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Voir sur Amazon
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On
ne peut rien voir de plus admirable dans le
monde
que l'homme.
Pic de la Mirandole (De dignitate hominis).
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1453 |
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a
fréquentation des auteurs anciens
à travers les manuscrits apportés en Italie par les Grecs
développe dès le XVème siècle l'étude des humaniores
litterae (ces lettres qui rendent plus humain)
que les Romains opposaient aux diviniores litterae
(lettres divines) : ces
"lettres humaines", ou "humanités", longtemps
mises sous le boisseau par l'Église, rassemblent les
connaissances profanes dont l'homme est le centre. « Faire
ses humanités » signifiera longtemps étudier les
auteurs grecs et latins et s'employer à les traduire et à
les commenter. C'est à cette tâche que
s'adonnent ces érudits que l'on appellera humanistes au
siècle suivant : Jacques Amyot, Étienne Dolet, Guillaume
Budé.
Mais ce travail de traduction et d'exégèse qui,
appliqué à l'Écriture sainte, fortifie l'évangélisme,
ne pouvait manquer d'inspirer aussi tous les espoirs de
progrès que devaient permettre l'esprit d'examen et
l'expérimentation scientifique. C'est ce deuxième sens que
privilégiera le mot "humanisme", à partir du XIXème siècle,
en faisant siens les mots de Protagoras : "L'homme est la
mesure de toute chose". Cette confiance exaltée
dans les facultés humaines préfigure l'idéal des
Lumières et lui survivra dans le scientisme, même si, déjà,
la Renaissance, ensanglantée par les luttes religieuses, la
met copieusement à mal.
Le corpus que nous présentons souhaite évoquer
ces aspects en quatre textes qui pourront faire l'objet de
questions destinées à la lecture analytique ou au
commentaire.
1. «
Faire ses humanités »
C'est tout naturellement autour de l'éducation que
se rejoignent d'abord les humanistes, soucieux de la
débarrasser du psittacisme scolastique et de l'ouvrir aux
nouvelles branches du savoir. On appréciera dans le texte
ci-dessous l'ampleur du programme auquel Gargantua invite
son fils, comme à un festin d'où devrait sortir un homme
nouveau.
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François
RABELAIS
(1494-1553)
Pantagruel
(1532)
chapitre VIII
texte
original / texte modernisé.
Comment
Pantagruel étant à Paris reçut des lettres
de son père Gargantua, et la copie de
celles-ci.
|
Très
cher fils,
[...] encores que mon feu pere de bonne memoire
Grandgousier eust adonné tout son estude, à ce
que ie proffitasse en toute perfection &
sçavoir politicque, & que mon labeur &
estude correspondit tresbien, voire encores
oultrepassast son desir, toutesfois comme tu
peulx bien entendre, le temps n’estoit tant
ydoine ny commode es lettres, comme est de
present, et n’avoys copie de tels precepteurs
comme tu as eu. Le temps estoit encores
tenebreux & sentant l’infelicité &
calamité des Goths qui avoient mis à destruction
toute bonne literature. Mais par la bonté
divine, la lumiere & dignité a esté de mon
aage rendue es lettres, & y voy tel
amendement, que de present à difficulté seroys
ie receu en la premiere classe des petitz
grimaulx, qui en mon aage virile estoys non à
tord reputé le plus sçavant dudict siecle. [...]
Maintenant toutes disciplines sont restituées,
les langues instaurées : Grecque, sans laquelle
c’est honte qu’une personne se die sçavant;
Hebraicque, Caldeicque, Latine. Les impressions
tant elegantes et correctes en usance, qui ont
esté inventées de mon aage par inspiration
divine, comme à contrefil l’artillerie par
suggestion diabolicque. Tout le monde est plain
de gens sçavans, de precepteurs tresdoctes, de
librairies tresamples, qu’il m’est advis que ny
au temps de Platon, ny de Ciceron, ny de
Papinian, n'etait telle commodité d’estude qu’on
y voit maintenant; et ne se fauldra plus
dorenavant trouver en place ny en compaignie qui
ne sera bien expoly en l’officine de Minerve. Ie
voy les brigans, les bourreaux, les avanturiers,
les palefreniers de maintenant plus doctes que
les docteurs et prescheurs de mon temps. Que
diray-ie ? Les femmes et les filles ont aspiré à
ceste louange & à ceste manne celeste de
bonne doctrine. Tant y a qu’en l’aage ou ie suis
iay esté contraint d’apprendre les lettres
Grecques, lesquelles ie n’avoys pas contemné
comme Caton, mais ie n’avoys eu loysir de
comprendre en mon ieune aage, et voulentiers me
delecte à lire les moraulx de Plutarche, les
beaulx dialogues de Platon, les monumens de
Pausanias, et antiquitez de Atheneus, attendant
l’heure qu’il plaira à Dieu mon createur me
appeler et commander yssir de ceste terre.
Parquoy mon fils ie te admoneste que employes ta
ieunesse à bien proffiter en estude et en vertu.
Tu es à Paris, tu as ton precepteur Epistemon,
dont l’ung par vives & vocales instructions,
l’aultre par louables exemples te peult
endoctriner. Ientends & veulx que tu aprenes
les langues parfaictement, premierement la
Grecque comme le veult Quintilian, secondement
la latine, et puis l’Hebraicque pour les
sainctes lettres, & la Chaldeicque &
Arabicque pareillement, & que tu
formes ton stille, quant à la Grecque, à
l’imitation de Platon, quant à la Latine, de
Ciceron, qu’il n’y ait histoire que tu ne
tiengne en memoire presente, à quoy te aydera la
Cosmographie de ceulx qui en ont escript. Des
ars liberaulx, Geometrie, Arismetique, &
Musicque, Ie t’en donnay quelque goût quand tu
estoys encores petit en l’aage de cinq à six ans
: poursuys le reste, & de Astronomie saches
en tous les canons. Laisse moy l’Astrologie
divinatrice, et art de Lullius comme abuz et
vanitez. Du droit Civil ie veulx que tu saches
par cueur les beaulx textes, et me les confere
avecques philosophie. Et quant à la
congnoissance des faitz de nature, Ie veulx que
tu t’y adonne curieusement, qu’il n’y ait mer,
ryviere, ny fontaine, dont tu ne congnoisse les
poissons, tous les oyseaulx de l’air, tous les
arbres arbustes & fructices des forestz,
toutes les herbes de la terre, tous les metaulx
cachez au ventre des abysmes, les pierreries de
tout orient & midy, riens ne te soit
incongneu. Puis songneusement revisite les
livres des medecins, Grecs, Arabes, &
Latins, sans contemner les Thalmudistes &
Cabalistes, & par frequentes anatomyes
acquiers toy parfaicte congnoissance de l’aultre
monde, qui est l’homme. Et par quelques heures
du iour commence à visiter les sainctes
letttres. Premierement en Grec le nouveau
testament et Epistres des apostres, & puis
en Hebrieu le vieulx testament. Somme que ie
voye ung abysme de science, car doresnavant que
tu deviens homme & te fais grand, il te
fauldra issir de ceste tranquillité & repos
d’estude: & apprendre la chevalerie &
les armes, pour defendre ma maison, & nos
amys secourir en tous leurs affaires contre les
assaulx des malfaisans. Et veulx que de brief tu
essayes combien tu as proffité, ce que tu ne
pourras mieulx faire, que tenant conclusion en
tout sçavoir publicquement envers tous &
contre tous, et hantant les gens lettrez, qui
sont tant à Paris comme ailleurs. Mais par ce
que selon le sage Salomon, Sapience n’entre
point en ame malivole, & science sans
conscience n’est que ruyne de l’ame, il te
convient servir, aymer, & craindre Dieu
& en luy mettre toutes tes pensées, &
tout ton espoir, et par foy formée de charité
estre à luy adioinct, en sorte que iamais n’en
soys desemparé par peché. Ayes suspectz les abuz
du monde. Ne metz ton cueur à vanité, car ceste
vie est transitoire, mais la parolle de Dieu
demeure eternellement. Soys serviable à tous tes
prochains, & les ayme comme toymesmes.
Revere tes precepteurs, fuys les compaignies des
gens esquels tu ne veulx point ressembler; et
les graces que Dieu te a données, icelles ne
reçoiptz en vain. Et quand tu congnoitras que
auras tout le sçavoir de par delà acquis,
retourne vers moy affin que ie te voie et donne
ma benediction devant que mourir. Mon fils la
paix & grace de nostre seigneur soit
avecques toy, amen.
De Utopie ce dix septiesme iour du moys de Mars,
ton pere Gargantua.
|
Très cher fils,
[...] bien que feu mon regretté père
Grandgousier eût déployé tous ses efforts pour
que je progresse en perfection et savoir
politique, et que mon labeur et mon étude
correspondissent bien à son désir et même
l'aient dépassé, l'époque toutefois, comme tu
peux bien le comprendre, n'était pas aussi
opportune ni commode pour étudier les lettres
qu'elle l'est à présent, et il n'existait alors
aucun précepteur qui puisse ressembler à ceux
que tu as eus. Les temps étaient encore
ténébreux, ils sentaient l'infélicité et la
calamité des Goths, qui avaient ruiné toute
bonne littérature. Mais, grâce à la bonté
divine, la lumière et la dignité ont été à mon
époque rendues aux lettres, et j'y vois de tels
progrès qu'il me serait aujourd'hui difficile
d'être reçu dans la première classe des petits
écoliers, moi qui, dans mon âge mûr, étais
réputé (non à tort) comme le plus savant du
siècle. [...]
Maintenant toutes les
disciplines sont restaurées, les langues mises à
l'honneur : le grec, sans lequel il est honteux
qu'on se dise savant, l'hébreu, le chaldéen, le
latin. Des livres imprimés, fort élégants et
corrects, sont utilisés partout, qui ont été
inventés à mon époque par inspiration divine,
comme inversement l'artillerie l'a été par
suggestion du diable. Le monde entier est plein
de gens savants, de précepteurs très doctes, de
bibliothèques très vastes, au point qu'à
l'époque de Platon, de Cicéron ou de Papinien,
il n'y avait, à mon avis, autant de commodité
d'étude qu'il s'en rencontre aujourd'hui; et il
ne faudra plus dorénavant trouver en lieu et
compagnie qui ne sera bien poli dans l'atelier
de Minerve. Je vois les brigands, les bourreaux,
les aventuriers, les palefreniers d'aujourd'hui
plus savants que les docteurs et les prêcheurs
de mon temps. Que dirai-je ? Les femmes et les
filles elles-mêmes ont aspiré à cette gloire, à
cette manne céleste du beau savoir. Tant et si
bien qu'à mon âge, j'ai été contraint
d'apprendre le grec, que je n'avais pas méprisé
comme Caton, mais que je n'avais pas eu le
loisir d'apprendre en ma jeunesse, et je me
délecte volontiers à la lecture des Œuvres
morales de Plutarque, des beaux Dialogues
de Platon, des Monuments de Pausanias
et des Antiquités d'Athénée, attendant
l'heure qu'il plaira à Dieu mon créateur de
m'appeler et de m'ordonner de quitter cette
terre.
Pour cette raison, mon
fils, je te conjure d'employer ta jeunesse à
bien profiter en étude et en vertu. Tu es à
Paris, tu as ton précepteur Epistémon : l'un,
par de vivantes leçons, l'autre par de louables
exemples, peuvent bien t'éduquer. J'entends et
veux que tu apprennes parfaitement les langues,
d'abord le grec, comme le veut Quintilien, puis
le latin et l'hébreu pour l'Écriture sainte, le
chaldéen et l'arabe pour la même raison; pour le
grec, forme ton style en imitant Platon, et
Cicéron pour le latin. Qu'il n'y ait aucun fait
historique que tu n'aies en mémoire, ce à quoi
t'aidera la cosmographie établie par ceux qui
ont traité le sujet. Des arts libéraux, la
géométrie, l'arithmétique et la musique, je t'ai
donné le goût quand tu étais encore petit, à
cinq ou six ans : continue et deviens
savant dans tous les domaines de l'astronomie,
mais laisse-moi de côté l'astrologie divinatrice
et l'art de Lulle qui ne sont que tromperies et
futilités. Du droit civil, je veux que tu saches
par cœur tous les beaux textes, et me les
confrontes avec la philosophie. Quant à la
connaissance de la nature, je veux que tu t'y
appliques avec soin : qu'il n'y ait mer, rivière
ou source dont tu ne connaisses les poissons;
tous les oiseaux de l'air, tous les arbres,
arbustes et buissons des forêts, toutes les
herbes de la terre, tous les métaux cachés au
ventre des abîmes, les pierreries de tout
l'Orient et du Midi. Que rien ne te soit
inconnu.
Puis relis soigneusement les
livres des médecins grecs, arabes et latins,
sans mépriser les talmudistes et cabalistes, et,
par de fréquentes dissections, acquiers une
parfaite connaissance de cet autre monde qu'est
l'homme. Et quelques heures par jour, commence à
lire l'Écriture sainte, d'abord en grec le
Nouveau Testament et les Épîtres des Apôtres,
puis en hébreu l'Ancien Testament. En somme, que
je voie en toi un abîme de science : car
maintenant que tu es un homme et te fais grand,
il te faudra sortir de la tranquillité et du
repos de l'étude et apprendre la chevalerie et
les armes pour défendre ma maison et secourir
nos amis dans toutes leurs affaires contre les
assauts des malfaisants. Et je veux que
rapidement tu mettes tes progrès en application,
ce que tu ne pourras mieux faire qu'en soutenant
des discussions publiques sur tous les sujets,
envers et contre tous, et en fréquentant les
gens lettrés, tant à Paris qu'ailleurs.
Mais parce que, selon le sage
Salomon, la sagesse n'entre jamais dans une âme
méchante, et que science sans conscience n'est
que ruine de l'âme, il te faut servir, aimer et
craindre Dieu, et en Lui mettre toutes tes
pensées et tout ton espoir, et, par une foi
faite de charité, t'unir à Lui de manière à n'en
être jamais séparé par le péché. Prends garde
aux tromperies du monde, ne t'adonne pas à des
choses vaines, car cette vie est passagère, mais
la parole de Dieu demeure éternellement. Sois
serviable envers ton prochain, et aime-le comme
toi-même. Respecte tes précepteurs, fuis la
compagnie des gens à qui tu ne veux pas
ressembler, et ne gaspille pas les grâces que
Dieu t'a données. Et quand tu t'apercevras que
tu disposes de tout le savoir que tu peux
acquérir là-bas, reviens vers moi, afin que je
te voie et te donne ma bénédiction avant de
mourir. Mon fils, que la paix et la grâce de
notre Seigneur soient avec toi. Amen.
D'Utopie, le
dix-sept mars,
ton père, Gargantua.
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Questions
:
- L'évocation d'une époque :
dans sa lettre Gargantua souligne les profondes mutations
des temps nouveaux. Recensez-les. Comment se manifeste son
enthousiasme ?
- « Un abîme de science » :
faites l'inventaire des disciplines énumérées par
Gargantua. Comment s'exprime sa volonté de rassembler ici
un savoir encyclopédique ?
- « Science sans conscience
n'est que ruine de l'âme » : montrez que ce savoir ne se
contente pas d'être livresque. En quoi vise-t-il à former
l'âme plus que l'esprit ?
- La finalité de cette
éducation livresque alliée à la pratique est de promouvoir
les capacités humaines et de triompher des vieux
déterminismes qui les jugulaient. Montrez comment se
manifeste cette ambition dans l'hymne au progrès que
constitue le texte suivant :
[Pour dissiper l'hésitation de Panurge
sur le mariage, Pantagruel décide d'aller avec
lui consulter l'oracle de la Dive Bouteille.
Ils font pour cela grande cargaison de
Pantagruélion, herbe magique qui tient à la
fois du chanvre et du lin, dont le narrateur
entonne ici l'éloge sur le registre parodique
du bateleur de foire.]
Et je m'ébahis de ce que l'invention
d'une telle pratique ait été pendant tant de
siècles cachée aux antiques philosophes, étant
donné l'utilité inappréciable qui en provient,
étant donné la fatigue intolérable que les
hommes supporteraient sans elle dans leurs
moulins. Au moyen de cette herbe, puisqu'elle
permet de capter les flots de l'air, les gros
navires de charge, les grands paquebots, les
forts galions, les nefs à mille et dix mille
places, sont arrachés à leur mouillage et
poussés au gré de ceux qui les gouvernent. Par
le moyen de cette herbe, les nations que Nature
semblait tenir cachées, impénétrables et
inconnues, sont venues à nous et nous à elles :
prouesse dont sont incapables les oiseaux,
quelque légèreté de pennage qu'ils possèdent et
quelque liberté de nager dans l'air qui leur
soit baillée par Nature. [...] Si bien que les
Intelligences célestes, les Dieux, aussi bien
marins que terrestres, en ont été tout effrayés,
quand ils virent, par l'usage de ce béni
Pantagruélion, les peuples arctiques parvenus en
vue des Antarctiques, franchir la mer
Atlantique, passer les deux Tropiques, tourner
sous la zone torride, mesurer tout le zodiaque,
s'ébattre sous l'équinoxial, avoir l'un et
l'autre pôle en vue à fleur de leur horizon. En
un semblable bouleversement, les dieux
olympiques ont dit : « Pantagruel nous a plongés
dans des réflexions inouïes, et plus pénibles
que jamais ne firent les géants Aloïdes, par
l'usage et la vertu de son herbe. Il sera marié
sous peu, de sa femme il aura des enfants. À
cette destinée nous ne pouvons contrevenir, car
elle est passée par les mains et fuseaux des
sœurs fatales, filles de Nécessité. Par ses
enfants (c'est bien possible) sera inventée une
herbe de semblable énergie, au moyen de laquelle
les humains pourront visiter les sources des
grêles, les bondes des pluies et les forges des
foudres ; ils pourront envahir les régions de la
Lune, entrer dans le territoire des signes
célestes zodiacaux et y prendre logis, les uns à
l'Aigle d'or, les autres au Mouton, les autres à
la Couronne, les autres à la Harpe, les autres
au Lion d'argent ; s'asseoir à table avec nous,
et prendre pour femmes nos déesses, ce qui est
le seul moyen de devenir des dieux.» Finalement,
ils ont mis en délibération et à l'ordre du jour
la façon d’y remédier et d’y obvier.
Rabelais, Le Tiers Livre, LI
(orthographe modernisée).
|
2. « Un
homme réellement expert et rompu à la pratique »
Avant les rationalistes et les encyclopédistes, les
humanistes ont été soucieux de fonder le savoir sur
l'expérimentation (on pourra utilement comparer le texte
ci-dessous à de Fontenelle). C'est en
autodidacte que le céramiste Bernard Palissy prévient ici
son lecteur, dans un avertissement où l'on pourra
apprécier une profession de foi faite d'humilité et
d'arrogance.
|
Bernard
PALISSY
(1510 env.-1590)
Discours
admirables des eaux et fontaines (1580)
Avertissement
au lecteur.
texte
modernisé
|
Ami lecteur, le désir que j'ai de te faire
profiter de la lecture de ce livre m'a incité à
t'avertir de ceci : garde-toi d'enivrer ton esprit
de sciences écrites en chambre, selon une théorie
imaginaire ou arrachée à quelque livre écrit par
l'imagination de ceux qui n'ont rien pratiqué, et
garde-toi aussi de croire les opinions de ceux qui
disent et soutiennent que la théorie a engendré la
pratique. Ceux qui enseignent une telle doctrine
utilisent un mauvais argument en disant qu'il faut
imaginer et se représenter la chose que l'on veut
faire, avant de mettre la main à sa besogne. Si
l'homme pouvait exécuter tout ce qu'il imagine, je
prendrais leur parti et soutiendrais leur opinion
. Mais tant s'en faut ! Si les choses conçues en
esprit pouvaient s'exécuter, les souffleurs
d'alchimie feraient de bien belles choses et ne
s'amuseraient pas à chercher durant cinquante ans,
comme beaucoup l'ont fait... Si la théorie figurée
dans les esprits des chefs de guerre pouvait
s'exécuter, ils ne perdraient jamais une
bataille...!
J'ose dire, pour confondre ceux qui
soutiennent une telle opinion, qu'ils ne sauraient
faire un soulier, et même pas un talon de chausse,
quand bien même ils auraient à leur disposition
toutes les théories du monde. Je demande à ceux
qui soutiennent cette opinion : quand vous auriez
étudié pendant cinquante ans les livres de
cosmographie et de navigation en mer, et que vous
disposeriez des cartes de toutes les régions,
d'une boussole, du compas et des instruments
astronomiques - voudriez-vous pour autant
entreprendre de conduire un navire par tout pays,
comme le ferait un homme réellement expert et
rompu à la pratique ? Ces gens-là ne s'exposent
pas à de tels dangers, quelque théorie qu'ils
aient apprise. Et quand ils auront bien débattu de
la question, il leur faudra admettre que la
pratique a engendré la théorie.
J'ai mis ce propos en avant, pour clore la
bouche à ceux qui disent : « comment est-il
possible qu'un homme puisse savoir quelque chose,
et parler des phénomènes naturels, sans avoir vu
les livres latins des philosophes ?» Je puis tenir
à bon droit de tels propos, puisque, par la
pratique, je prouve en plusieurs endroits que la
théorie de certains philosophes est fausse, et
même quand il s'agit des plus renommés et des plus
anciens, comme chacun pourra le voir et entendre,
en moins de deux heures, à condition qu'il veuille
prendre la peine de venir voir ma collection. Il y
verra des choses étonnantes, mises pour témoignage
et preuve de mes écrits, disposées en ordre ou sur
des étagères, avec des écriteaux au-dessous, afin
que chacun puisse s'instruire lui-même. Et je puis
t'assurer, lecteur, qu'en bien peu d'heures, voire
dès la première journée, tu apprendras plus de
philosophie naturelle concernant les choses
contenues en ce livre, que tu n'en saurais
apprendre en cinquante ans, en lisant les théories
et opinions des philosophes anciens. Certains
ennemis de la science peuvent bien se moquer des
astrologues, en disant : « où est l'échelle par où
ils sont montés au ciel, pour connaître la
position des astres ?» Mais en ce qui me concerne,
je ne crains pas une telle moquerie, parce qu'en
apportant la preuve de ce que j'écris, je
satisfais la vue, l'ouïe, et le toucher. Les
calomniateurs n'auront donc point de prise sur
moi, comme tu le verras lorsque tu viendras me
voir en ma petite Académie.
Bien te soit.
|
Questions
:
- L'éloge de
la pratique : par quels arguments Palissy
démontre-t-il sa supériorité sur la théorie ? En quoi sa
stratégie est-elle bien fidèle à la thèse qu'il soutient ?
- Le registre
polémique : relevez les procédés par lesquels Palissy
remet en question le principe d'autorité qui, depuis le
Moyen Âge, fortifiait une croyance aveugle dans le savoir
livresque.
- Un souci
pédagogique : montrez l'intérêt des « collections »
évoquées par l'auteur pour « satisfaire la vue, l'ouïe et
le toucher ».
3. « Ne
viser qu'au bien général »
Avant les philosophes, les humanistes ont eu une vocation
pour conseiller les Princes (Machiavel, Thomas More,
Erasme). Pacifistes, c'est au nom de la raison qu'ils
imaginent une cité idéale où le monarque, loin des
artifices de la Cour, manifesterait la vertu politique qui
le rendrait garant du bien public. « On ne naît pas homme,
on le devient », écrit Erasme (De pueris instituendis,
1519), signifiant par là l'importance d'une éducation qui
arracherait les hommes aux déterminismes naturels et les
rendrait dignes du gouvernement le plus vertueux.
Didier
ERASME
(1469 env.-1536)
Éloge de la Folie, LV (1511)
[Dans ce traité, le philosophe hollandais
utilise une prosopopée
qui donne la parole à la Folie. On
n'oubliera pas que c'est elle qui s'exprime
dans ce faux éloge qui condamne la superbe et
la corruption des princes.]
|
|
Depuis
longtemps, je désirais vous parler des Rois et
des Princes de cour; eux, du moins, avec la
franchise qui sied à des hommes libres, me
rendent un culte sincère.
À vrai dire, s'ils avaient le
moindre bon sens, quelle vie serait plus triste
que la leur et plus à fuir ? Personne ne
voudrait payer la couronne du prix d'un parjure
ou d'un parricide, si l'on réfléchissait au
poids du fardeau que s'impose celui qui veut
vraiment gouverner. Dès qu'il a pris le pouvoir,
il ne doit plus penser qu'aux affaires
politiques et non aux siennes, ne viser qu'au
bien général, ne pas s'écarter d'un pouce de
l'observation des lois qu'il a promulguées et
qu'il fait exécuter, exiger l'intégrité de
chacun dans l'administration et les
magistratures. Tous les regards se tournent vers
lui, car il peut être, par ses vertus, l'astre
bienfaisant qui assure le salut des hommes ou la
comète mortelle qui leur apporte le désastre.
Les vices des autres n'ont pas autant
d'importance et leur influence ne s'étend pas si
loin; mais le Prince occupe un tel rang que ses
moindres défaillances répandent le mauvais
exemple universel. Favorisé par la fortune, il
est entouré de toutes les séductions; parmi les
plaisirs, l'indépendance, l'adulation, le luxe,
il a bien des efforts à faire, bien des soins à
prendre, pour ne point se tromper sur son devoir
et n'y jamais manquer. Enfin, vivant au milieu
des embûches, des haines, des dangers, et
toujours en crainte, il sent au-dessus de sa
tête le Roi véritable, qui ne tardera pas à lui
demander compte de la moindre faute, et sera
d'autant plus sévère pour lui qu'il aura exercé
un pouvoir plus grand.
En vérité, si les princes se
voyaient dans cette situation, ce qu'ils
feraient s'ils étaient sages, ils ne pourraient,
je pense, goûter en paix ni le sommeil, ni la
table. C'est alors que j'apporte mon bienfait :
ils laissent aux Dieux l'arrangement des
affaires, mènent une vie de mollesse et ne
veulent écouter que ceux qui savent leur parler
agréablement et chasser tout souci des âmes. Ils
croient remplir pleinement la fonction royale,
s'ils vont assidûment à la chasse, entretiennent
de beaux chevaux, trafiquent à leur gré des
magistratures et des commandements, inventent
chaque jour de nouvelles manières de faire
absorber par leur fisc la fortune des citoyens,
découvrent les prétextes habiles qui couvriront
d'un semblant de justice la pire iniquité. Ils y
joignent, pour se les attacher, quelques
flatteries aux masses populaires.
Représentez-vous maintenant le
Prince tel qu'il est fréquemment. Il ignore les
lois, est assez hostile au bien général, car il
n'envisage que le sien; il s'adonne aux
plaisirs, hait le savoir, l'indépendance et la
vérité, se moque du salut public et n'a d'autres
règles que ses convoitises et son égoïsme.
Donnez-lui le collier d'or, symbole de la
réunion de toutes les vertus, la couronne ornée
de pierres fines, pour l'avertir de l'emporter
sur tous par un ensemble de vertus héroïques;
ajoutez-y le sceptre, emblème de la justice et
d'une âme incorruptible, enfin la pourpre, qui
signifie le parfait dévouement à l'État. Un
prince qui saurait comparer sa conduite à ces
insignes de sa fonction, rougirait, ce me
semble, d'en être revêtu et redouterait qu'un
malicieux interprète ne vînt tourner en dérision
tout cet attirail de théâtre.
|
Questions
:
- « C'est
alors que j'apporte mon bienfait » : quelles sont ces
consolations apportées par la Folie ? Quels autres noms
donner à celle-ci si l'on pense à la condition des rois
(pensez à la formule de Pascal : « Un roi sans
divertissement est un homme plein de misères ») ?
- La satire :
quelles accusations essentielles condamnent l'exercice
futile et corrompu de la monarchie ? Quels en sont les
principaux procédés littéraires ?
- Le monarque
idéal : après en avoir rapidement brossé le portrait, tel
qu'il se dégage implicitement ou explicitement de ce
texte, vous pourrez le rapprocher de l'idéal philosophique
du despote éclairé (cf. par exemple le chapitre XVIII du Candide
de Voltaire, ou l'article » de l'Encyclopédie de
Diderot).
4.
L'humanisme en question
La foi humaniste s'épanouit en dépit de l'héliocentrisme
de Copernic, qui retire à l'homme son rang de créature
élue dans l'univers. Mais le déchaînement de la barbarie
au Nouveau Monde et plus encore celle des guerres de
religion ne manquent pas de la nuancer. Montaigne, avant
les autres, confie son scepticisme à l'égard de la raison
humaine : « Est-il possible de rien imaginer
d'aussi ridicule que cette misérable et chétive créature,
qui n'est pas seulement maîtresse de soi, exposée aux
offenses de toutes choses, se dise maîtresse et
impératrice de l'univers, duquel il n'est pas en sa
puissance de connaître la moindre partie, tant s'en faut
de la commander ? ».
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Michel
de MONTAIGNE
(1533-1592)
Essais,
II, 12, Apologie de Raimond Sebond (1580)
[A
la demande de son père, Montaigne avait
traduit la Théologie naturelle du
philosophe catalan Raimond Sebond. Il compose
ici (peut-être sur l'invitation de Marguerite
de Valois) une bien curieuse Apologie qui, par
le scepticisme qu'elle manifeste, bat en
brèche les idées de l'auteur qu'elle doit
défendre : quand ce dernier établit l'homme en
souverain de la création, Montaigne accumule
en une cascade d'exemples autant de signes
évidents de l'insuffisance de la raison
humaine.]
texte
original / texte modernisé (transcription
: Guy de Pernon).
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Qu'on loge un philosophe dans une cage de menus
filets de fer cler-semez, qui soit suspendue au
haut des tours nostre Dame de Paris, il verra
par raison evidante qu'il est impossible qu'il
en tombe, et si, ne se sçauroit garder (s'il n'a
accoustumé le mestier des recouvreurs) que la
veuë de cette hauteur extreme ne l'espouvanté et
ne le transisse. Car nous avons assez affaire de
nous asseurer aux galeries qui sont en nos
clochiers, si elles sont façonnées à jour,
encores qu'elles soyent de pierre. Il yen a qui
n'en peuvent pas seulement porter la pensée.
Qu'on jette une poutre entre ces deux tours,
d'une grosseur telle qu'il nous la faut à nous
promener dessus : il n'y a sagesse philosophique
de si grande fermeté qui puisse nous donner
courage d'y marcher comme nous le ferions, si
elle estoit à terre. J'ay souvent essayé cela en
nos montaignes de deça (et si suis de ceux qui
ne s'effrayent que mediocrement de telles
choses) que je ne pouvoy souffrir la veuë de
cette profondeur infinie sans horreur et
tramblement de jarrets et de cuisses, encores
qu'il s'en fallut bien ma longueur que je ne
fusse du tout au bort, et n'eusse sçeu choir si
je ne me fusse porté à escient au dangier. J'y
remerquay aussi, quelque hauteur qu'il y eust,
pourveu qu'en cette pente il s'y presentast un
arbre ou bosse de rochier pour soustenir un peu
la veuë et la diviser, que cela nous allege et
donne asseurance, comme si c'estoit chose dequoy
à la cheute nous peussions recevoir secours;
mais que les precipices coupez et uniz,
nous ne les pouvons pas seulement regarder sans
tournoyement de teste : « ut despici sine
vertigine simul oculorum animique non possit »
; qui est une evidente imposture de la veuë. Ce
beau philosophe se creva les yeux pour
descharger l'ame de la desbauche qu'elle en
recevoit, et pouvoir philosopher plus en
liberté. Mais, à ce conte, il se devoit aussi
faire estouper les oreilles, que Theophrastus
dict estre le plus dangereux instrument que nous
ayons pour recevoir des impressions violentes à
nous troubler et changer, et se devoit priver en
fin de tous les autres sens, c'est à dire de son
estre et de sa vie. Car ils ont tous cette
puissance de commander nostre discours et nostre
ame. « Fit etiam sape specie quadam, sape
vacum gravita te et cantibus, ut pellantur
animi vehementius , sape etiam cura
et timare ». Les medecins tiennent qu'il
y a certaines complexions qui s'agitent par
aucuns sons et instrumens jusques à la fureur.
J'en ay veu qui ne pouvoient ouyr ronger un os
soubs leur table sans perdre patience; et n'est
guiere homme qui ne se trouble à ce bruit aigre
et poignant que font les limes en raclant le
fer; comme, à ouyr mascher prez de nous, ou ouyr
parler quelqu'un qui ait le passage du gosier ou
du nez empesché, plusieurs s'en esmeuvent
jusques à la colere et la haine. Ce flusteur
protocole de Gracchus, qui amollissoit,
roidissoit, et contournoit la voix de son
maistre, lors qu'il haranguoit à Rome, à quoy
servoit il, si le mouvement et qualité du son,
n'avoit force à esmouvoir et alterer le jugement
des auditeurs ? Vrayement il y a bien de quoy
faire si grande feste de la fermeté de cette
belle piece, qui se laisse manier et changer au
branle et accidens d'un si leger vent !
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Qu’on place un philosophe dans une cage faite de
fil de fer fin à larges mailles et qu’on la
suspende en haut des tours de Notre-Dame de
Paris : notre homme sera bien obligé d’admettre
qu’il ne risque pas de tomber, et pourtant il ne
pourra empêcher (sauf s’il est habitué au métier
de couvreur) que la vue de la hauteur extrême à
laquelle il se trouve ne l’épouvante et ne le
fasse frissonner. Et nous sommes assez soucieux
de nous rassurer sur les galeries de nos
clochers, quand elles sont ajourées, et pourtant
elles sont en pierre. Il y a des gens qui ne
peuvent même pas supporter d’y penser ! Qu’on
jette entre ces deux tours une grosse poutre,
suffisamment large pour que nous puissions nous
y promener : il n’y a aucune sagesse
philosophique qui soit assez forte pour nous
donner le courage d’y marcher, comme nous le
ferions si elle était à terre. J’ai souvent fait
cette expérience dans nos montagnes; et quoique
étant de ceux qui ne s’effraient guère de ces
choses-là, je ne pouvais supporter la vue de ces
profondeurs infinies sans horreur ni sans
ressentir des tremblements dans les cuisses et
dans les jarrets. Et pourtant je me tenais à
bonne distance du bord, au moins de ma propre
taille, et je ne risquais pas de tomber, sauf à
me porter délibérément au-devant du danger. J’ai
remarqué aussi que, quelle que soit la hauteur,
si sur la pente il se présente un arbre, ou une
bosse de rocher, à quoi la vue puisse
s’accrocher, et comme se diviser, cela nous
soulage et nous donne de l’assurance; comme si
c’était là quelque chose dont nous puissions
attendre quelque secours en cas de chute ! Mais
les précipices abrupts et sans aspérités, nous
ne pouvons même pas les regarder sans que la
tête nous tourne : « Si bien que l’on ne
peut regarder vers le bas sans que les yeux et
l’esprit soient saisi de vertige1»
). Et c’est pourtant là une tromperie évidente
due à notre vue. C’est pourquoi d’ailleurs ce
grand philosophese
creva les yeux pour décharger son âme de la
distraction qu’elle lui procurait, et pouvoir
philosopher plus librement.
Mais à ce compte-là, il aurait pu se
faire aussi couper les oreilles, que Théophraste
considère comme le plus dangereux instrument que
nous ayons pour recevoir des impressions
violentes et propres à nous troubler et nous
changer; et pour finir, il aurait dû se priver
de tous les autres sens, c’est-à-dire de son
être et de sa vie. Car ils ont tous cette
aptitude à diriger notre raisonnement et notre
âme. « Il arrive souvent que les esprits
soient troublés par un certain aspect, par la
gravité des voix, par les chants; et même par
un souci ou une crainte2.»
Les médecins disent qu’il y a des tempéraments
que certains sons et certains instruments
excitent jusqu’à la folie furieuse. J’en ai vu
qui ne pouvaient supporter d’entendre ronger un
os sous leur table sans perdre patience; et il
n’est quasiment personne qui ne soit troublé par
ce bruit aigre et agaçant que font les limes en
raclant du fer. De même lorsqu’on entend
quelqu’un mâcher tout près de soi, ou parler
avec le gosier obstrué ou le nez bouché:
nombreux sont ceux qui en sont gênés, au point
d’en ressentir de la colère ou de la haine. Le
fameux joueur de flûte de Gracchus, qui lui
servait de souffleur, et qui adoucissait,
renforçait et modulait la voix de son maître
quand il faisait ses discours à Rome, à quoi
eût-il servi si le mouvement et la qualité du
son n’avait quelque capacité à émouvoir et
modifier le jugement des auditeurs ? En vérité,
il n’y a pas de quoi louer la fermeté d’un si
bel organe
qui se laisse manipuler et modifier par les
variations d’un aussi faible vent !
1.
Tite-Live, XLIV, 6.
2. Cicéron, De divinatione, I, 37.
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Questions :
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Reformulez
en une phrase la thèse de Montaigne.
-
Le
recours à l'apologue et à l'exemple personnel : montrez
que Montaigne le privilégie sur le raisonnement
abstrait. Pourquoi ?
-
Commentez
la dernière phrase. Faut-il conclure au pessimisme de
Montaigne (cf. la phrase suivante, qui peut éclairer son
vrai projet : « [L'homme]
s'élèvera si Dieu lui prête extraordinairement la
main; il s'élèvera abandonnant et renonçant à ses
propres moyens, et se laissant hausser et soulever par
les moyens purement célestes »).
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