LES
SUJETS DE L’EAF
2002
SÉRIE
L
Objet
d'étude : La poésie.
Textes
:
Texte
A - J. du Bellay, «Las où est maintenant...» (Les
Regrets, 1558)
Texte B - T. Corbière : «Un sonnet avec la manière de
s'en servir» (Les Amours jaunes, 1873)
Texte C - J. Laforgue : «La Cigarette» (Le
Sanglot de la terre, 1880)
Texte D - B. Cendrars : «Académie Medrano», (Sonnets
dénaturés, 1923)
Texte E - N. Boileau : Art poétique (1674),
chant II (extrait).
Texte A -
Joachim du Bellay, Les
Regrets, 1558.
Las1,
où est maintenant ce mépris de Fortune2 ?
Où est ce cœur vainqueur de toute adversité,
Cet honnête désir de l'immortalité,
Et cette honnête flamme au peuple non commune ?
Où sont ces
doux plaisirs, qu'au soir sous la nuit brune
Les Muses me donnaient, alors qu'en liberté
Dessus le vert tapis d'un rivage écarté
Je les menais danser aux rayons de la Lune ?
Maintenant la
Fortune est maîtresse de moi,
Et mon cœur qui soulait3 être maître de soi
Est serf de mille maux et regrets qui m'ennuient4.
De la
postérité je n'ai plus de souci,
Cette divine ardeur, je ne l'ai plus aussi,
Et les Muses de moi, comme étranges5,
s'enfuient.
1. hélas.
2. personnification du destin.
3. avait l'habitude de.
4. me tourmentent.
5. étrangères.
Texte B -
Tristan Corbière, Les Amours jaunes, 1873.
UN SONNET
AVEC LA MANIERE DE S'EN
SERVIR
Réglons notre papier et formons bien nos lettres
Vers
filés à la main et d'un pied uniforme,
Emboîtant bien le pas, par quatre en peloton ;
Qu'en marquant la césure, un des quatre s'endorme...
Ça peut dormir debout comme soldats de plomb.
Sur le railway
du Pinde1 est la ligne, la forme ;
Aux fils du télégraphe ; - on en suit quatre, en long ;
A chaque pieu, la rime - exemple : chloroforme.
- Chaque vers est un fil, et la rime un jalon.
-
Télégramme sacré - 20 mots. - Vite à mon aide...
(Sonnet - c'est un sonnet -) ô Muse d'Archimède2
- La preuve d'un sonnet est par l'addition :
- Je
pose 4 et 4 = 8 ! Alors je procède,
En posant 3 et 3 ! Tenons Pégase3 raide :
"O lyre ! O délire : O..." - Sonnet - Attention !
1.Pinde : montagne grecque ;
dans l'antiquité, dédiée à Apollon (dieu de la musique et
de la poésie) et aux Muses.
2. Archimède : savant grec (mathématicien et physicien) du
IIIe s. av. J-C.
3. Pégase : cheval ailé d'origine divine dans la
mythologie grecque, souvent associé à l'activité poétique.
Texte C -
Jules Laforgue, Le Sanglot de la terre, 1880.
[ LA CIGARETTE ]
Oui, ce
monde est bien plat ; quant à l'autre, sornettes.
Moi, je vais résigné, sans espoir, à mon sort,
Et pour tuer le temps, en attendant la mort,
Je fume au nez des dieux de fines cigarettes.
Allez,
vivants, luttez, pauvres futurs squelettes,
Moi, le méandre bleu qui vers le ciel se tord,
Me plonge en une extase infinie et m'endort
Comme aux parfums mourants de mille cassolettes1.
Et
j'entre au paradis, fleuri de rêves clairs
Où l'on voit se mêler en valses fantastiques
Des éléphants en rut à des chœurs de moustiques.
Et puis,
quand je m'éveille en songeant à mes vers,
Je contemple, le cœur plein d'une douce joie,
Mon cher pouce rôti comme une cuisse d'oie.
1. Brûle-parfum.
Texte D -
Blaise Cendrars, Sonnets dénaturés, 1923.
ACADÉMIE MÉDRANO
A Conrad Moricand
Danse avec ta langue, Poète,
fais un entrechat
Un tour de piste
sur un tout petit basset
noir ou haquenée1
Mesure les beaux vers mesurés et fixe les formes fixes
Que sont
LES BELLES LETTRES
apprises
Regarde :
Les
Affiches se fichent de
toi te
mordent avec leurs dents
en couleur entre les doigts
de pied
La fille du directeur a des lumières électriques
Les jongleurs sont aussi les trapézistes
xuellirép tuaS
teuof ed puoC
aç-emirpxE
Le clown est dans le tonneau malaxé
Il faut que ta langueles
soirs où
Les Billets de faveur
sont
supprimés.
Novembre 1916.
1. haquenée : cheval ou
jument d'allure douce, généralement montée par les dames.
Texte E -
Nicolas Boileau, Art poétique, chant II, v.
82-94 (1674).
On dit,
à ce propos, qu'un jour ce dieu bizarre1,
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du Sonnet les rigoureuses lois :
Voulut qu'en deux quatrains de mesure pareille
La rime avec deux sons frappât huit fois l'oreille ;
Et qu'ensuite six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés,
Surtout, de ce poème il bannit la licence :
Lui-même en mesura le nombre et la cadence ;
Défendit qu'un vers faible y pût jamais entrer,
Ni qu'un mot déjà mis osât s'y remontrer.
Du reste, il l'enrichit d'une beauté suprême :
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
1. "ce dieu bizarre" :
Apollon.
I -
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES,
VOUS RÉPONDREZ À LA QUESTION SUIVANTE. (4 points)
Analyser
brièvement les différents traitements réservés à la
forme du sonnet dans ce corpus et l'effet produit
lorsque "ses rigoureuses lois" ne sont pas respectées.
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (16 points).
- Commentaire :
Commentez le texte de Jules Laforgue.
- Dissertation :
Pensez-vous que les contraintes formelles puissent
être pour le poète un obstacle à une expression libre et
originale ?
Vous répondrez à cette question en un développement
composé, en prenant appui sur les textes du corpus et
les poèmes que vous avez lus et étudiés.
- Écriture
d’invention :
Après la lecture de ce corpus, un des poèmes vous
paraît correspondre plus particulièrement à ce que vous
appréciez dans la poésie. Vous l'adressez à une revue de
poésie et dans votre lettre d'accompagnement vous en
défendez l'intérêt par rapport à d'autres types de
poèmes.
Vous rédigez cette lettre.
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SÉRIES
S - ES
Objet
d'étude : Convaincre, persuader, délibérer.
Textes
:
Texte
A - J. de La Bruyère, « Du Souverain ou de la République
» (Caractères, 1688)
Texte B - E.N. Damilaville : Article « Paix » (Encyclopédie,
1750-1772)
Texte C - Voltaire : « Guerre » (Dictionnaire
philosophique, 1764)
Texte D - J. Giraudoux : La guerre de Troie n'aura
pas lieu, 1935.
Texte A -
Jean de La Bruyère, «Du Souverain ou de la République», Les
Caractères, 1688.
La guerre a pour elle l'antiquité ;
elle a été dans tous les siècles : on l'a toujours vue
remplir le monde de veuves et d'orphelins, épuiser les
familles d'héritiers, et faire périr les frères à une même
bataille. Jeune Soyecour1 ! je regrette ta vertu,
ta pudeur, ton esprit déjà mûr, pénétrant, élevé, sociable,
je plains cette mort prématurée qui te joint à ton intrépide
frère, et t'enlève à une cour où tu n'as fait que te montrer
: malheur déplorable, mais ordinaire! De tout temps les
hommes, pour quelque morceau de terre de plus ou de moins,
sont convenus entre eux de se dépouiller, se brûler, se
tuer, s'égorger les uns les autres ; et pour le faire plus
ingénieusement et avec plus de sûreté, ils ont inventé de
belles règles qu'on appelle l'art militaire ; ils ont
attaché à la pratique de ces règles la gloire ou la plus
solide réputation ; et ils ont depuis renchéri de siècle en
siècle sur la manière de se détruire réciproquement. De
l'injustice des premiers hommes, comme de son unique source,
est venue la guerre, ainsi que la nécessité où ils se sont
trouvés de se donner des maîtres qui fixassent leurs droits
et leurs prétentions. Si, content du sien, on eût pu
s'abstenir du bien de ses voisins, on avait pour toujours la
paix et la liberté.
1. Jeune homme tué à la
guerre et dont La Bruyère avait peut-être été le
précepteur.
Texte B -
Article «Paix», Encyclopédie, (1750 - 1772).
PAIX. La guerre est un fruit de la
dépravation des hommes : c'est une maladie convulsive et
violente du corps politique, il n'est en santé, c'est-à-dire
dans son état naturel que lorsqu'il jouit de la paix
; c'est elle qui donne de la vigueur aux empires ; elle
maintient l'ordre parmi les citoyens ; elle laisse aux lois
la force qui leur est nécessaire ; elle favorise la
population, l'agriculture et le commerce : en un mot elle
procure aux peuples le bonheur qui est le but de toute
société. La guerre au contraire dépeuple les états ; elle y
fait le désordre ; les lois sont forcées de se taire à la
vue de la licence qu'elle introduit ; elle rend incertaines
la liberté et la propriété des citoyens ; elle trouble et
fait négliger le commerce ; les terres deviennent incultes
et abandonnées. Jamais les triomphes les plus éclatants ne
peuvent dédommager une nation de la perte d'une multitude de
ses membres que la guerre sacrifie ; ses victoires même lui
font des plaies profondes que la paix seule peut
guérir.
Texte C -
Voltaire, «Guerre», Dictionnaire philosophique,
1764.
Un
généalogiste prouve à un prince qu'il descend en droite
ligne d'un comte dont les parents avaient fait un pacte
de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une
maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette
maison avait des prétentions éloignées sur une province
dont le dernier possesseur est mort d'apoplexie : le
prince et son conseil concluent sans difficulté que
cette province lui appartient de droit divin. Cette
province, qui est à quelques centaines de lieues de lui,
a beau protester qu'elle ne le connaît pas, qu'elle n'a
nulle envie d'être gouvernée par lui ; que, pour donner
des lois aux gens, il faut au moins avoir leur
consentement : ces discours ne parviennent pas seulement
aux oreilles du prince, dont le droit est incontestable.
Il trouve incontinent un grand nombre d'hommes qui n'ont
rien à perdre ; il les habille d'un gros drap bleu à
cent dix sous l'aune, borde leurs chapeaux avec du gros
fil blanc, les fait tourner à droite et à gauche et
marche à la gloire.
Les autres princes qui entendent parler de cette équipée
y prennent part, chacun selon son pouvoir, et couvrent
une petite étendue de pays de plus de meurtriers
mercenaires que Gengis Khan, Tamerlan, Bajazet n'en
traînèrent à leur suite.
Des peuples assez éloignés entendent dire qu'on
va se battre, et qu'il y a cinq à six sous par jour à
gagner pour eux s'ils veulent être de la partie : ils se
divisent aussitôt en deux bandes comme des moissonneurs,
et vont vendre leurs services à quiconque veut les
employer.
Ces multitudes s'acharnent les unes contre les
autres, non seulement sans avoir aucun intérêt au
procès, mais sans savoir même de quoi il s'agit.
Il se trouve à la fois cinq ou six puissances
belligérantes, tantôt trois contre trois, tantôt deux
contre quatre, tantôt une contre cinq, se détestant
toutes également les unes les autres, s'unissant et
s'attaquant tour à tour ; toutes d'accord en seul point,
celui de faire tout le mal possible.
Le merveilleux de cette entreprise infernale,
c'est que chaque chef des meurtriers fait bénir ses
drapeaux et invoque Dieu solennellement avant d'aller
exterminer son prochain.
Texte D -
Jean Giraudoux, La guerre de Troie n'aura pas lieu,
1935.
[La scène se passe dans l'Antiquité. Les
Grecs assiègent la ville de Troie. Des négociations sont
encore possibles pour éviter l'assaut et la guerre.
Andromaque, belle-fille du roi de Troie, Priam, et épouse
d'Hector, lutte de toutes ses forces contre l'idée même de
la guerre.]
ANDROMAQUE
- Mon père, je vous en supplie. Si vous avez cette amitié
pour les femmes, écoutez ce que toutes les femmes du monde
vous disent par ma voix. Laissez-nous nos maris comme ils
sont. Pour qu'ils gardent leur agilité et leur courage, les
dieux ont créé autour d'eux tant d'entraîneurs vivants ou
non vivants ! Quand ce ne serait que l'orage ! Quand ce
ne serait que les bêtes ! Aussi longtemps qu'il y aura des
loups, des éléphants, des onces, l'homme aura mieux que
l'homme comme émule et comme adversaire. Tous ces grands
oiseaux qui volent autour de nous, ces lièvres dont nous les
femmes confondons le poil avec les bruyères, sont de plus
sûrs garants de la vue perçante de nos maris que l'autre
cible, que le cœur de l'ennemi emprisonné dans sa cuirasse.
Chaque fois que j'ai vu tuer un cerf ou un aigle, je l'ai
remercié. Je savais qu'il mourait pour Hector. Pourquoi
voulez-vous que je doive Hector à la mort d'autres hommes ?
PRIAM
- Je ne veux pas, ma petite chérie. Mais savez-vous pourquoi
vous êtes là, toutes si belles et si vaillantes ? C'est
parce que vos maris et vos pères et vos aïeux furent des
guerriers. S'ils avaient été paresseux aux armes, s'ils
n'avaient pas su que cette occupation terne et stupide
qu'est la vie se justifie soudain et s'illumine par le
mépris que les hommes ont d'elle, c'est vous qui seriez
lâches et réclameriez la guerre. Il n'y a pas deux façons de
se rendre immortel ici-bas, c'est d'oublier qu'on est
mortel.
ANDROMAQUE
- Oh ! justement, Père, vous le savez bien ! Ce sont les
braves qui meurent à la guerre. Pour ne pas y être tué, il
faut un grand hasard ou une grande habileté. Il faut avoir
courbé la tête, ou s'être agenouillé au moins une fois
devant le danger. Les soldats qui défilent sous les arcs de
triomphe sont ceux qui ont déserté la mort. Comment un pays
pourrait-il gagner dans son honneur et dans sa force en les
perdant tous les deux ?
PRIAM
- Ma fille, la première lâcheté est la première ride d'un
peuple.
I -
APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES TEXTES,
VOUS RÉPONDREZ À LA QUESTION SUIVANTE. (4 points)
Ces quatre
textes dénoncent la guerre. Vous analyserez les différents
procédés littéraires utilisés à cette fin.
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)
- Dissertation
:
Les textes littéraires et les formes d'argumentation
souvent complexes qu'ils proposent vous paraissent-ils
être un moyen efficace de convaincre et persuader ?
- Commentaire
:
Vous commenterez le texte de Voltaire (texte C)
- Écriture
d’invention :
Dans l'extrait de La guerre de Troie n'aura pas
lieu, Andromaque expose le point de vue des
femmes et les raisons pour lesquelles elles condamnent
la guerre.
Ecrivez un dialogue théâtral dans lequel Hector, l'époux
d'Andromaque, expose le point de vue des hommes et les
raisons pour lesquelles lui aussi condamne la guerre. Il
s'adresse à son père Priam en présence d'Andromaque ...
[Ces deux personnages interviendront nécessairement dans
la scène théâtrale].
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SÉRIES
TECHNOLOGIQUES
Objet
d'étude : Le théâtre.
Textes
:
Texte
A - Molière, Le Bourgeois gentilhomme ,
1670 (II,4)
Texte B - E. Ionesco : La Leçon, 1951
(extrait)
Texte C - G. Feydeau : On purge bébé, 1910
(extrait).
Texte A -
Molière, Le Bourgeois Gentilhomme, Acte II,
scène 4, 1670.
Monsieur Jourdain est un bourgeois enrichi qui rêve
d'imiter la noblesse de la cour du roi. Il prend toutes
sortes de leçons.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Que voulez-vous
donc que je vous apprenne ?
MONSIEUR JOURDAIN. - Apprenez-moi l'orthographe.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Très volontiers.
MONSIEUR JOURDAIN. - Après, vous m'apprendrez l'almanach,
pour savoir quand il y a de la lune et quand il n'y en a
point.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Soit. Pour bien suivre votre pensée
et traiter cette matière en philosophe, il faut commencer
selon l'ordre des choses, par une exacte connaissance de la
nature des lettres, et de la différente manière de les
prononcer toutes. Et là-dessus j'ai à vous dire que les
lettres sont divisées en voyelles, ainsi dites voyelles
parce qu'elles expriment les voix ; et en consonnes, ainsi
appelées consonnes parce qu'elles sonnent avec les voyelles,
et ne font que marquer les différentes articulations des
voix. Il y a cinq voyelles ou voix : A, E, I, O, U.
MONSIEUR JOURDAIN. - J'entends tout cela.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix A se forme en ouvrant fort
la bouche : A.
MONSIEUR JOURDAIN. - A, A. Oui.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix E se forme en rapprochant
la mâchoire d'en bas de celle d'en haut : A, E.
MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, A, E. Ma foi ! oui. Ah ! que cela
est beau !
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Et la voix I en rapprochant encore
davantage les mâchoires l'une de l'autre, et écartant les
deux coins de la bouche vers les oreilles : A, E, I.
MONSIEUR JOURDAIN. - A, E, I, I, I, I. Cela est vrai. Vive
la science !
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix O se forme en rouvrant les
mâchoires, et rapprochant les lèvres par les deux coins, le
haut et le bas : O.
MONSIEUR JOURDAIN. - O, O. Il n'y a rien de plus juste. A,
E, I, O, I, O. Cela est admirable! I, O, I, O.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - L'ouverture de la bouche fait
justement comme un petit rond qui représente un O.
MONSIEUR JOURDAIN. - O, O, O. Vous avez raison, O. Ah ! la
belle chose, que de savoir quelque chose !
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - La voix U se forme en rapprochant
les dents sans les joindre entièrement, et allongeant les
deux lèvres en dehors, les approchant aussi l'une de l'autre
sans les joindre tout à fait : U.
MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Il n'y a rien de plus véritable :
U.
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Vos deux lèvres s'allongent comme
si vous faisiez la moue : d'où vient que si vous la voulez
faire à quelqu'un, et vous moquer de lui, vous ne sauriez
lui dire que : U.
MONSIEUR JOURDAIN. - U, U. Cela est vrai. Ah ! que n'ai-je
étudié plus tôt, pour savoir tout cela ?
MAITRE DE PHILOSOPHIE. - Demain, nous verrons les autres
lettres, qui sont les consonnes.
Texte B -
Eugène Ionesco, La Leçon, 1951.
[Dans
La Leçon (1951), Eugène Ionesco met en scène un
professeur qui tente d'enseigner son savoir à une jeune
élève. Très patient et doux au début, il perd peu à peu
son calme.]
LE
PROFESSEUR - Toute langue, Mademoiselle, sachez-le,
souvenez-vous-en jusqu'à l'heure de votre mort...
L'ELEVE - Oh ! Oui, Monsieur, jusqu'à l'heure de ma
mort... Oui, Monsieur...
LE PROFESSEUR - ...et ceci est encore un principe
fondamental, toute langue n'est en somme qu'un langage, ce
qui implique nécessairement qu'elle se compose de sons,
ou...
L'ELEVE - Phonèmes...
LE PROFESSEUR - J'allais vous le dire. N'étalez donc pas
votre savoir. Ecoutez, plutôt.
L'ELEVE - Bien, Monsieur. Oui, Monsieur.
LE PROFESSEUR - Les sons, Mademoiselle, doivent être
saisis au vol par les ailes pour qu'ils ne tombent pas
dans les oreilles des sourds. Par conséquent, lorsque vous
vous décidez d'articuler, il est recommandé, dans la
mesure du possible, de lever très haut le cou et le
menton, de vous élever sur la pointe des pieds, tenez,
ainsi, vous voyez...
L'ELEVE - Oui, Monsieur.
LE PROFESSEUR - Taisez-vous. Restez assise, n'interrompez
pas... Et d'émettre les sons très haut et de toute la
force de vos poumons associée à celle de vos cordes
vocales. Comme ceci : regardez : "Papillon", "Euréka",
"Trafalgar", "papi, papa". De cette façon, les sons
remplis d'un air chaud plus léger que l'air environnant
voltigeront, voltigeront sans plus risquer de tomber dans
les oreilles des sourds qui sont les véritables gouffres,
les tombeaux des sonorités. Si vous émettez plusieurs sons
à une vitesse accélérée, ceux-ci s'agripperont les uns aux
autres automatiquement, constituant ainsi des syllabes,
des mots, à la rigueur des phrases, c'est-à-dire des
groupements plus ou moins importants, des assemblages
purement irrationnels de sons, dénués de tout sens, mais
justement pour cela capables de se maintenir sans danger à
une altitude élevée dans les airs. Seuls, tombent les mots
chargés de signification, alourdis par leur sens, qui
finissent toujours par succomber, s'écrouler...
L'ELEVE - ... dans les oreilles des sourds.
LE PROFESSEUR - C'est ça, mais n'interrompez pas... et
dans la pire confusion...Ou par crever comme des ballons.
Ainsi donc, Mademoiselle...(L'Elève a soudain l'air de
souffrir). Qu'avez-vous donc ?
L'ELEVE - J'ai mal aux dents, Monsieur.
LE PROFESSEUR - Ça n'a pas d'importance. Nous n'allons pas
nous arrêter pour si peu de chose. Continuons...
L'ELEVE, qui aura l'air de souffrir de plus en plus.
- Oui, Monsieur.
LE PROFESSEUR - J'attire au passage votre attention sur
les consonnes qui changent de nature en liaisons. Les f
deviennent en ce cas des v, les d des t,
les g des k et vice versa, comme dans les
exemples que je vous signale : "trois heures, les enfants,
le coq au vin, l'âge nouveau, voici la nuit".
L'ELEVE - J'ai mal aux dents.
LE PROFESSEUR - Continuons.
L'ELEVE - Oui.
Texte C -
Georges Feydeau, On purge bébé, 1910.
Rose est femme de ménage chez les Follavoine.
FOLLAVOINE - Au fait, dites donc, vous ...!
ROSE - Monsieur ?
FOLLAVOINE - Par hasard, les ... les Hébrides1
... ?
ROSE, qui ne comprend pas - Comment ?
FOLLAVOINE - Les Hébrides ? ... Vous ne savez pas où c'est ?
ROSE, ahurie - Les Hébrides ?
FOLLAVOINE - Oui.
ROSE - Ah ! non ! ... non ! (Comme pour se justifier).
C'est pas moi qui range ici ! ... C'est Madame.
FOLLAVOINE, se redressant en fermant son dictionnaire
sur son index de façon à ne pas perdre la page - Quoi
! quoi, "qui range" ! Les Hébrides ! ... des îles ! bougre
d'ignare2 ! ... de la terre entourée d'eau ...
vous ne savez pas ce que c'est ?
ROSE, ouvrant de grands yeux - De la terre entourée
d'eau ?
FOLLAVOINE - Oui ! de la terre entourée d'eau, comment ça
s'appelle ?
ROSE - De la boue ?
FOLLAVOINE, haussant les épaules - Mais non, pas de
la boue ! C'est de la boue quand il n'y a pas beaucoup de
terre et pas beaucoup d'eau ; mais quand il y a beaucoup de
terre et beaucoup d'eau, ça s'appelle des îles !
ROSE, abrutie - Ah ?
FOLLAVOINE - Eh ! bien, les Hébrides, c'est ça ! c'est des
îles ! par conséquent, c'est pas dans l'appartement.
ROSE, voulant avoir compris - Ah ! oui ! ... c'est
dehors !
FOLLAVOINE, haussant les épaules - Naturellement !
... c'est dehors !
ROSE - Ah ! ben, non ! non, je les ai pas vues.
FOLLAVOINE, quittant son bureau et poussant
familièrement Rose vers la porte. - Oui, bon, merci,
ça va bien !
ROSE, comme pour se justifier. - Y a pas longtemps
que je suis à Paris, n'est-ce pas ?
FOLLAVOINE - Oui ! ... oui, oui !
ROSE - Et je sors si peu !
FOLLAVOINE - Oui ! ça va bien ! Allez ! ... Allez retrouver
Madame.
ROSE - Oui, Monsieur ! (Elle sort).
FOLLAVOINE - Elle ne sait rien, cette fille ! rien !
qu'est-ce qu'on lui a appris à l'école ? "C'est pas elle qui
a rangé les Hébrides" ! Je te crois, parbleu ! (Se
replongeant dans son dictionnaire). "Z'Hébrides ...
Z'Hébrides ...". C'est extraordinaire ! je trouve zèbre,
zébré, zébrure, zébu ! ... Mais les Z'Hébrides, pas plus que
dans mon œil ! Si ça y était, ce serait entre zébré et
zébrure. On ne trouve rien dans ce dictionnaire !
1. Les Hébrides sont des îles
situées à l'ouest de l'Ecosse.
2. Bougre d'ignare : ignorante.
I
- APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES
TEXTES, VOUS RÉPONDREZ AUX QUESTIONS SUIVANTES.
(6 points)
1)
Comparez les relations entre les personnages mis en
scène dans ces extraits.
2) Qu'est-ce qui rend ces trois textes comiques ? Vous
justifierez votre réponse en vous appuyant sur des
éléments précis.
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (14 points)
- Commentaire :
Vous
commenterez l'extrait de La Leçon d'Eugène
Ionesco à partir du parcours de lecture suivant :
a) Expliquez en quoi le professeur est un personnage
ridicule.
b) Montrez que cette scène n'est pas seulement comique
mais qu'elle comporte aussi un aspect inquiétant.
- Dissertation :
Les
aspects comiques d'une pièce de théâtre (texte et
représentation) ne servent-ils qu'à faire rire ? Vous
vous appuierez pour répondre à cette question sur les
textes du corpus ainsi que sur les pièces que vous
aurez lues ou dont vous aurez vu une représentation.
- Écriture
d’invention :
Vous
écrirez un dialogue de comédie dans lequel un Monsieur
Jourdain contemporain se vante devant un ami d'un
savoir récemment acquis. Vous pourrez utiliser
certains procédés comiques présents dans les textes du
corpus. Vous veillerez à employer un niveau de langue
approprié aux personnages et à la situation.
haut de page
CENTRES ÉTRANGERS
SÉRIE L
Objet
d'étude : Réécritures.
Textes
:
Texte
A - Madame de Staël, Corinne ou l'Italie,
Livre X, chapitre IV, 1807
Texte B - Chateaubriand, Lettre à
Julie Récamier, 1829
(texte cité par Jean d'Ormesson dans Mon dernier rêve
sera pour vous, 1998).
Texte C - Chateaubriand, Mémoires
d'outre-tombe, III, 1848-1850.
Texte D - Annexe : Gérard Genette, «
La littérature au second degré » , Palimpsestes,
1982.
Texte A -
Madame de Staël, Corinne ou l'Italie, 1807.
[A Rome, Oswald fait la connaissance de Corinne. Ils
visitent ensemble la ville et se rendent, au moment de la
Semaine Sainte, à la chapelle Sixtine pour y entendre le Miserere1
d'Allegri.]
Oswald se rendit à la chapelle
Sixtine pour entendre le fameux Miserere vanté
dans toute l'Europe. Il arriva de jour encore, et vit ces
peintures célèbres de Michel-Ange, qui représentent le
jugement dernier, avec toute la force effrayante de ce
sujet, et du talent qui l'a traité. Michel-Ange s'était
pénétré de la lecture du Dante; et le peintre comme le poète
représente des êtres mythologiques en présence de
Jésus-Christ; mais il fait presque toujours du paganisme le
mauvais principe, et c'est sous la forme des démons qu'il
caractérise les fables païennes. On aperçoit sur la voûte de
la chapelle les Prophètes et les Sibylles appelés en
témoignage par les chrétiens; une foule d'anges les
entourent, et toute cette voûte ainsi peinte semble
rapprocher le ciel de nous; mais ce ciel est sombre et
redoutable; le jour perce à peine à travers les vitraux qui
jettent sur les tableaux plutôt des ombres que des lumières;
l'obscurité agrandit encore les figures déjà si imposantes
que Michel-Ange a tracées; l'encens, dont le parfum a
quelque chose de funéraire, remplit l'air dans cette
enceinte, et toutes les sensations préparent à la plus
profonde de toutes, celle que la musique doit produire.
Pendant qu'Oswald était absorbé par les réflexions que
faisaient naître tous les objets qui l'environnaient, il vit
entrer dans la tribune des femmes, derrière la grille qui
les sépare des hommes, Corinne qu'il n'espérait pas encore,
Corinne vêtue de noir, toute pâle de l'abstinence, et si
tremblante dès qu'elle aperçut Oswald, qu'elle fut obligée
de s'appuyer sur la balustrade pour avancer : en ce moment,
le miserere commença. Les voix, parfaitement
exercées à ce chant antique et pur, partent d'une tribune au
commencement de la voûte; on ne voit point ceux qui
chantent; la musique semble planer dans les airs; à chaque
instant la chute du jour rend la chapelle plus sombre. [...]
C'était une musique toute religieuse qui conseillait le
renoncement à la terre. Corinne se jeta à genoux devant la
grille et resta plongée dans la plus profonde méditation;
Oswald lui-même disparut à ses yeux. II lui semblait que
c'était dans un tel moment d'exaltation qu'on aimerait à
mourir, si la séparation de l'âme d'avec le corps ne
s'accomplissait point par la douleur; si tout à coup un ange
venait enlever sur ses ailes le sentiment et la pensée,
étincelles divines qui retourneraient vers leur source : la
mort ne serait pour ainsi dire alors qu'un acte spontané du
cœur, qu'une prière plus ardente et mieux exaucée. Le miserere,
c'est-à-dire ayez pitié de nous, est un psaume
composé de versets qui se chantent alternativement d'une
manière très différente. Tour à tour une musique céleste se
fait entendre, et le verset suivant, dit en récitatif, est
murmuré d'un ton sourd et presque rauque; on dirait que
c'est la réponse des caractères durs aux cœurs sensibles,
que c'est le réel de la vie qui vient flétrir et repousser
les vœux des âmes généreuses; et quand ce chœur si doux
reprend, on renaît à l'espérance; mais lorsque le verset
récité recommence, une sensation de froid saisit de nouveau;
ce n'est pas la terreur qui la cause, mais le découragement
de l'enthousiasme. Enfin le dernier morceau, plus noble et
plus touchant encore que tous les autres, laisse au fond de
l'âme une impression douce et pure : Dieu nous accorde cette
même impression avant de mourir. On éteint les flambeaux; la
nuit s'avance; les figures des Prophètes et des Sibylles
apparaissent comme des fantômes enveloppés du crépuscule. Le
silence est profond, la parole ferait un mal insupportable
dans cet état de l'âme où tout est intime et intérieur; et
quand le dernier son s'éteint, chacun s'en va lentement et
sans bruit; chacun semble craindre de rentrer dans les
intérêts vulgaires de ce monde.
1. Miserere : pièce de
musique chantée d'inspiration religieuse.
Texte B -
Chateaubriand, Lettre à Julie Récamier, 1829.
Rome, mercredi 15 avril 1829.
Je commence cette lettre le mercredi
saint au soir, au sortir de la chapelle Sixtine, après avoir
assisté à Ténèbres1 et entendu chanter le
Miserere. Je me souvenais que vous m'aviez parlé de
cette belle cérémonie, et j'en étais, à cause de cela, cent
fois plus touché. C'est vraiment incomparable. Cette clarté
qui meurt par degrés, ces ombres qui enveloppent peu à peu
les merveilles de Michel-Ange; tous ces cardinaux à genoux;
ce nouveau pape prosterné lui-même au pied de l'autel où,
quelques jours avant, j'avais vu son prédécesseur; cet
admirable chant de souffrance et de miséricorde s'élevant
par intervalles dans le silence et la nuit; l'idée d'un Dieu
mourant sur la croix pour expier les crimes et les
faiblesses des hommes, Rome et tous ses souvenirs sous la
voûte du Vatican. Que n'étiez-vous là avec moi ! J'aime
jusqu'à ces cierges dont la lumière étouffée laisse échapper
une fumée blanche, image d'une vie subitement éteinte. C'est
une belle chose que Rome pour tout oublier, pour mépriser
tout et pour mourir. Au lieu de cela, le courrier demain
m'apportera des lettres, des journaux, des inquiétudes. II
faudra vous parler de politique. Quand aurai-je fini de mon
avenir et quand n'aurai-je plus à faire dans le monde qu'à
vous aimer et à vous consacrer mes derniers jours ?
1. Ténèbres : office du soir
célébré pendant la Semaine sainte.
Texte C -
Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe, livre
III, 1848-1850.
Mercredi saint, 15 avril.
Je sors de la chapelle Sixtine,
après avoir assisté à Ténèbres et entendu chanter le Miserere.
Je me souvenais que vous m'aviez parlé de cette cérémonie et
j'en étais, à cause de cela, cent fois plus touché. Le jour
s'affaiblissait, les ombres envahissaient lentement les
fresques de la chapelle et l'on n'apercevait plus que
quelques grands traits du pinceau de Michel-Ange. Les
cierges, tour à tour éteints, laissaient échapper de leur
lumière étouffée une légère fumée blanche, image assez
naturelle de la vie que l'Écriture compare à une petite
vapeur. Les cardinaux étaient à genoux, le nouveau pape
prosterné au même autel où quelques jours avant j'avais vu
son prédécesseur; l'admirable prière de pénitence et de
miséricorde, qui avait succédé aux lamentations du prophète,
s'élevait par intervalles dans le silence et la nuit. On se
sentait accablé sous le grand mystère d'un Dieu mourant pour
effacer les crimes des hommes. La catholique héritière sur
ses sept collines était là avec tous ses souvenirs; mais, au
lieu de ces pontifes puissants, de ces cardinaux qui
disputaient la préséance aux monarques, un pauvre vieux pape
paralytique, sans famille et sans appui, des princes de
l'Église sans éclat, annonçaient la fin d'une puissance qui
civilisa le monde moderne. Les chefs-d'œuvre des arts
disparaissaient avec elle, s'effaçaient sur les murs et sur
les voûtes du Vatican, palais à demi abandonné. Des
étrangers curieux, séparés de l'unité de l'Église,
assistaient en passant à la cérémonie et remplaçaient la
communauté des fidèles. Une double tristesse s'emparait du
cœur. Rome chrétienne en commémorant l'agonie de
Jésus-Christ avait l'air de célébrer la sienne, de redire
pour la nouvelle Jérusalem les paroles que Jérémie1
adressait à l'ancienne. C'est une belle chose que Rome pour
tout oublier, mépriser tout et mourir.
1. Jérémie : prophète
biblique qui fut témoin de la chute de Jérusalem.
Texte D -
Annexe : Gérard Genette, « La littérature au second
degré », Palimpsestes, 1982.
Un palimpseste est un parchemin dont
on a gratté la première inscription pour en tracer une
autre, qui ne la cache pas tout à fait, en sorte qu'on peut
y lire, par transparence, l'ancien sous le nouveau. On
entendra donc, au figuré, par palimpsestes (plus
littéralement : hypertextes), toutes les œuvres dérivées
d'une œuvre antérieure, par transformation ou par imitation.
De cette littérature au second degré, qui s'écrit en lisant,
la place et l'action dans le champ littéraire sont
généralement, et fâcheusement, méconnues. On entreprend ici
d'explorer ce territoire. Un texte peut toujours en lire un
autre, et ainsi de suite jusqu'à la fin des textes. Celui-ci
n'échappe pas à la règle : il l'expose et s'y expose. Lira
bien qui lira le dernier.
I
- APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES
TEXTES, VOUS RÉPONDREZ À LA QUESTION SUIVANTE.
(4 points)
Quels sont
les éléments purement informatifs concernant le Miserere
?
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)
- Commentaire
:
Vous
commenterez l'extrait des Mémoires d'outre-tombe.
- Dissertation
:
En
vous appuyant sur les textes du corpus, les œuvres que
vous avez étudiées en classe et vos lectures
personnelles, vous vous demanderez dans quelle mesure
les œuvres littéraires ou artistiques sont des «
œuvres dérivées d'une œuvre antérieure par
transformation ou par imitation ». (Texte en annexe).
- Invention
:
Vous
avez assisté à un concert ou à un spectacle qui vous a
profondément marqué. Vous en faites le compte rendu
pour un journal local en insistant sur les
circonstances de l'événement, sur son déroulement et
sur l'effet qu'il a produit sur vous.
haut de
page
CENTRES ÉTRANGERS
SÉRIES S - ES
Objet
d'étude : Convaincre, persuader et délibérer.
Textes
:
Texte
A - Marivaux, Préface à La Voiture
embourbée, 1715.
Texte B - Jean-Noël Schifano,
réédition de Le Corricolo d'Alexandre
Dumas, 1984.
Texte A - Marivaux, Préface à La Voiture
embourbée, 1715.
Les premières lignes que j'adresse
à mon ami, en commençant cette histoire, devraient
m'épargner une préface; mais il en faut une : un livre
imprimé, relié, sans préface, est-il un livre ? Non sans
doute : il ne mérite point encore ce nom; c'est une
manière de livre, livre sans brevet, ouvrage de l'espèce
de ceux qui sont livres, ouvrage candidat, aspirant à le
devenir, et qui n'est digne de porter véritablement ce
nom, que revêtu de cette dernière formalité; alors le
voilà complet. Qu'il soit plat, médiocre, bon ou mauvais,
il porte avec sa préface le nom de livre dans tous les
endroits où il court : une seule épithète le différencie
de ses pareils, bon ou mauvais. A l'égard de l'épître
dédicatoire, c'est une formalité qu'il est libre de
retrancher ou d'ajouter. Or donc, Lecteur, puisqu'il faut
une préface, en voici une. Je
ne sais si ce roman plaira; la tournure m'en paraît
plaisante, le comique divertissant, le merveilleux assez
nouveau, les transitions assez naturelles; et le mélange
bizarre de tous ces différents goûts lui donne totalement
un air extraordinaire, qui doit faire espérer qu'il
divertira plus qu'il n'ennuiera; et... Mais il me semble
que je commence bien mal ma préface; il n'y a qu'à suivre
mes conclusions : c'est un livre dont le comique est
plaisant, les transitions naturelles, le merveilleux
nouveau; si cela est, l'ouvrage est beau : mais, qui le
dit ? c'est moi, c'est l'auteur. Ah ! dira-t-on, que ces
auteurs sont comiques avec leurs préfaces qu'ils
remplissent de l'éloge de leurs livres ! Mais vous-même,
Lecteur, que vous êtes bizarre ! Vous voulez une préface
absolument, et vous vous révoltez, parce que l'auteur dit
de son livre ce qu'il pense : vous devez concevoir que, si
ce livre ne lui paraissait bon, il ne le produirait pas.
Je conviens, direz-vous, qu'il ne le met au jour, que
parce qu'il l'en croit digne; mais un sentiment de
modestie, d'humilité même, doit, quand il annonce son
livre, jeter, pour ainsi dire, un rideau sur l'opinion
bien ou mal fondée qu'il a que son livre est bon. Qu'il
soit vain, téméraire, je le veux; penser mal de ce qu'on a
fait, et le produire, sont deux choses impossibles, à
moins que d'un dérangement de cerveau : mais penser bien
de son ouvrage, l'annoncer modestement, voilà la conduite
d'un prudent auteur, qui, ne pouvant s'empêcher d'être
vain sur son livre, se sauve, par un masque adroit de
modestie, du ridicule de le paraître.
Eh bien ! oui ; je conviens que j'ai tort : j'ai dit trop
naturellement ce que je pensais; je vais donc me masquer.
Or, Lecteur, sachez donc qu'en vous donnant cette
histoire, je n'ai point la vanité de penser que je vous
offre rien de beau; quelques amis, sans doute flatteurs,
m'ont, par leurs importunités, obligé de la produire;
mais... Mais finissez, s'écriera peut-être un chagrin
misanthrope; si vous savez qu'en offrant votre livre, vous
n'offrez rien de beau, pourquoi le produire ? Des amis
flatteurs vous y ont forcé, dites-vous : eh bien ! il
fallait rompre avec eux, ce sont vos ennemis : ou bien,
puisqu'ils vous pressaient tant, n'aviez-vous pas le
secours du feu, qui pouvait faire évanouir le mauvais
sujet de leurs importunités ? Belle excuse que ces
instances ! Je ne puis souffrir cette humilité fardée, ce
mélange ridicule d'hypocrisie et d'orgueil de presque tous
messieurs les auteurs; j'aimerais mieux un sentiment de
présomption déclaré, que les détours de mauvaise foi. Et
moi, monsieur le misanthrope, j'aime mieux faire un livre
sans préface, que de suer pour ne contenter personne. Sans
l'embarrassant dessein de faire cette préface, j'aurais
parlé de mon livre en termes plus naturels, plus justes,
ni humbles, ni vains j'aurais dit qu'il y avait de
l'imagination; que je n'osais décider si elle était bonne;
qu'au reste, je m'étais véritablement diverti à le
composer, et que je souhaitais qu'il divertît aussi les
autres : mais le dessein de préface est venu guinder mon
esprit, de manière que j'ai brisé aux deux écueils
ordinaires. Dieu soit béni, me voilà délivré d'un grand
fardeau; et j'avoue que je ris du personnage que j'allais
faire, si j'avais été obligé de soutenir ma préface.
Adieu; j'aime mieux mille fois couper court, que d'ennuyer
par trop de longueur. Passons à l'ouvrage.
Texte B -
Jean-Noël Schifano, 4ème de couverture pour
une réédition de Le Corricolo 1
d'Alexandre Dumas, 1984.
Ce livre, c'est d'abord le grand
rire éclatant de l'aventure vécue dans la ville la plus
surprenante du monde. Sévèrement mis en garde par la
police, Alexandre Dumas jette le gant du défi et se met en
tête de séjourner à sa façon, rapide et gaillarde,
l'intelligence affûtée, dans la bouillonnante Naples au
million de faces, dont il se voit proscrit. Le voilà,
palpitant clandestin, dans la ville de lave, accompagné de
sa maîtresse, de son ami peintre et d'un petit chien -
oui, comptez sur vos doigts, bonnes gens, les trois
mousquetaires sont bien quatre ! -, pour sentir battre au
plus près le cœur en feu et en folie des Napolitains.
Transgressant les interdits, l'œil vif et plein de jeu,
Dumas se trouve, dès le premier instant de sa chasse à
l'insolite et à l'émotion, dans la peau d'un Napolitain;
et, à un train d'enfer, il s'initie et nous initie, comme
aucun écrivain de nos aînés n'a su le faire - pas même
Stendhal - au bonheur napolitain. Qui est le bonheur tout
court. Jamais Alexandre Dumas ne nous a tant amusé en nous
instruisant. Et ce mystérieux Corricolo a été tellement
oublié depuis cent quarante ans, que nous pouvons
considérer sa publication actuelle comme un événement
majeur dans la production littéraire de l'année 1984.
Livre du rire et de l'amour, où le talent de l'observateur
et le génie du conteur dessinent l'arabesque volcanique
d'une vie audacieuse confrontée au destin de la Cité
fatale.
1. Corricolo : voiture
napolitaine tirée par deux chevaux.
I
- APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES
TEXTES, VOUS RÉPONDREZ À LA QUESTION SUIVANTE. (4
points)
En
relevant des indices précis, vous montrerez comment
chaque texte incite de manière différente à la lecture
du livre qu'il présente.
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (16 points)
- Commentaire
:
Vous commenterez le passage de la préface de
Marivaux de: « Je ne sais si ce roman plaira... » à
« ... se sauve par un masque adroit de modestie, du
ridicule de le paraître. »().
- Dissertation
:
Dans sa préface, Marivaux s'interroge : « ... un
livre imprimé, relié, sans préface, est-il un livre
? » (ligne 2). Vous répondrez à cette question en
vous interrogeant sur le rôle d'une préface ainsi
que sur celui de l'ensemble du paratexte (quatrième
de couverture, illustrations, titre...).
Vous prendrez appui sur les textes du corpus, les
œuvres étudiées en classe et vos lectures
personnelles.
- Invention
:
En vous adressant au lecteur, vous ferez la préface
d'un livre qui vous a marqué.
haut de
page
CENTRES
ÉTRANGERS
SÉRIES TECHNOLOGIQUES
Objet
d'étude : Le biographique.
Textes
:
Texte
A - Édouard CORBIÈRE : Le Négrier,
Aventure de mer, 1832, Édition
Baudinière, 1979
Texte B - Mikhaïl BOULGAKOV : Le
Roman de Monsieur de Molière, Édition
Lebovici, 1972
Texte C - Calixthe BEYALA : Les
Honneurs perdus, 1996
Texte D - Article « Molière», Dictionnaire
de la littérature française et francophone, Bordas,
1986.
Texte A -
Édouard CORBIÈRE : Le Négrier, Aventure de mer, 1832.
[Dans la préface de son roman,
l'auteur raconte sa rencontre avec un jeune marin qui
s'est livré au trafic des esclaves noirs après avoir
combattu vaillamment contre la marine anglaise durant
les guerres napoléoniennes. Ce dernier, désespéré par
ses crimes, sur son lit de mort, confie à l'auteur
"quelques paperasses [...]." "C'est le journal de ma vie
de forban [...]. Tu arrangeras un peu tout ce
barbouillage, en ayant soin de cacher mon nom, par égard
pour ma pauvre mère." "C'est cet écrit aussi bizarre que
les événements qui l'ont produit, que je me suis
appliqué à mettre un peu en ordre."]
LE DÉPART
Les circonstances de ma naissance semblèrent tracer
ma vocation. J'ai reçu le jour en pleine mer, dans une
traversée que mon père, vieil officier d'artillerie de
marine, avait fait entreprendre, pour l'amener en France,
à une jolie créole devenue sa femme pendant le séjour de
sa frégate aux Gonaïves. Un frère vint au monde en même
temps que moi, et du même coup de roulis; car ce fut dans
la violence d'une bourrasque et au moment même où la
frégate recevait le choc d'une lame effroyable que ma mère
accoucha de nous, après sept mois de grossesse. En
arrivant à Brest, notre destination, mon père n'eut rien
de plus pressé que de faire baptiser ce qu'il appelait
gaîment le double péché de sa vieillesse. II voulut nous
tenir, malgré les observations du curé de Saint-Louis, sur
les fonts baptismaux1, enveloppés du pavillon
de poupe de sa frégate; et par un hasard, qui fut accepté
alors comme le plus heureux présage, en me débattant
pendant la cérémonie, je passai ma petite tête dans un
trou de boulet que le pavillon qui nous servait de lange
avait reçu dans un combat mémorable. Les témoins de ce
prodige en conclurent que je ne pourrais faire autrement
que d'être un jour une des gloires de la marine française.
Les vieux marins sont superstitieux; mais leur crédulité
n'a jamais rien que ne puisse avouer leur courage ou leur
fierté. A neuf ans, je savais nager et je ne savais pas
lire. A douze ans, j'étais déjà aussi mauvais petit sujet
qu'on peut l'être à cet âge. Mon frère remportait tous les
prix de ses classes. II faisait les délices de ses
professeurs. J'en étais le tourment. Quand on l'attaquait,
je me battais pour lui, plus qu'il n'aurait voulu. Quand
j'étais puni, il faisait mes pensums2, je
l'aimais à ma manière, avec impétuosité et brusquerie. II
me chérissait de son côté; mais son amitié, douce et
caressante, avait quelquefois pour moi l'air du reproche.
J'étais l'idole de mon père, qui retrouvait en moi tous
les défauts de sa jeunesse. Ma mère ne pouvait vivre
qu'auprès d'Auguste : c'était le nom de mon frère. Mon
père avait voulu qu'on m'appelât comme lui, Léonard.
C'était à son avis un nom sonore, qui avait quelque chose
de marin et martial.
Chaque semaine nos parents nous donnaient quelques sous,
que nous employions selon nos goûts différents. Auguste
achetait des livres, du fruit de ses petites épargnes.
Moi, je me glissais dans les bateaux de passage au port
pour acheter, des bateliers, le plaisir de manier un
aviron ou de brandir fièrement une gaffe. Souvent, je
parvenais à démarrer furtivement du rivage un canot sur
lequel je me confiais seul aux flots que je voulais
apprendre à maîtriser. [...] Je rangeais3 les
vaisseaux de ligne mouillés sur rade, en fumant de mon
mieux un cigare détestable qui me soulevait le cœur. C'est
dans ces moments que, m'abandonnant à la destinée que je
me croyais promise, je rêvais avec ivresse, au bruit des
vagues qui me berçaient, le jour où je pourrais affronter
des tempêtes, les dompter ou périr au milieu d'elles. Ces
petites luttes, que mon inexpérience livrait aux lames et
aux vents de la rade de Brest, sont les seuls amusements
de mon enfance que je me sois toujours rappelés avec
plaisir. Mes illusions n'avaient qu'un objet : ma mémoire
n'a guère conservé délicieusement qu'un souvenir.
1. fonts baptismaux :
bassin qui contient l'eau dont on se sert pour baptiser
les enfants.
2. pensums : punitions sous forme de devoir écrit.
3.ranger : terme de marine (longer, passer le long de
...).
Texte B -
Mikhaïl BOULGAKOV : Le Roman de Monsieur de
Molière,
1972.
« Qu'est-ce qui m'empêche de dire la
vérité en riant ? » Horace.
Une accoucheuse qui avait appris
son art à la maternité de l'Hôtel-Dieu de Paris sous la
direction de la fameuse Louise Bourgeois délivra le 13
janvier 1622 la très aimable madame Poquelin, née Cressé,
d'un premier enfant, un prématuré de sexe masculin. Je
peux dire sans crainte de me tromper que si j'avais pu
expliquer à l'honorable sage-femme qui était celui qu'elle
mettait au monde, elle eût pu d'émotion causer quelque
dommage au nourrisson, et du même coup à la France. Et
voilà : j'ai une veste aux poches immenses et à la main
une plume non d'acier, mais d'oie. Devant moi se consument
des bougies de cire, et mon cerveau est enflammé.
- Madame, dis-je, faites attention au bébé, n'oubliez pas
qu'il est né avant terme. La mort de ce bébé serait une
très grande perte pour votre pays !
- Mon Dieu ! Madame Poquelin en fera un autre !
- Madame Poquelin n'en fera jamais plus un semblable, et
aucune dame n'en fera de semblable avant un certain nombre
de siècles.
- Vous m'étonnez, monsieur.
- Je suis moi-même étonné. Comprenez bien que dans trois
siècles, dans un pays lointain, je ne me souviendrai de
vous que parce que vous aurez tenu dans vos mains le fils
de monsieur Poquelin.
- J'ai tenu dans mes mains des enfants plus illustres.
- Qu'entendez-vous par le mot « illustre » ? Ce bébé
deviendra plus célèbre que votre roi régnant Louis XIII,
plus renommé que le roi suivant, et ce roi, madame, sera
appelé Louis le Grand ou le Roi-Soleil. Chère madame, il y
a un pays lointain, vous ne le connaissez pas, c'est la
Moscovie. II est peuplé de gens qui parlent une langue
étrange à votre oreille. Et dans ce pays pénétreront
bientôt les mots de celui que vous mettez au monde
maintenant.
Texte C -
Calixthe BEYALA : Les Honneurs perdus,
1996.
[La narratrice d'origine africaine évoque sa
naissance au Cameroun.]
L'accoucheuse haussa les épaules :
« Ce n'est pas à moi d'annoncer la nouvelle. » Et elle
jeta un regard franc et direct à papa dont le visage
devenait pathétique, avant de continuer : « Tout ce que je
peux vous dire, c'est que j'ai fait mon job ! Jamais un
accident en trente ans de métier. » Elle énuméra les deux
cents bébés nés à coups de forceps1 avec juste
ce qu'il faut de déformation faciale; les trois cents
actes chirurgicaux pratiqués sur parturientes2
en état de mort avancée et tous réussis. Et tandis que
l'accoucheuse étalait ses techniques de l'accouchement,
papa se mit à pleurer. Sa mélancolie était trop forte pour
qu'on puisse la supporter longtemps. Madame Kimoto3
s'approcha de papa, battit ses paupières, pinça son nez et
lança le flux de sa rhétorique.
- Qu'est-ce qui se passe, mon vieux ? l'enfant est
né, n'est-ce pas ? (Et à voix basse) Passe donc
me voir. Je t'arrangerai ça. (Et de nouveau à voix
haute) Sois pas triste un jour comme celui-là.
- Oui, dit papa sans conviction.
- Que c'est dommage ! dit le menuisier. Des occases comme
celles-ci, c'est pas tous les jours qu'on tombe dessus, je
vous préviens...
A ces mots, papa éclata de rire.
- Que c'est drôle ! dit-il.
- Qu'est-ce qui est drôle ? demanda madame Kimoto.
- Il parle de mort. J'aurais préféré que mon fils soit
mort au lieu d'être transformé en fille.
- Ah oui ? demanda un vieillard.
- Oui. Mon fils vient d'être transformé en fille.
- Malchance ! hurla la foule, sans cacher sa déception.
- Mauvais œil ! dit le vieillard.
- Poisse, renchérit un autre. II n'y aura que du vin
de palme à la fête. Quelle malchance !
1. forceps : instrument de
chirurgie utilisé dans les accouchements difficiles.
2. parturientes : terme médical qui désigne la femme en
train d'accoucher.
3. Kimoto : autre personnage, prostituée amie et voisine
du père.
Texte D -
Article «Molière», Dictionnaire de la littérature
française et francophone, 1986.
MOLIÈRE, Jean-Baptiste, Poquelin,
dit. Paris 15.1.1622 - 17.2.1673. Son père, tapissier
ordinaire du roi, devenu veuf en 1632, se remarie l'année
suivante avec Catherine Fleurette, qui meurt en couches en
1636. L'enfant, qui a vu mourir trois de ses frères et
sœurs, grandit dans un climat de deuil; son grand-père
maternel, qui l'emmenait à l'hôtel de Bourgogne voir les
farceurs italiens, disparaît à son tour (1638). Resté
seul, Jean-Baptiste fait des études de droit; avocat en
1640, il rencontre Scaramouche, le rénovateur de la
comédie italienne, puis Madeleine Béjart, comédienne de
vingt-quatre ans et directrice d'une troupe déjà connue.
Malgré les efforts de son père, Jean-Baptiste choisit la
carrière dramatique et, avec Madeleine et sept autres
comédiens, fonde l'Illustre-Théâtre (30 juin 1643); il
prend rapidement la direction de la troupe, choisissant
comme pseudonyme le nom d'un romancier naguère à la mode;
mais les échecs se succèdent et les dettes ont raison de
cette éphémère expérience. Molière et les Béjart se
joignent à la troupe de Ch. du Fresne (1645) et commencent
de longues tournées à travers la France; c'est seulement
en 1655, à Lyon, qu'est créée la première comédie de
Molière, L'Étourdi. Suivent Le Dépit
amoureux (Béziers, 1656) et, surtout, premier
triomphe, Les Précieuses ridicules, créées à
Paris le 18 novembre 1659 : naissance, à presque quarante
ans, d'un auteur qui donnera tous ses chefs-d'œuvre en
moins de quatorze ans. Relégué par des intrigues dans la
salle médiocre du Palais-Royal, Molière connaît à nouveau
des difficultés d'argent; l'échec de Dom Garcie de
Navarre est à peine compensé par le succès de L'École
des maris (1661) ; Les Fâcheux,
comédie-ballet commandée par Fouquet, sont créés devant le
roi le même été. En 1662, Molière. épouse Armande Béjart,
fille de Madeleine; il a quarante ans, elle en a moins de
vingt; le 26 décembre, L'École des femmes fait
sensation et provoque une querelle qui durera deux ans;
La Critique de l'École des femmes et L'Impromptu
de Versailles sont la défense d'un homme qui a reçu
publiquement le soutien royal et une pension. Cette
tourmente à peine apaisée, l'« affaire Tartuffe »
commence; les trois premiers actes de cette pièce,
dénonciation des faux dévots, sont joués à Versailles (12
mai 1664). La reine mère la fait interdire avant même son
achèvement; Molière, qui a envoyé sans succès un placet au
roi, donne la totalité de sa pièce chez la princesse
Palatine (29 novembre). Il a des ennuis de santé et de
ménage, se sépare d'Armande, crée une version adoucie de
sa pièce, L'Imposteur : elle est interdite. Ce
n'est qu'après deux autres placets que Tartuffe
sera créé officiellement (5 février 1669). Entre-temps
sont apparus Dom Juan, Le Misanthrope,
Amphitryon et L'Avare. Molière, qui
jusque-là avait créé et joué de nombreuses pièces d'autres
auteurs (notamment des tragédies de Racine et Corneille),
se restreint davantage à son propre répertoire : Monsieur
de Pourceaugnac, Les Fourberies de Scapin,
Les Femmes savantes, Le Malade imaginaire.
C'est au cours de la quatrième représentation de cette
dernière pièce que Molière, interprète du rôle principal,
s'écroula; il mourut le jour même.
I
- APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DE L'ENSEMBLE DES
TEXTES, VOUS RÉPONDREZ AUX QUESTIONS
SUIVANTES. (6 points)
1.
Quelle est la fonction particulière du dernier texte
? Retrouvez-vous cette fonction dans les trois
autres textes ? Justifiez votre réponse. (3 points)
2. Quel sens Edouard Corbière donne-t-il au récit de
naissance dans le texte 1 ? Montrez que les textes 2
et 3 laissent deviner la même intention. (3 points)
Il
- VOUS TRAITEREZ ENSUITE UN DES TROIS SUJETS
SUIVANTS AU CHOIX. (14 points)
- Commentaire
:
Vous commenterez le texte d'Edouard Corbière depuis
le début jusqu'à « quelque chose de marin et de
martial »(),
en vous aidant du parcours de lecture suivant :
- Dans quelle mesure le récit des deux naissances
laisse-t-il présager un destin différent pour les
jumeaux ? Montrez notamment comment l'auteur met en
scène de manière vivante ces deux destins.
- Dissertation
:
Raconter tout événement d'une vie (la sienne ou
celle d'un autre), est-ce constater des faits
objectifs ou ordonner, donner un sens, voire
inventer ?
Vous répondrez à cette question en vous
appuyant sur les textes proposés ici, sur les textes
étudiés en classe et sur vos lectures personnelles.
- Invention
:
Un(e) artiste est invité(e) par un animateur de
radio ou de télévision pour évoquer sa vie privée.
Cet(te) artiste lui écrit une lettre pour expliquer
pourquoi il (elle) accepte ou refuse de parler de
lui-même (d'elle-même). Vous rédigerez cette lettre.
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