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Sculpte,
lime, cisèle ; / Que ton rêve flottant
Se scelle / Dans le bloc résistant !
Théophile Gautier.
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1835 |
1845 |
1851 |
1852 |
1857 |
1857 |
1862 |
1866 |
1869 |
1893 |
e
mont Parnasse est, dans la mythologie grecque, le lieu de
résidence d'Apollon et des neuf Muses. L'usage métonymique
de ce nom pour désigner une assemblée de poètes est déjà
ancien lorsque l'éditeur Alphonse Lemerre publie à partir de
1866 une anthologie de poésie moderne qui prend le nom de Parnasse
contemporain. Le mot désigne tout de suite ces poètes
qui se reconnaissent dans leur réaction contre le
Romantisme. D'abord groupés autour de Théophile
Gautier, ils se réunissent le samedi soir chez Leconte de
Lisle ou José-Maria de Hérédia : Banville, Villiers de
l’Isle-Adam, Sully Prudhomme, François Coppée apparaissent
comme les plus représentatifs. À l'épanchement personnel,
les Parnassiens opposent un souci d'impersonnalité
qui leur fait fuir les facilités du lyrisme. Leurs
métaphores, constamment empruntées au domaine de la
sculpture, prônent le travail poétique, résolument
asservi au culte d'une forme parfaite. Loin de l'engagement
social des Romantiques, ils se prononcent enfin pour une
retraite hautaine, tout entière vouée à la célébration
d'une Beauté divinisée. Ces tendances se prolongeront
dans
1. Le Beau.
Profondément déçus dans leurs aspirations
révolutionnaires, les Parnassiens ont manifesté le souci
de sortir l'Art de l'arène politique et, plus
généralement, des visées sociales que lui assignait le
Romantisme. Leur célébration du Beau trouva dès lors un
équivalent acceptable dans la beauté plastique de la
statuaire hellénique, dont la chaste perfection, alliée au
gage que lui donne la durée temporelle, s'oppose aux
contingences de l'Histoire. Pour exprimer ce «rêve de
pierre», les images et les symboles deviennent
systématiques : cygnes immaculés, statues impassibles,
pics neigeux, saltimbanques amoureux des étoiles.
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Charles Baudelaire
(1821-1867)
La Beauté (Les Fleurs du Mal, 1857)
Sans
appartenir
au Parnasse, dont il condamnera le culte
excessif de la forme, Baudelaire
poursuit une méditation esthétique où
s'exprime une mystique de l'Art et de la
Beauté. Ce culte austère prend même la
forme d'une véritable morale, la
création poétique constituant à ses yeux
« le meilleur témoignage que nous
puissions donner de notre dignité » (Les
Phares).
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Je suis
belle, ô mortels ! comme un rêve de
pierre
Et mon sein, où chacun s'est meurtri
tour à tour,
Est fait pour inspirer au poète un amour
Éternel et muet ainsi que la matière.
Je trône dans l'azur comme un sphinx
incompris ;
J'unis un cœur de neige à la blancheur
des cygnes ;
Je hais le mouvement qui déplace les
lignes,
Et jamais je ne pleure et jamais je ne
ris.
Les poètes, devant mes grandes
attitudes,
Que j'ai l'air d'emprunter aux plus
fiers monuments,
Consumeront leurs jours en d'austères
études ;
Car j'ai, pour fasciner ces dociles
amants,
De purs miroirs qui font toutes choses
plus belles :
Mes yeux, mes larges yeux aux clartés
éternelles !
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Questions
:
- Montrez comment ce sonnet
condense les aspirations essentielles du Parnasse
(divinisation du Beau, rigueur du travail poétique,
refus du lyrisme) et réunit les images qui les
exprimeront le plus fréquemment.
-
Du
fait de la dimension religieuse qu'il donne à l'Art,
la création artistique apparaît souvent chez
Baudelaire comme un véritable combat. «L’étude du beau
est un duel où l’artiste crie de frayeur avant d’être
vaincu», note-t-il dans Le Confiteor de l'artiste
(Petits poèmes en prose). Tiré de ce même
recueil, l'apologue ci-dessous vous permettra de
caractériser la hauteur de l'enjeu mis sur la création
poétique :
Le
Fou et la Vénus
Quelle admirable journée ! Le vaste parc
se pâme sous l’œil brûlant du soleil,
comme la jeunesse sous la domination de
l’amour. L’extase universelle des choses
ne s’exprime par aucun bruit; les eaux
elles-mêmes sont comme endormies. Bien
différentes des fêtes humaines, c'est ici
une orgie silencieuse. On dirait qu'une
lumière toujours croissante fait de plus
en plus étinceler les objets ; que les
fleurs excitées brûlent du désir de
rivaliser avec l’azur du ciel par
l’énergie de leurs couleurs, et que la
chaleur, rendant visibles les parfums, les
fait monter vers l’astre, comme des
fumées. Cependant, dans cette jouissance
universelle, j'ai aperçu un être affligé.
Aux pieds d’une colossale Vénus, un de ces
fous artificiels, un de ces bouffons
volontaires chargés de faire rire les rois
quand le remords ou l’ennui les obsède,
affublé d’un costume éclatant et ridicule,
coiffé de cornes et de sornettes, tout
ramassé contre le piédestal, lève des yeux
pleins de larmes vers l’immortelle déesse.
Et ses yeux disent : "Je suis le dernier
et le plus solitaire des humains, privé
d’amour et d’amitié, et bien inférieur en
cela au plus imparfait des animaux.
Cependant je suis fait, moi aussi, pour
comprendre et sentir l’immortelle beauté !
Ah ! déesse ! Ayez pitié de ma tristesse
et de mon délire." Mais l’implacable Vénus
regarde au loin je ne sais quoi avec ses
yeux de marbre.
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2.
Le travail poétique.
La recherche d'une Beauté idéale et la place donnée au
poète dans la société ne pouvaient manquer de générer une
conception nouvelle du travail poétique. Celui-ci est
assimilé par les Parnassiens à un effort acharné pour
extraire de la matière la plus dure une forme
impérissable, «
comme un divin métal au moule harmonieux » (Leconte
de Lisle). Le
poète devient ainsi sculpteur ou ciseleur, préoccupé par
la plastique plus que par l'Esprit. Théophie Gautier
choisit pour son recueil de 1852 le titre d'Émaux et
Camées qu'il justifie ainsi : «
Ce titre exprime le dessein de
traiter sous forme restreinte de petits sujets, tantôt sur
plaque d’or ou de cuivre avec les vives couleurs de l’émail,
tantôt avec la roue du graveur de pierres fines, sur
l’agate, la cornaline ou l’onyx. Chaque pièce devait être un
médaillon à enchâsser sur le couvercle d’un coffret, un
cachet à porter au doigt, serti dans une bague, quelque
chose qui rappelât les empreintes de médailles antiques
qu’on voit chez les peintres et les sculpteurs. Mais
l’auteur ne s’interdisait nullement de découper dans les
tranches laiteuses ou fauves de la pierre un pur profil
moderne, et de coiffer à la mode des médailles syracusaines
des Grecques de Paris entrevues au dernier bal. L’alexandrin
était trop vaste pour ces modestes ambitions, et l’auteur
n’employa que le vers de huit pieds, qu’il refondit, polit
et cisela avec tout le soin dont il était capable. » (Histoire
du Romantisme, 1874). C'est
sur ce primat accordé à la forme que feront plus tard porter leurs
objections.
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Théodore
de
Banville (1823-1891)
à
Théophile Gautier (1856)
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Ce poème fut publié dans la revue L'Artiste.
L'année suivante, Gautier y répondit par son
célèbre manifeste,
(« Oui, l'œuvre sort plus belle / D'une forme
au travail / Rebelle, / Vers, marbre, onyx,
émail ...»), qui deviendra le dernier
poème d'Émaux et camées.
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Quand sa chasse
est finie
Le poète oiseleur
Manie
L'outil du ciseleur.
Car il faut qu'il
meurtrisse
Pour y graver son pur
Caprice
Un métal au cœur dur.
Pas de travail
commode !
Tu prétends comme moi,
Que l'Ode
Garde sa vieille loi,
Et que, brillant
et ferme,
Le beau Rythme d'airain
Enferme
L'Idée au front serein.
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Les Strophes, nos
esclaves,
Ont encore besoin
D'entraves
Pour regarder plus loin.
Les pieds blancs de
ces reines
Portent le poids réel
Des chaînes,
Mais leurs yeux voient le ciel.
Et toi, qui nous
enseignes
L'amour du vert laurier,
Tu daignes
Être un bon ouvrier.
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Questions
:
- Comment la forme du poème se prête-t-elle à l'expression
de ses préceptes ? Pourquoi les Parnassiens ont-ils selon
vous privilégié ainsi le poème et le vers courts ?
- Examinez
ci-dessous les objections adressées aux Parnassiens par
Baudelaire et Mallarmé. Quelles sont, pour ceux-ci, les
erreurs que commet le Parnasse en cultivant la perfection
formelle ?
Le goût immodéré de la forme pousse à des désordres
monstrueux et inconnus. Absorbées par la passion
féroce du beau, du drôle, du joli, du pittoresque,
car il y a des degrés, les notions du juste et du
vrai disparaissent. La passion frénétique de l’art
est un chancre qui dévore le reste ; et, comme
l’absence nette du juste et du vrai dans l’art
équivaut à l’absence d’art, l’homme entier
s’évanouit ; la spécialisation excessive d’une
faculté aboutit au néant.. [...] La folie de l’art
est égale à l’abus de l’esprit. La création d’une de
ces deux suprématies engendre la sottise, la dureté
du cœur et une immensité d’orgueil et d’égoïsme.
[...]
Il faut que la littérature aille retremper
ses forces dans une atmosphère meilleure. Le temps
n'est pas loin où l'on comprendra que toute
littérature qui se refuse à marcher fraternellement
entre la science et la philosophie est une
littérature homicide et suicide.
Baudelaire,
L'École païenne, 1853, in L'Art
romantique.
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Les jeunes sont plus près de l'idéal poétique
que les Parnassiens qui traitent encore leurs sujets
à la façon des vieux philosophes et des vieux
rhéteurs, en présentant les objets directement. Je
pense qu'il faut, au contraire, qu'il n'y ait
qu'allusion. La contemplation des objets, l'image
s'envolant des rêveries suscitées par eux, sont le
chant : les Parnassiens, eux, prennent la chose
entièrement et la montrent : par là ils manquent de
mystère; ils retirent aux esprits cette joie
délicieuse de croire qu'ils créent. Nommer
un objet, c'est supprimer les trois quarts de la
jouissance du poème qui est faite de deviner peu à
peu : le suggérer, voilà le rêve.
Mallarmé, Réponses à Jules Huret, 1891 (voir
notre page sur ).
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3. «
L'Art pour l'Art ».
Dans le vieux débat du beau contre l'utile, les
Parnassiens se sont prononcés, contre les Romantiques,
pour l'absolue gratuité de l'art : « L'art
est-il utile ? Oui. Pourquoi ? Parce qu'il est l'art »,
note Baudelaire (Les
Drames et les romans honnêtes, 1857). C'est
refuser l'engagement du poète dans les luttes sociales de
son temps et rêver d'une utilité plus haute qui ne doive
rien aux besoins immédiats. Au plus fort de l'agitation
politique des années 1848-1851, Gautier exprimera
superbement cette indifférence : « Comme
Goethe sur son divan / A Weimar s'isolait des choses / Et
d'Hafiz effeuillait les roses, // Sans prendre garde à
l'ouragan / Qui fouettait mes vitres fermées, / Moi, j'ai
fait Émaux et Camées. (Préface d').
Théophile Gautier
(1811-1872)
Préface de Mademoiselle de Maupin (1835)
Premier roman de Gautier, celui-ci est aussi le
plus audacieux et le plus novateur. Pimenté par
les aventures amoureuses d'une femme travestie,
il transgresse gaillardement les mœurs de
l'époque. La préface, restée célèbre, est une
longue dissertation où l'auteur dénie toute fin
« utile » à la littérature et à l'art.
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En vérité, il y a de quoi rire d'un pied
en carré, en entendant disserter messieurs
les utilitaires républicains ou
saint-simoniens. - Je voudrais bien savoir
d'abord ce que veut dire précisément ce
grand flandrin de substantif dont ils
truffent quotidiennement le vide de leurs
colonnes, et qui leur sert de schiboleth
et de terme sacramentel. - Utilité : quel
est ce mot, et à quoi s'applique-t-il ?
Il y a deux sortes d'utilité,
et le sens de ce vocable n'est jamais que
relatif. Ce qui est utile pour l'un ne
l'est pas pour l'autre. Vous êtes
savetier, je suis poète. - Il est utile
pour moi que mon premier vers rime avec
mon second. - Un dictionnaire de rimes
m'est d'une grande utilité ; vous n'en
avez que faire pour carreler une vieille
paire de bottes, et il est juste de dire
qu'un tranchet ne me servirait pas à
grand-chose pour faire une ode. - Après
cela, vous objecterez qu'un savetier est
bien au-dessus d'un poète, et que l'on se
passe mieux de l'un que de l'autre. Sans
prétendre rabaisser l'illustre profession
de savetier, que j'honore à l'égal de la
profession de monarque constitutionnel,
j'avouerai humblement que j'aimerais mieux
avoir mon soulier décousu que mon vers mal
rimé, et que je me passerais plus
volontiers de bottes que de poèmes. Ne
sortant presque jamais et marchant plus
habilement par la tête que par les pieds,
j'use moins de chaussures qu'un
républicain vertueux qui ne fait que
courir d'un ministère à l'autre pour se
faire jeter quelque place.
Je sais qu'il y en a qui préfèrent
les moulins aux églises, et le pain du
corps à celui de l'âme. A ceux-là, je n'ai
rien à leur dire. Ils méritent d'être
économistes dans ce monde, et aussi dans
l'autre.
Y a-t-il quelque chose
d'absolument utile sur cette terre et dans
cette vie où nous sommes ? D'abord, il est
très peu utile que nous soyons sur terre
et que nous vivions. Je défie le plus
savant de la bande de dire à quoi nous
servons, si ce n'est à ne pas nous abonner
au Constitutionnel ni à aucune
espèce de journal quelconque.
Ensuite, l'utilité de notre
existence admise a priori, quelles sont
les choses réellement utiles pour la
soutenir ? De la soupe et un morceau de
viande deux fois par jour, c'est tout ce
qu'il faut pour se remplir le ventre, dans
la stricte acception du mot. L'homme, à
qui un cercueil de deux pieds de large sur
six de long suffit et au-delà après sa
mort, n'a pas besoin dans sa vie de
beaucoup plus de place. Un cube creux de
sept à huit pieds dans tous les sens, avec
un trou pour respirer, une seule alvéole
de la ruche, il n'en faut pas plus pour le
loger et empêcher qu'il ne lui pleuve sur
le dos. Une couverture, roulée
convenablement autour du corps, le
défendra aussi bien et mieux contre le
froid que le frac de Staub
le plus élégant et le mieux coupé.
Avec cela, il pourra
subsister à la lettre. On dit bien qu'on
peut vivre avec 25 sous par jour ; mais
s'empêcher de mourir, ce n'est pas vivre ;
et je ne vois pas en quoi une ville
organisée utilitairement serait plus
agréable à habiter que le Père-la-Chaise.
Rien de ce qui est beau n'est
indispensable à la vie. - On supprimerait
les fleurs, le monde n'en souffrirait pas
matériellement ; qui voudrait cependant
qu'il n'y eût plus de fleurs ? Je
renoncerais plutôt aux pommes de terre
qu'aux roses, et je crois qu'il n'y a
qu'un utilitaire au monde capable
d'arracher une plate-bande de tulipes pour
y planter des choux.
A quoi sert la beauté des femmes ?
Pourvu qu'une femme soit médicalement bien
conformée, en état de faire des enfants,
elle sera toujours assez bonne pour des
économistes.
A quoi bon la musique ? à
quoi bon la peinture ? Qui aurait la folie
de préférer Mozart à M. Carrel, et
Michel-Ange à l'inventeur de la moutarde
blanche ? Il n'y a de vraiment beau que ce
qui ne peut servir à rien ; tout ce qui
est utile est laid, car c'est l'expression
de quelque besoin, et ceux de l'homme sont
ignobles et dégoûtants, comme sa pauvre et
infirme nature. - L'endroit le plus utile
d'une maison, ce sont les latrines. Moi,
n'en déplaise à ces messieurs, je suis de
ceux pour qui le superflu est le
nécessaire, - et j'aime mieux les choses
et les gens en raison inverse des services
qu'ils me rendent. Je préfère à certain
vase qui me sert un vase chinois, semé de
dragons et de mandarins, qui ne me sert
pas du tout, et celui de mes talents que
j'estime le plus est de ne pas deviner les
logogriphes et les charades.
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Questions
:
- Résumez rapidement ce texte en
faisant nettement apparaître les différents arguments au
service de la thèse.
-
En examinant nos pages successives sur
les mouvements
littéraires, distinguez ceux qui se sont faits les
apôtres de l'engagement de l'écrivain dans les luttes de
son temps et ceux qui l'ont refusé. Puis utilisez ces
exemples dans une courte discussion qui évaluera
l'opinion de Jean-Paul Sartre : «Il n'y a d'art que pour
et par autrui.»
4.
L'impersonnalité
Contre l'épanchement lyrique des Romantiques, jugé
impudique et ridicule, les Parnassiens ont cultivé la
distance et l'objectivité. «Le thème personnel
et ses variations trop répétées ont épuisé l'attention», note
Leconte de Lisle. Ceci conditionne la thématique
parnassienne, volontiers tournée vers l'évocation des
civilisations anciennes, les paysages pittoresques, la
méditation philosophique ou scientifique.
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Charles-René-Marie Leconte
de Lisle
(1818-1894)
Les Montreurs (Poèmes barbares, 1862)
D'origine réunionnaise, Leconte de Lisle
supporte mal l'échec des aspirations
sociales du Romantisme. Réfugié dans le
pessimisme, il s'emploie dès lors à explorer
le fonds du patrimoine humain en évoquant
les civilisations hellénistiques et
barbares.
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Tel
qu'un morne animal, meurtri, plein de
poussière,
La chaîne au cou, hurlant au chaud
soleil d'été,
Promène qui voudra son cœur ensanglanté
Sur ton pavé cynique, ô plèbe
carnassière !
Pour mettre un feu stérile en ton œil
hébété,
Pour mendier ton rire ou ta pitié
grossière,
Déchire qui voudra la robe de lumière
De la pudeur divine et de la volupté.
Dans mon orgueil muet, dans ma tombe
sans gloire,
Dussé-je m'engloutir pour l'éternité
noire,
Je ne te vendrai pas mon ivresse et mon
mal,
Je ne livrerai pas ma vie à tes huées,
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal
Avec tes histrions et tes prostituées.
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Questions
:
- Caractérisez le registre polémique.
Comment la structure du sonnet le met-elle en valeur ?
-
Réflexion : la poésie vous
semble-t-elle pouvoir être ainsi privée de l'expression
personnelle ? Comparez avec la conviction des
Romantiques, telle qu'elle s'exprime par exemple dans
les vers de Musset : « Quel que soit le souci que ta
jeunesse endure, / Laisse-la s'élargir, cette sainte
blessure / Que les séraphins noirs t'ont faite au fond
du cœur; / Rien ne nous rend si grands qu'une grande
douleur. » (La Nuit de mai).
5. Une
image :
Paul Chabas, « Chez Alphonse Lemerre, à Ville d’Avray » 1895
Le jardin de l’ancienne propriété du père de Camille Corot, rachetée par l’éditeur parisien Alphonse Lemerre, sert ici de toile de fond au peintre Paul Chabas (1869-1937) pour représenter les poètes du Parnasse.
En face de Leconte de Lisle, on reconnaît Sully-Prudhomme (assis au centre), Heredia, Paul Bourget (debout à ses côtés), puis Alphonse Daudet et François Coppée (tous deux assis en bout de table). Alphonse Lemerre et sa famille referment la scène, à droite. Dans la tradition du cénacle romantique, qu'avaient répandue les groupes d'artistes réunis autour de Victor Hugo ou Charles Nodier, le cercle du Parnasse entend fonder une famille exclusivement littéraire consacrée à l'Art pour l'Art. Symboliquement enfermés dans ce jardin à l'abri des tempêtes de l'actualité, les artistes leur opposent le secret d'un esthétique vouée à une élite.
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