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SOMMAIRE
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La paix n'est pas l'absence de guerre, c'est une vertu, un état d'esprit,
une volonté de bienveillance, de confiance, de justice. (Baruch Spinoza).
Inscrite dans les rêves des hommes et au panthéon de
leurs valeurs, la paix, pourtant, ne jouit pas autant que la guerre des faveurs
des idéologues. Tout se passe en effet comme si on considérait la paix comme une
absence de guerre (« la paix règne quand le commerce entre les nations ne comporte
pas les formes militaires de la lutte » écrit, par exemple, Raymond Aron dans
Paix
et guerre entre les nations, 1962). Les dictionnaires - et d'abord l'Encyclopédie de
Diderot - signalent bien cette impossibilité où nous nous trouvons de cerner la paix
autrement que par la guerre :
paix [pè] n. f.
fin Xe pais; lat. pax, pacis
(de pangere
: fixer, établir, conclure un pacte).
I-
1. Rapports entre personnes qui ne sont pas en
conflit, en querelle. Þ
accord, concorde, entente. Avoir la paix chez soi. Faire la paix :
se
réconcilier. Þ
conciliation, réconciliation.
2. Rapports calmes entre citoyens; absence de troubles, de violences.
La
justice doit faire régner la paix. Hist. Paix romaine (« pax
romana »), que faisait régner la civilisation romaine.
II- (Opposé à
guerre)
1. Situation d'une nation, d'un État qui n'est pas en
guerre; rapports entre États qui jouissent de cette situation.
En temps de paix. Aimer la paix (Þ pacifique). Militer pour la
paix (Þ pacifiste).
Loc. prov. Si tu veux la paix, prépare la guerre. Le rameau
d'olivier, symbole de la paix. La colombe de la paix. Prix Nobel de la paix. Paix
mondiale, universelle. Pays qui reste en paix dans un conflit.
Þ neutralité.
Volonté de paix.
Ramener la paix (Þ
pacifier).
2. Traité
de paix, et ellipt paix : traité entre belligérants qui fait cesser
l'état de guerre. Faire la paix. Faire des propositions de paix. Calumet*
de la paix. Pourparlers de paix. Þ armistice, trêve.
Traiter, conclure, ratifier,
signer la paix. Paix d'Utrecht, de Westphalie. La paix des
braves : paix honorable pour les vaincus qui se sont battus courageusement.
Paix
forcée, imposée (Þ
diktat).
III-
1. État d'une personne que rien ne vient troubler.
Þ repos, tranquillité.. Laisser
la paix à qqn.
2. État de
l'âme qui n'est troublée par aucun conflit, aucune inquiétude.
Þ calme, quiétude, tranquillité
(d'esprit). Goûter une paix profonde. Avoir la conscience en paix,
tranquille. à Relig.
La
paix du Seigneur, celle que Dieu apporte aux chrétiens. La paix soit avec vous! La
paix éternelle, qu'on trouve après la mort. (En parlant d'un défunt) Qu'il repose en paix. Paix à ses cendres!
Paix
sur la terre aux hommes de bonne volonté.
3. État, caractère d'un lieu, d'un moment où il n'y
a ni agitation ni bruit. Þ calme, tranquillité. La paix des champs, des bois,
d'une maison.
CONTR.
Conflit, dispute, querelle; trouble,
violence. Guerre.
Agitation, inquiétude.
SYN. du grec eirene, cf. irénisme, attitude visant à favoriser la bonne entente (Rel.).
© Petit Robert |
La philosophie elle-même tient sur la paix des discours
contradictoires dans lesquels la guerre semble un terrain plus fertile. L'ataraxie des
Stoïciens se définit, par exemple, comme une « absence de troubles » et place plutôt
l'énergie de la recherche philosophique dans le combat dont elle est le prix. Plus
encore, la paix a contre elle un silence satisfait qui fait dire à Spinoza : «
Quelquefois,
il arrive qu'une nation conserve la paix à la faveur seulement de l'apathie des sujets,
menés comme du bétail et inaptes à s'assimiler quelque rôle que ce soit sinon celui
d'esclave. Cependant, un pays de ce genre devrait plutôt porter le nom de désert, que de
nation ! » (Traité de l'autorité politique, V, § 5). Au contraire, la
guerre se voit parfois considérée comme un état quasi naturel où l'homme manifeste,
certes, ses pulsions d'agressivité et d'autodestruction, mais où il puise et épanouit
aussi ses qualités majeures. C'est la guerre, assure-t-on, et non la paix, qui est
créatrice des valeurs d'ordre et de justice. En effet, létablissement du droit
suppose nécessairement lexercice dune souveraineté dans un espace
géographique concret : lautonomie et la souveraineté saccomplissent aussi
dans la vie matérielle des hommes, ce qui implique le contrôle des ressources
économiques. Dès lors, lexercice de la souveraineté politique ne peut éviter la
guerre comme moyen de défense collective, comme outil de conquête, mais aussi comme
instrument de libération. On se souvient des propos de Nietzsche : « En attendant
nous ne connaissons pas d'autre moyen qui puisse rendre aux peuples fatigués cette rude
énergie du champ de bataille, cette profonde haine impersonnelle, ce sang-froid dans le
meurtre uni à une bonne conscience, cette ardeur commune organisatrice dans
l'anéantissement de l'ennemi... que ne fait n'importe quelle grande guerre.» (Humain
trop humain, § 477). Est-ce à dire qu'il est impossible de cerner le concept
philosophique de la paix ? Il n'en est rien sans doute, mais il est difficile de penser la
paix indépendamment de la guerre (« la paix démontre et confirme la guerre; la
guerre à son tour est une revendication de la paix » écrit P. J. Proudhon,
La
Guerre et la Paix, 1861), au point que l'on puisse raisonnablement mener des
guerres pour garantir la paix. C'est ainsi dans un esprit pacifiste que l'Église
catholique inspire et finance les « guerres saintes », et la fameuse «
Trêve de Dieu » (Xe siècle) correspond davantage à la
volonté de modérer les excès des guerres que de les abolir. Au XVIIIe siècle,
les spéculations d'Emmanuel Kant (Projet de paix perpétuelle, 1795) ou de l'abbé de Saint-Pierre (Projet pour rendre la paix perpétuelle en
Europe, 1713) ouvrent la voie à une réflexion plus générale : le projet
kantien est avant tout une réflexion pour sortir les États de leur état de nature
(celui de leurs conflits perpétuels) par l'idéal cosmopolitique de la paix universelle.
Mais ces thèses ont paru utopiques et les hommes politiques ne s'expriment pas sur
le sujet, craignant précisément de passer pour naïfs (on lira à ce propos les
ricanements qu'inspire à Voltaire
le commentaire enthousiaste du projet de l'abbé de Saint-Pierre par Rousseau). Est-ce donc faire
preuve de plus de réalisme que de douter de l'établissement définitif de la paix ?
Celle-là même, il est vrai, que nous croyons vivre aujourd'hui en labsence de
guerre ouverte est, en fait, une modalité particulière de conflit, où la rivalité
sexerce essentiellement dans le champ économique. Car pouvons-nous nous dégager de
la nature essentiellement conflictuelle du système social ?
Pourtant, si, de fait, l'Histoire humaine se confond avec celle des guerres, la
quête de la paix est inscrite dans la trame souterraine qui traverse les siècles et y
fait valoir les mêmes exigences. La paix apparaît en effet comme un état
essentiellement instable qui ne s'étend jamais simultanément à l'ensemble des pays.
C'est dans l'effort pour la maintenir ou la conquérir plus durablement - le courage dont
nous entretient Jaurès, la « longue
défiance des passions » appelée par
Alain - que la philosophie trouve sa place : «
Pour mériter la
paix il ne suffit pas de ne pas désirer la guerre. La véritable paix suppose un
courage qui dépasse celui de la guerre: elle est activité créatrice, énergie
spirituelle.» (E. Jünger, La Paix). La paix n'exclut donc pas les
rivalités, les luttes et les conflits. Dans ses réflexions sur l'amitié,
Aristote définissait ainsi la concorde comme un équilibre auquel doivent sans
cesse veiller les hommes de bien, attentifs à ce que jamais l'intérêt
particulier ne vienne à l'emporter sur l'intérêt général. Dans ces conditions,
la paix devient un sujet de réflexion spécifique, source véritable du droit :
l'innovation pacifiste consiste à penser la paix en soi, indépendamment de son
support politique et non plus sur la base de traités consignant un rapport de
forces. Faut-il donc établir un archétype de la paix ou continuer de la positionner
vis-à-vis de la guerre ? Les œuvres, au fil de notre problématique, nous aideront
à répondre à la question et à donner peut-être du sens à cette « existence
apaisée » qu'Herbert Marcuse assigne à l'homme comme fin dans l'Histoire.
Ailleurs :
- Des sites qui se consacrent
à ce programme :
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