarisme. Les patois savoyards ont entre autres engendré des rivalités exacerbées intra-vallées pendant des siècles. Pour faire plaisir à mes parents, j'ai dû apprendre cette langue régionale absolument inutile. Les jeunes ont bien mieux à faire, et leur développement personnel passe d'abord par l'apprentissage des cultures mondiales. Honte à ceux qui veulent nous remettre dans un "ordre moral" insistant sur les particularismes régionaux au détriment de l'intégration de la France dans l'Europe et le monde.»

  La position de l'Académie française (12 juin 2008) :

« Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la République est le français ».
 Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte dont les conséquences portent atteinte à l’identité nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase commence par les mots : « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase terminale : « Les langues régionales appartiennent à son patrimoine ».
 Les langues régionales appartiennent à notre patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles expriment des réalités et des sensibilités qui participent à la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition soudaine dans la Constitution ?
 Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il s’agit du droit des droits, la Constitution.
 Au surplus, il nous paraît que placer les langues régionales de France avant la langue de la République est un défi à la simple logique, un déni de la République, une confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet d'une politique.
 Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la Constitution.»

 

  Résumez les positions essentielles. Quel parti prendrez-vous ? 


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