DÉFENSE
DE LA LANGUE FRANÇAISE
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Le
génie d'une langue
e rayonnement de
la langue française en Europe, et au-delà, jusqu'au XIXème
siècle, repose-t-il sur un «génie» particulier ou n'est-il
que la conséquence de l'hégémonie culturelle et politique
initiée par l'absolutisme ? Sans répondre à la question,
nous confrontons ci-dessous deux textes qui aideront
peut-être à dégager quelques spécificités de notre langue
: dans le premier, Rivarol affirme la vocation du français
à devenir la « langue humaine » en raison de son admirable
clarté; dans le second, Voltaire répond de manière plus
nuancée à un thuriféraire de la langue italienne en
affirmant qu'il n'est pas de langue parfaite et que « la
première est celle qui a le plus d’excellents ouvrages ».
RIVAROL
(1753-1801), Discours
sur l'universalité de la langue française
(1784).
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[En
1783, l’Académie royale des Sciences et
Belles-Lettres de Berlin mettait au concours un
sujet ainsi libellé : « Qu’est-ce qui a rendu la
langue française universelle ? Pourquoi
mérite-t-elle cette prérogative ? Est-il à
présumer qu’elle la conserve ? ». L’Académie
couronna ex-aequo l'année suivante la Dissertation
sur les causes de l’universalité de la langue
française et la durée vraisemblable de son empire
de Johann Christoph Schwab, et l'essai de
Rivarol. Celui-ci passe successivement en revue
les langues européennes pour les renvoyer à la
même insuffisance : l'allemand lui paraît «
guttural et encombré de dialectes »; pour
l'espagnol, dont la majesté « invite à l'enflure
», « la simplicité de la pensée se perd dans la
longueur des mots » ; l'italien « se traîne avec
trop de lenteur » et la langue anglaise «
se sent trop de l'isolement du peuple et de
l'écrivain ».]
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Il
me
reste à prouver que, si la langue française a
conquis l'empire par ses livres, par l'humeur et
par l'heureuse position du peuple qui la parle,
elle le conserve par son propre génie.
Ce qui distingue notre langue des langues
anciennes et modernes, c'est l'ordre et la
construction de la phrase. Cet ordre doit toujours
être direct et nécessairement clair. Le français
nomme d'abord le sujet du discours,
ensuite le verbe qui est l'action, et
enfin l'objet de cette action : voilà
la logique naturelle à tous les hommes ; -
voilà ce qui constitue le sens commun. Or cet
ordre, si favorable, si nécessaire au
raisonnement, est presque toujours contraire aux
sensations, qui nomment le premier l'objet qui
frappe le premier. C'est pourquoi tous les
peuples, abandonnant l'ordre direct, ont eu
recours aux tournures plus ou moins hardies, selon
que leurs sensations ou l'harmonie des mots
l'exigeaient ; et l'inversion a prévalu sur
la terre, parce que l'homme est plus
impérieusement gouverné par les passions que par
la raison.
Le français, par un privilège unique, est
seul resté fidèle à l'ordre direct, comme s'il
était tout raison, et on a beau par les mouvements
les plus variés et toutes les ressources du style,
déguiser cet ordre, il faut toujours qu'il
existe ; et c'est en vain que les passions
nous bouleversent et nous sollicitent de suivre
l'ordre des sensations : la syntaxe française
est incorruptible. C'est de là que résulte cette
admirable clarté, base éternelle de notre langue.
Ce qui n'est pas clair n'est pas français ;
ce qui n'est pas clair est encore anglais,
italien, grec ou latin. Pour apprendre les langues
à inversion, il suffit de connaître les mots et
leurs régimes ; pour apprendre la langue
française, il faut encore retenir l'arrangement
des mots. On dirait que c'est d'une géométrie tout
élémentaire, de la simple ligne droite, et que ce
sont les courbes et leurs variétés infinies qui
ont présidé aux langues grecque et latine. La
nôtre règle et conduit la pensée ; celles-là
se précipitent et s'égarent avec elle dans le
labyrinthe des sensations et suivent tous les
caprices de l'harmonie : aussi furent-elles
merveilleuses pour les oracles, et la nôtre les
eût absolument décriés. [...]
La prononciation de la langue française
porte l'empreinte de son caractère : elle est
plus variée que celle des langues du Midi mais
moins éclatante ; elle est plus douce que
celle des langues du Nord, parce qu'elle
n'articule pas toutes ses lettres. Le son de l'e
muet, toujours semblable à la dernière vibration
des corps sonores, lui donne une harmonie légère
qui n'est qu'à elle.
Si on ne lui trouve pas les diminutifs et
les mignardises de la langue italienne, son allure
est plus mâle. Dégagée de tous les protocoles que
la bassesse inventa pour la vanité et la faiblesse
pour le pouvoir, elle en est plus faite pour la
conversation, lien des hommes et charme de tous
les âges ; et, puisqu'il faut le dire, elle
est, de toutes les langues, la seule qui ait une
probité attachée à son génie. Sûre, sociale,
raisonnable, ce n'est plus la langue française,
c'est la langue humaine : et voilà pourquoi
les puissances l'ont appelée dans leurs
traités ; elle y règne depuis les conférences
de Nimègue, et désormais les intérêts des peuples
et les volontés des rois reposeront sur une base
plus fixe ; on ne sèmera plus la guerre dans
des paroles de paix .
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VOLTAIRE
Lettre à M. Deodati de Tovazzi.
[La Dissertation sur l’Excellence de la
langue italienne, par Deodati de Tovazzi,
avait paru en 1761. On aura une idée de sa
teneur par cette réponse que Voltaire lui
adressa.]
Au
château de Ferney, en Bourgogne, 24 janvier
[1762].
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Je
suis très sensible, monsieur, à l’honneur que vous
me faites de m’envoyer votre livre de l’Excellence
de la langue italienne; c’est envoyer à un
amant l’éloge de sa maîtresse. Permettez-moi
cependant quelques réflexions en faveur de la
langue française, que vous paraissez dépriser un
peu trop. On prend souvent le parti de sa femme,
quand la maîtresse ne la ménage pas assez.
Je crois, monsieur, qu’il n’y a aucune
langue parfaite. Il en est des langues comme de
bien d’autres choses, dans lesquelles les savants
ont reçu la loi des ignorants. C’est le peuple
ignorant qui a formé les langages; les ouvriers
ont nommé tous leurs instruments. Les peuplades, à
peine rassemblées, ont donné des noms à tous leurs
besoins; et, après un très grand nombre de
siècles, les hommes de génie se sont servis, comme
ils ont pu, des termes établis au hasard par le
peuple. [...]
J’ai toujours respecté les Italiens comme
nos maîtres; mais vous avouerez que vous avez fait
de fort bons disciples. Presque toutes les langues
de l’Europe ont des beautés et des défauts qui se
compensent. Vous n’avez point les mélodieuses et
nobles terminaisons des mots espagnols, qu’un
heureux concours de voyelles et de consonnes rend
si sonores: Los rios, los hombres, las
historias, las costumbres. Il vous manque
aussi les diphtongues, qui, dans notre langue,
font un effet si harmonieux: Les rois, les
empereurs, les exploits, les histoires.
Vous nous reprochez nos e muets
comme un son triste et sourd qui expire dans notre
bouche; mais c’est précisément dans ces e muets
que consiste la grande harmonie de notre prose et
de nos vers. Empire, couronne, diadème,
flamme, tendresse, victoire; toutes ces
désinences heureuses laissent dans l’oreille un
son qui subsiste encore après le mot prononcé,
comme un clavecin qui résonne quand les doigts ne
frappent plus les touches.
Avouez, monsieur, que la prodigieuse
variété de toutes ces désinences peut avoir
quelque avantage sur les cinq terminaisons de tous
les mots de votre langue. Encore, de ces cinq
terminaisons faut-il retrancher la dernière, car
vous n’avez que sept ou huit mots qui se terminent
en u; reste donc quatre sons, a, e,
i, o, qui finissent tous les mots italiens.
Pensez-vous, de bonne foi, que l’oreille
d’un étranger soit bien flattée, quand il lit,
pour la première fois,
.
. . . . . . . . . . e ‘1 Capitano
Che
‘l gran sepolcro liberò di Cristo;.
et
Molto
egli oprò col senno e con la mano?
(Le Tasse, Jerus. deliv., ch. i.)
Croyez-vous que tous ces o soient
bien agréables à une oreille qui n’y est pas
accoutumée? Comparez à cette triste uniformité, si
fatigante pour un étranger; comparez à cette
sécheresse ces deux vers simples de Corneille:
Le
destin se déclare, et nous venons d’entendre
Ce
qu’il a résolu du beau-père et du gendre.
(La Mort de Pompée, acte I, scène 1.)
Vous voyez que chaque mot se termine
différemment. [...]
Vous vantez, monsieur, et avec raison,
l’extrême abondance de votre langue; mais
permettez-nous de n’être pas dans la disette. Il
n’est, à la vérité, aucun idiome au monde qui
peigne toutes les nuances des choses. Toutes les
langues sont pauvres à cet égard; aucune ne peut
exprimer, par exemple, en un seul mot, l’amour
fondé sur l’estime, ou sur la beauté seule, ou sur
la convenance des caractères, ou sur le besoin
d’aimer. Il en est ainsi de toutes les passions,
de toutes les qualités de notre âme. Ce que l’on
sent le mieux est souvent ce qui manque de terme.
Mais, monsieur, ne croyez pas que nous
soyons réduits à l’extrême indigence que vous nous
reprochez en tout. Vous faites un catalogue en
deux colonnes de votre superflu et de notre
pauvreté; vous mettez d’un côté orgoglio,
alterigia, superbia, et de l’autre, orgueil
tout seul. Cependant, monsieur, nous avons orgueil,
superbe, hauteur, fierté, morgue, élévation,
dédain, arrogance, insolence, gloire, gloriole,
présomption, outrecuidance. Tous ces mots
expriment des nuances différentes, de même que
chez vous orgoglio, alterigia, superbia, ne
sont pas toujours synonymes.
Vous nous reprochez, dans votre alphabet de
nos misères, de n’avoir qu’un mot pour signifier vaillant.
Je sais, monsieur, que votre nation est
très vaillante quand elle veut, et quand on le
veut; l’Allemagne et la France ont eu le bonheur
d’avoir à leur service de très braves et de très
grands officiers italiens.
L’italico valor non è ancor morto.
Mais, si vous avez valente,
prode, animoso, nous avons vaillant,
valeureux, preux, courageux, intrépide, hardi,
animé, audacieux, brave, etc. Ce courage,
cette bravoure, ont plusieurs caractères
différents, qui ont chacun leurs termes propres.
[...] Croyez donc, je vous prie, monsieur, que
nous avons, dans notre langue, l’esprit de faire
sentir ce que les défenseurs de notre patrie ou de
notre pays ont le mérite de faire.
Vous nous insultez, monsieur, sur le mot de
ragoût; vous vous imaginez que nous
n’avons que ce terme pour exprimer nos mets, nos
plats, nos entrées de table, et
nos menus. Plût à Dieu que vous eussiez
raison, je m’en porterais mieux ! mais
malheureusement nous avons un dictionnaire entier
de cuisine.
Vous vous vantez de deux expressions pour
signifier gourmand; mais daignez
plaindre, monsieur, nos gourmands, nos goulus, nos
friands, nos mangeurs, nos gloutons. [...]
Je finis cette lettre trop longue par une
seule réflexion. Si le peuple a formé les langues,
les grands hommes les perfectionnent par les bons
livres; et la première de toutes les langues est
celle qui a le plus d’excellents ouvrages.
J’ai l’honneur d’être, monsieur, avec
beaucoup d’estime pour vous et pour la langue
italienne, etc.
VOLTAIRE, Correspondance, lettre
4432 (extrait)
|
Défendre
?
« La
seule manière de défendre la langue, c’est de
l’attaquer, parce que son unité n’est faite que de
contraires neutralisés, d’une immobilité apparente
qui cache une vie vertigineuse et perpétuelle ».
(Marcel Proust, à Mme Strauss, Correspondance, 8e
volume, 1908).
Le temps où Rivarol pouvait proclamer l'universalité de la
langue française est révolu, même si Philippe Sollers peut
déclarer en novembre 2013 : «
la patrie, c'est la langue, et je pense que le français
est la langue qui peut traduire absolument toutes les
autres, parfois en mieux.» (Entretien,
janvier 2014). Qui aujourd'hui, armé de la même
confiance dans le génie de notre langue, pourrait affirmer
: «
Le temps semble être venu de dire le monde français,
comme autrefois le monde romain, et la philosophie,
lasse de voir les hommes toujours divisés par les intérêts
divers de la politique, se réjouit maintenant de les voir,
d'un bout de la terre à l'autre, se former en république
sous la domination d'une même langue. Spectacle digne d'elle
que cet uniforme et paisible empire des lettres qui s'étend
sur la variété des peuples et qui, plus durable et plus fort
que l'empire des armes, s'accroît également des fruits de la
paix et des ravages de la guerre !» (Discours sur
l'universalité de la langue française)?
Mais
si, en effet, le temps a fait justice de cette prétention,
peut-on pour autant ajouter un cri d'alarme au concert des
puristes ? A les en croire, la langue française est
menacée par les emprunts qu'elle consent sans contrôle aux
dialectes étrangers et notamment à l'anglais. Claude
Hagège a dénoncé ce lieu commun :
« Des langues
étrangères ont intégré des mots d'origine française, à
commencer par l'anglais lui-même à l'époque où les Normands
conquirent l'Angleterre (XIe siècle). Le nombre
de mots que les Franco-Normands apportèrent en Angleterre,
en 1066, est considérablement supérieur à celui que la
France emprunte aujourd'hui à l'anglo-américain. Donc, à
l'échelle de plusieurs siècles, le rapport des échanges est
à notre avantage ! [...] Du point de vue du degré
d'emprunts qu'une langue fait à une autre, le français n'est
nullement menacé. Sur un lexique de 60 000 mots, le nombre
des mots anglo-américains se situe aujourd'hui autour de 1
500, ce qui représente 2,5 % du vocabulaire. Si les mots
anglo-américains nous paraissent plus nombreux, c'est tout
simplement parce qu'ils sont d'un usage très courant.»
Entretien avec Claude Hagège (Label France, n° 26,
décembre 1996).
Et Claude Hagège d'ajouter que le français s'est montré
tout à fait capable de proposer ses mots à lui pour
désigner les technologies nouvelles :
« Dans le domaine de l'informatique, par exemple, si le mot
ordinateur, proposé par le latiniste Jacques Perret, s'est
rapidement imposé au lieu de computer, si celui de
logiciel l'a emporté sur software et matériel au
lieu de hardware, c'est parce que les réalités
qu'ils désignent étaient largement françaises. Autres cas
intéressants, ceux d'objets culturels bel et bien d'origine
américaine pour lesquels on a cependant trouvé un équivalent
français heureux. Exemples : perchiste pour perchman,
cadreur pour cameraman, ou stimulateur cardiaque
pour pacemaker.» (ibid.) On
pourrait ajouter l'heureux baladeur pour
l'imprononçable walkman et les louables efforts
de l'Office
québecois de la langue française, qui nous en
remontre sur ces points pour sauver notre langue de
l'horrible et prétentieux jargon que, croyant « faire classe
» ou simplement abrutis par les démissions ambiantes, des pisse-copies de tous bords empruntent sans discernement à l'anglais.
Voilà
qui, faute de sensibiliser nos élèves au problème,
pourra au moins se transformer en activité pédagogique.
Ainsi l'Académie
des Sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de
Toulouse
organisait en 1998 et 1999 un Concours pour la Défense
de la Langue française : il s'agissait de proposer des
équivalents acceptables pour des termes étrangers (et
notamment « franglais ») par trop envahissants.
Inspirées parfois par les beaux efforts des québecois,
voici les propositions d'une classe de Seconde du lycée
Déodat-de-Séverac de Toulouse, qui a remporté le premier
prix du concours. Vous pourrez vous essayer à votre tour
à cet exercice et consulter, par exemple, la page "Dites-le
en français !" présentée par les
Nations-Unies dans le cadre de la Journée de la langue
française.
Mots
étrangers
|
Équivalents
proposés
|
best
of
casting
cocooning
cutter
design
fast-food
hot-dog
jogging
kitchenette
nominé
paparazzi
prime time
schrinkflation
sex-shop
shopping
spoiler
sponsor
thriller
tour operator
week-end
zapping
|
florilège
distribution
pantouflage
coupoir
stylisme
restovite
sauci-pain
trottinage
cuisinette
distingué
phototraqueurs
primécoute
réduflation
pornomarché
chalandage
divulgâcher
parrain
terrifiction
voyagiste
vacancettes
télébutinage
|
Voir
sur Amazon :
|
Consulter : à
propos de l'état de la langue française, et des
responsables de son prétendu "affaissement", on pourra
prendre position après lecture de ces deux discours
académiques d'Hélène Carrère d'Encausse (Au
secours du français et
Ma patrie, c'est la langue française).
La
vraie menace : une "novlangue" ?
Dire
qu'une langue vit signifie qu'elle bouge : ceci relève
d'une évidence, mais n'interdit pas de déplorer ces
mouvements ni même d'alerter ses usagers sur leurs
aberrations. Il existe une tradition de ce genre
d'alarmes et toutes ne sont pas réactionnaires : on
pense à la satire du langage précieux par Molière, aux
réactions allergiques suscitées dans les années 60 par
le jargon de la nouvelle critique ou, plus récemment,
par celui du pédagogisme. On a dénoncé aussi notre goût
pour les euphémismes (technicien
de surface, pays en voie de développement)
, ces expressions adoucies qui révèlent notre peur
des mots et la bonne conscience qu'on y trouve à peu de
frais.
On trouvera ci-dessous un billet d'humeur sur
lequel on pourra réfléchir :
On
ne doit plus dire un con mais un mal-comprenant.
Il semblerait que les mots simples, directs, précis,
blessent les oreilles modernes. A la fin de son 1984,
Georges Orwell nous explique la fonction de la novlangue,
si proche de celle qu'utilisent en permanence nos
médias. « La novlangue était destinée non à étendre,
mais à diminuer le domaine de la pensée. » Les
robotisés d'Orwell ne disaient plus mauvais, mais inbon.
Chez nous, aujourd'hui, la non-vie se
substitue à la mort. D'autres exemples de cette
gangrène ? Un prix littéraire attendu devient une non-surprise,
et si des footballeurs prennent une raclée, on parle
de la non-qualification de l'équipe de
France. N'oublions pas le mal-vivre et le
mal-être (des banlieues), un non-match,
des non-réponses, la non-volonté
du gouvernement, qui marque un net refus, et la non-réussite
qui se traduit par le mot échec. Ne parlons pas des
non-votes du Parlement et cette trouvaille
récente, que nous devons aux saints amis de l'abbé
Pierre, le mal-logement. Dans un quotidien
pourtant sérieux, mais contaminé, pour expliquer
qu'un chômeur est parti à la campagne, le
journaliste écrit qu'il s'était établi dans l'espace
vacant du non-travail, de la non-ville.
C'est plus grave qu'une mode. Le pire ennemi
de la langue française, ce n'est pas l'anglais,
cette langue qui se désarticule en un baragouin
international simplifié à l'excès. Ce n'est ni le
rap, qui exerce à la rime les jeunes gens des
banlieues, ni le verlan, ni le lanver.
Non, le pire ennemi de la langue française, c'est le
cliché administratif et les métaphores indéfiniment
répétées, les barbarismes et les tournures passives
alors que notre langue est active. Outre la
novlangue, il existe d'autres méthodes pour
dissimuler la réalité : ici la tactique du
carpaccio, dont les restaurateurs se servent pour
embellir leur menu, joue un rôle essentiel ; mais un
carpaccio de tomates, ce n'est qu'une salade de
tomates en rondelles.
Il suffit d'utiliser un vocabulaire impropre
au sujet que l'on traite. On emploie des termes
scolaires quand on aborde la politique, pour la
ridiculiser : le ministre a dû corriger sa
copie. Nous imaginons aussitôt le cancre pris
en défaut. On peut accentuer la formule en ajoutant
une notion de commerce : Le ministre a dû
revoir sa copie à la baisse. La bouillie
verbale n'est pas loin. Quand le maire de Toulouse
se propose de figurer en tête de liste dans une
élection, on dira qu'il joue dans la cour des
grands. Les journalistes politiques usent du
style sportif : le carton rouge de Chirac aux
patrons, ou la liste européenne avec, en
pole position... Pour compliquer, car c'est
le propos, vous pouvez y ajouter une pincée
d'histoire romaine et de météo, ce qui donne : Une
semaine avant le sprint final des européennes, les
augures pour le chef de file (sic) des
socialistes ne sont pas au beau fixe. Le
sport se commente en termes religieux : Il faut
que la formule 1 fasse son examen de conscience.
On n'hésitera jamais à mélanger les disciplines pour
obscurcir la compréhension. On atteindra alors ce
chef-d'œuvre du grotesque, entendu à la télévision :
Et maintenant, la balle est dans le camp des
slalomeurs.
La France parle un nouveau rural. Quand les
chèvres broutent les buissons sans toucher aux
arbres, un berger d'aujourd'hui nous explique à la
télévision : Elles contribuent à la diminution
de la combustibilité des massifs boisés sans
remettre en cause la pérennité du milieu arboré.
Et il conclut : j'apprécie l'impact de la
chèvre dans le massif.
Le mal est ancien. Les précieuses du XVIIème
siècle, dont Molière s'est moqué, avaient déjà
introduit un vocabulaire contourné, un patois
savant. Un fauteuil, un bête fauteuil, c'était une
commodité de la conversation. Des professeurs
ont relancé ce style tarabiscoté. Lacan, Barthes,
Derrida, repris par des gauchistes apostats des
années 70, à leur tour singés par des présentateurs
de télévision, des publicitaires et des
commentateurs sportifs, ont réussi à persuader les
braves gens que les choses profondes étaient d'une
effroyable complexité, que le vocabulaire courant
devenait vulgaire. Les phrases baroques ne servent
qu'à cacher la faiblesse de la pensée, comme une
sauce forte cache une viande médiocre.
J'ai horreur des gens qui, sous prétexte de
défendre le français contre l'anarchie de l'écrit et
du parler, prononcent dans les colloques des phrases
comme celles-ci : La situation faite à présent
en France à la langue la plus solvable est liée à
notre réintégration dans le Nato ou à la
non-utilisation de notre droit de veto aux Nations
Unies.
On ne sauvera pas le français en signant des
manifestes bourrés de solécismes.
Michel-Antoine Burnier, L'Express, 21/3/96.
|
Lire : L'Hexagonal
tel qu'on le parle (1970),
où Robert Beauvais stigmatisait plaisamment le
même travers : « Largement
propagé par les moyens de diffusion actuels, Presse, Radio
et Télévision, l'hexagonal est en train de gagner les masses
auxquelles il s'impose par ces deux vertus à quoi le public
contemporain résiste difficilement : la laideur et la
prétention. Mais d'autres causes favorisent son
développement ; parmi celles-ci notons en premier lieu ce
que j'appellerai le "syndrome du garde champêtre". On sait
que le garde champêtre et les autres assermentés en uniforme
ayant à choisir entre "nonobstant" et "malgré", ou
"subséquemment" et "ensuite" iront d'instinct vers le plus
redondant, cela en vertu de la fascination que les mots
exercent, depuis toujours, sur les âmes simples. En raison
de ce syndrome du garde champêtre, il y aura toujours des
gens pour penser que "ondée" est plus joli que "pluie", qui
préféreront "opuscule" à "petit livre", "missive" à
"lettre", «"expliciter" à "expliquer" et "pinacothèque" à
"musée", "céphalalgie" à "mal de tête" et trouveront plus
distingué d'avoir une protubérance qu'une bosse.»
Ce
travers n'est pas nouveau si l'on en juge par
cet extrait de Pantagruel où Rabelais
confronte son personnage avec un de ces
étudiants qui affectaient à l'époque l'usage
intempestif de vocables imités du latin. On
n'aura pas de mal à les traduire en recourant
à l'étymologie !
|
Un jour, je ne sais quand, Pantagruel se
promenait après souper avec ses compagnons par
la porte d'où l'on va à Paris. Là il rencontra
un écolier tout pimpant qui venait par ce
chemin; et après qu'ils se furent salués, il lui
demanda : "Mon ami d'où viens-tu à cette heure ?" L'écolier lui répondit : "De l'alme, inclite,
et célèbre académie que l'on vocite Lutèce".
- Qu'est-ce à dire ? dit Pantagruel à un de ses
gens. - C'est, répondit-il, de Paris qu'il veut
parler.
- Tu viens donc de Paris, dit Pantagruel. Et à
quoi passez-vous le temps, vous autres messieurs
les étudiants de Paris ? |
L'écolier répondit : "Nous transfrétons la
Sequane au dilicule et crépuscule; nous
déambulons par les compites et quadrivies de
l'urbe; nous despumons la verbocination latiale,
et, comme verisimiles amorabonds, captons la
bénévolence de l'omnijuge, omniforme, et
omnigène sexe féminin."
[ ... ]
- "Eh ben merde alors, dit Pantagruel, qu'est-ce
que veut dire ce fou ? Je crois qu'il nous forge
ici quelque langage diabolique, et qu'il nous
charme comme un enchanteur". À ces mots, l'un de
ses compagnons répondit : "Seigneur sans doute
ce galant veut contrefaire la langue des
Parisiens, mais il ne fait qu'écorcher le latin,
croyant ainsi pindariser; et il se prend pour
un grand orateur en français parce qu'il
dédaigne Ie langage courant". [...]
- "Par Dieu, dit Pantagruel, je vous apprendrai
à parler. Mais auparavant réponds-moi : d'où
es-tu ?" À ces mots l'écolier lui dit :
"L'origine primève de mes aves et ataves fut
indigène des régions Lémoviques, où requiesce le
corpore de l'agiotade saint Martial."
- J'entends bien, dit Pantagruel. Tu es
limousin, pour tout potage, et tu veux
contrefaire le Parisien. Viens donc là, que je
te frotte les oreilles." Et de le prendre à la
gorge en lui disant : "Tu écorches le latin; par
saint Jean, je te ferai dégorger une queue de
renard, car je t'écorcherai tout vif." Et le
pauvre Limousin se mit à dire : "Vée dicou !
gentillâtre ! Ho, saint Marsault adiouda mi !
Hau hau ! laissas à quau, au nom de Dious, et ne
me touquas grou !" À ces mots, Pantagruel lui
dit : "Maintenant tu parles naturellement." Et
il le laissa ainsi, car le pauvre Limousin
chiait dans ses chaussures.
François Rabelais, Pantagruel,
VI, 1532 (version
en français moderne).
|
Débat
: les langues régionales.
18 juin 2008 : Le Sénat rejette l'amendement des
députés qui voulaient inscrire les langues
régionales dans l'article premier de la future
Constitution française. L'article aurait
fait apparaître les mentions suivantes : «
L'organisation de la République est
décentralisée. Les langues régionales
appartiennent à son patrimoine. »
Réactions :
|
« Je ne comprends plus ces pontes de la politique, qui sont
fiers de ce grand "pays des droits de l'homme", ces gens
soi-disant respectables, qui comparent ma langue, les mots
qui me sortent involontairement, naturellement, de ma bouche
à de la "potée". Que leur ai-je fait ? Partout en Europe, je
vois ces "langues régionales" qui ont un statut, sont
présentes à l'université dans les collectivités locales,
dans les médias... Et nous, même pas une place au patrimoine
français... Je ne sais pas si cet amendement était bon, mais
comment voulez-vous que nous ne devenions pas "séparatistes"
quand on nous traite ainsi ? Nous étions 500 000 locuteurs
de breton il y a 20 ans, 200 000 aujourd'hui, si rien ne
change, qui peut dire que nous n'aurons pas été tués dans 20
ans ? L'introduction d'une mention dans la Constitution
était un petit espoir de changement. Les insultes et le
mépris (il n'y a pas d'autre mots) de l'Académie et des
sénateurs y ont mis fin. »
« Les politiques français sont les premiers à défendre le
maintien du français dans plusieurs institutions
internationales, mais font partie des derniers à défendre
les langues régionales en Europe. Une volonté de défendre
ces langues et de les intégrer à l'Histoire française,
donnerait plus de poids à la défense du français face à
l'anglais de plus en plus reconnu comme langue
internationale. Ceci est d'autant plus vrai que la plupart
des défenseurs des langues minoritaires sont des amoureux de
la culture et encouragent la sauvegarde et prônent la
diversité de toutes les langues en général. Il serait temps
de reconnaître les langues minoritaires et de les promouvoir
au lieu de laisser des groupuscules extrémistes s'en
occuper. Car malheureusement aujourd'hui, l'amalgame existe
bel et bien : parler une langue régionale, c'est passer pour
un indépendantiste forcené. »
« N'oublions pas que la plupart des langues régionales sont
aussi langues européennes (alsacien/allemand ; corse/italien
; catalan/espagnol...). Nos voisins suisses ont quatre
langues officielles et ils ne s'en portent pas plus mal en
terme de qualité de vie, de richesse... et d'unité de leur
pays ! Nos académiciens et autres vielles barbes du Sénat,
en général, monolingues, semblent méconnaître les stratégies
d'acquisition des langues et la facilité qu'ont les enfants
bilingues ou plurilingues à s'exprimer en plusieurs langues.
C'est un facteur d'altérité qui favorise l'ouverture aux
autres et la tolérance.»
« Je me suis souvent dit qu'il faudrait créer en France un
parti des "5/6e", en gros la proportion de la population
française qui ne vit pas dans la région parisienne. Tout
dans ce pays, passe par un étouffement de la province par
Paris. Dans ce contexte, la question des langues régionales
est symbolique de ce mépris profond des élites jacobines
pour les cultures régionales. Oui, les langues régionales
(je n'en parle aucune) font bien partie du patrimoine
national et méritent leur inscription dans la Constitution.
»
« Je suis tenté de rappeler à certain(e)s que la langue
française est également une langue régionale mais il
faudrait pour cela qu'ils ôtent leurs œillères nationalistes
pour respecter la diversité, cette diversité qui a tellement
bon ton hors de France mais qui est farouchement combattue
sur le sol national par nos politiques. Soyons réalistes :
une langue meurt tous les quinze jours dans le monde. Si on
est vraiment volontariste et attaché à la diversité
linguistique dans son pays, comme le prétendent nos
dirigeants, on donnera un statut à nos langues et on
ratifiera la charte européenne des langues minoritaires afin
de ne pas les perdre. Rappelons que cette charte a été
ratifiée par tous les pays de l'UE sauf la France et la
Grèce, et que la ratification est obligatoire pour chaque
nouvel entrant. »
« En n'engendrant que des clones la France choisit de
promouvoir une culture hors-sol de ses jeunes générations.
La première conséquence sera probablement un appauvrissement
du français : le niçois me facilite la lecture de nos
auteurs classiques ! J'emploie quotidiennement des mots et
des expressions niçois qui ont un équivalent français devenu
rare ou recherché. Comment voulez-vous que je m'exprime
totalement, moi Occitan des Alpes, dans une langue qui ne
compte pas la moitié des mots que compte ma langue d'origine
?»
« J'ai 32 ans, travaille dans les affaires avec comme langue
principale l'anglais, je vis et j'ai grandi dans le nord de
la France, mais ai réappris l'occitan de mes aïeux. A ce
titre, une auto école m'a récemment demandé de servir
d'interprète assermenté pour un de ses élèves de 50 ans qui
échouait régulièrement à l'examen du code pour un problème
de langue. Si cet homme avait été étranger, il aurait
bénéficié d'une telle aide. Le problème est qu'il est
français, et par conséquent, censé maîtriser parfaitement
cette langue, alors qu'il parle beaucoup mieux "la lenga
nòstra". Une assermentation en langue occitane a été
refusée, l'administration ayant fait preuve de mépris sur
cette question, et ce, au grand désarroi du moniteur d'auto
école. Alors est-ce que quelqu'un qui parle parfaitement une
langue héritée de ses parents, langue qui a traversé les
siècles sans enseignement, sans médias, est-ce que cet homme
est analphabète ou le détenteur d'une culture qui a
contribué à la construction de la France et au rayonnement
de celle-ci ? Le mot "amour" a été légué à la langue
française par les troubadours occitans. Aujourd'hui,
celle-ci ne le mérite plus ! »
« Qu'un État ait besoin d'une langue nationale, connue par
tous ses habitants, est d'une telle évidence que la
discussion sur ce sujet est inutile. Le problème se pose
lorsqu'une hiérarchie s'établit entre la langue nationale et
les langues minoritaires. Essayez de comprendre que, pour
nous Occitans, comme pour les Bretons, Basques etc., il
devient insupportable de voir persister l'appellation de
"patois" pour désigner notre langue. Ce mot induit une
barrière entre les "vraies" langues et des particularismes
linguistiques d'un autre âge. Vous dites que pour faire la
France, il fallait détruire les idiomes "régionaux". Eh bien
si, pour faire l'Europe, il faut détruire certains idiomes
"nationaux", allons-y gaiement ! »
« Les langues
régionales (je suis de Montpellier et j'ai étudié l'occitan
jusqu'au bac), si elles sont reconnues patrimoine national,
risquent de conduire à un émiettement régionaliste qui
serait le contraire même de notre identité française. Elles
sont déjà bien aidées aujourd'hui, dans nos écoles et dans
nos collèges (notamment le catalan qui bénéficie d'un appui
financier indirect de la Generalitat de Catalunya, qui crée
des injustices dans certaines écoles des Pyrénées-Orientales
où je réside). Arrêtons d'essayer d'inverser le sens de
l'histoire ! Regroupons au lieu de séparer, allons à
l'essentiel et non au superflu ! »
« Pour vivre en Belgique, je suis bien placé pour savoir
comment les langues régionales sont devenues un poison
sociétal, ces langues tolérées au départ étant rapidement
imposées comme des droits fondamentaux, au mépris de l'unité
nationale. La tendance centrifuge, très à la mode en réaction
à l'Europe et à la mondialisation, doit être contenue et la
Constitution doit être le garant de l'unité nationale et non
l'occasion d'un délitement culturel. »
« Derrière une initiative apparemment culturelle, se cache
une arme de destruction de l'égalité des citoyens sur le
territoire de la République. Fantasme de jacobin passéiste ?
L'exemple de l'Espagne est éclairant. Les mesures
"linguistiques" souhaitées par les "nationalistes" basques
ou catalans visent, ni plus ni moins, qu'à instaurer une
préférence ethnique dans l'attribution des postes dans la
fonction publique par exemple. Et à opposer les prétendues
spécificités régionales à l'intérêt collectif. Comme par
hasard, il s'agit des régions économiquement les plus
développées... Les mêmes souhaitent d'ailleurs, à terme,
devenir des interlocuteurs à part entière de l'Europe,
délestés des poids morts que constituent à leurs yeux des
régions moins riches ! Le refus du Sénat et la position de
l'Académie française mettent un coup d'arrêt salutaire à
cette opération politique néfaste. »
« Le français solidarise tous les citoyens quelle que soit
leur région d'origine. Cette conscience commune du vivre
ensemble est de plus en plus remise en cause et notamment
par l'Europe libérale qui entend créer un Europe des régions
contre les nations. La charte des langues régionales est un
danger pour la démocratie, ainsi que pour le socle et les
valeurs républicaines françaises. Qu'est ce que la nation ?
nous demandait Ernest Renan : c'est un peuple avec un projet
commun, au-delà des clivages et particularismes. »
« Je préfère pratiquer l'occitan en tant que pirate, en le
parlant avec ma grand-mère, mes amis et mes enfants hors de
tout cadre juridique plutôt que de le pratiquer avec un
statut "patrimonial", comme une pièce de musée. Nous sommes
vivants. Mes enfants ne sont pas une église romane ou un
site paléolithique. Ils sont le monde de demain.»
«
Je suis un adepte de la culture occitano-provençale et suis
intéressé par les langues bretonne, basque, corse,
alsacienne. Toutefois, placer ces quelques mots
supplémentaires en article 1er de la Constitution, gène
effectivement beaucoup le Républicain que je suis. Je crains
aussi que l'on fasse une extension à d'autres cultures qui,
bien que respectables, n'ont pas, selon moi, à intégrer ce
patrimoine de la République. L'enjeu est la ratification par
la France de la Charte européenne des langues régionales qui
débloquerait, pour les minorités nationalistes, la manne
d'une traduction de tous les textes législatifs par les
locuteurs des langues minoritaires. Ce serait un tsunami
linguistique, et cette charge supplémentaire pourrait
étouffer la République jacobine pour le plus grand bonheur
des nationalistes régionaux et des élites technocratiques
européennes. »
« Les langues régionales, en dépit de leur apport culturel,
engendrent le repli sur soi, le communautarisme. Les patois
savoyards ont entre autres engendré des rivalités exacerbées
intra-vallées pendant des siècles. Pour faire plaisir à mes
parents, j'ai dû apprendre cette langue régionale absolument
inutile. Les jeunes ont bien mieux à faire, et leur
développement personnel passe d'abord par l'apprentissage
des cultures mondiales. Honte à ceux qui veulent nous
remettre dans un "ordre moral" insistant sur les
particularismes régionaux au détriment de l'intégration de
la France dans l'Europe et le monde.»
La position de l'Académie française (12 juin 2008) :
« Depuis plus de cinq siècles, la langue française a forgé
la France. Par un juste retour, notre Constitution a, dans
son article 2, reconnu cette évidence : « La langue de la
République est le français ».
Or, le 22 mai dernier, les députés ont voté un texte
dont les conséquences portent atteinte à l’identité
nationale. Ils ont souhaité que soit ajoutée dans la
Constitution, à l’article 1er, dont la première phrase
commence par les mots : « La France est une République
indivisible, laïque, démocratique et sociale », une phrase
terminale : « Les langues régionales appartiennent à son
patrimoine ».
Les langues régionales appartiennent à notre
patrimoine culturel et social. Qui en doute ? Elles
expriment des réalités et des sensibilités qui participent à
la richesse de notre Nation. Mais pourquoi cette apparition
soudaine dans la Constitution ?
Le droit ne décrit pas, il engage. Surtout lorsqu’il
s’agit du droit des droits, la Constitution.
Au surplus, il nous paraît que placer les langues
régionales de France avant la langue de la République est un
défi à la simple logique, un déni de la République, une
confusion du principe constitutif de la Nation et de l’objet
d'une politique.
Les conséquences du texte voté par l'Assemblée sont
graves. Elles mettent en cause, notamment, l’accès égal de
tous à l'Administration et à la Justice. L'Académie
française, qui a reçu le mandat de veiller à la langue
française dans son usage et son rayonnement, en appelle à la
Représentation nationale. Elle demande le retrait de ce
texte dont les excellentes intentions peuvent et doivent
s'exprimer ailleurs, mais qui n'a pas sa place dans la
Constitution.»
Résumez les positions essentielles. Quel
parti prendrez-vous ?
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