Ce n'est pas de
leur intrigue que les Lettres persanes tirent
leur originalité. Celle-ci est fort simple : deux Persans,
Usbek et Rica, arrivent à Paris et communiquent leurs
impressions à des compatriotes. Ils reçoivent aussi d'eux
des nouvelles de leur pays. Les seuls incidents ou
retournements de situation sont d'ailleurs le fait d'une
sorte de roman enchâssé : Usbek reçoit de son sérail une
quarantaine de lettres qui l'avisent d'une révolte des
femmes et du suicide de la favorite Roxane.
C'est donc la composition qui donne au roman tout
son prix. La forme épistolaire d'abord :
l'échange des lettres multiplie les points de vue,
relativise les jugements émis par les personnages ou les
infirme malignement par la conduite des faits. Leur
psychologie reste aussi évolutive, puisque ces lettres
s'échelonnent sur une huitaine d'années (1712 à 1720) : le
narrateur peut tour à tour transparaître dans chacune
d'elles ou brouiller les pistes en laissant aux
personnages la totale responsabilité de leurs propos. Il
appartiendra d'ailleurs à notre projet de lecture de
déterminer la place du philosophe dans cet écheveau et
d'établir les leçons morales qui ne manquent pas de se
dégager des nombreux apologues.
Les Lettres Persanes constituent aussi un
roman du sérail. Le genre, exotique et
licencieux, était fort à la mode. Mais Montesquieu ne
s'est pas contenté d'en reprendre les motifs pour de
simples raisons tactiques. Si les lettres qui arrivent du
harem d'Usbek rachètent par leur parfum le contenu parfois
aride des autres échanges, elles n'en constituent pas
moins une facette irremplaçable de la réflexion
philosophique, à propos notamment de la condition féminine
mais aussi des contradictions qu'elles révèlent chez
Usbek, pris entre son désir de tolérance et ses réflexes
phallocratiques.
Enfin le roman vaut par son procédé,
que Paul Valéry a nettement formulé : « Entrer
chez les gens pour déconcerter leurs idées, leur faire
la surprise d'être surpris de ce qu'ils font, de ce
qu'ils pensent, et qu'ils n'ont jamais conçu différent,
c'est, au moyen de l'ingénuité feinte ou réelle, donner
à ressentir toute la relativité d'une civilisation,
d'une confiance habituelle dans l'ordre établi.» (Variété
II). Ces vertus du «regard étranger» sur nos mœurs,
Montesquieu en avait déjà un exemple dans le chapitre Des
Cannibales
des Essais de Montaigne, mais il exploite
jusqu'au bout cette naïveté :
-
l'étonnement d'Usbek
et de Rica déshabille les coutumes de leur allure
absolue et fait éclater les différences. Le narrateur
n'oublie jamais l'identité des épistoliers (voir
L'art
de la lettre )
afin de jouer mieux de cette fausse ingénuité :
l'indignation vertueuse d'Usbek la colore en effet
d'une autre manière que la malice de Rica. Il arrive
aussi que l'éloge entonné par un des deux Persans
résonne pour nous d'une manière très différente : ainsi
les vertus qu'Usbek apprécie chez Louis XIV (lettre
XXXVII) correspondent à des valeurs orientales où
l'Occidental ne percevra qu'absolutisme, arbitraire et
goût du paraître.
-
le "regard persan"
favorise ainsi l'ironie à l'égard de coutumes décrites
d'un autre point de vue : les périphrases et les
italiques aiguisent la satire car elles obligent à
redéfinir platement les choses et les désacralisent; le
vocabulaire persan appliqué à des valeurs occidentales
ridiculise leur ethnocentrisme. A la surprise manifestée
par les Persans répond d'ailleurs un autre étonnement :
celui des Parisiens, condensé par la formule célèbre de
la lettre XXX « Comment peut-on être Persan ? »
LE VOYAGE D'USBEK ET RICA
Il n'est pas
toujours facile de déterminer une structure dans ce roman
où l'échange épistolaire passe rapidement d'un sujet à un
autre. Nous proposons toutefois une succession de
séquences organisées autour de thèmes dominants, auxquels
nous consacrons successivement une brève notice.
I-X
Présentation des personnages - Les motifs du voyage.
Les premières lettres
veulent d'abord donner la couleur locale
nécessaire : datation, itinéraire, mais aussi notations
orientales et érotiques sur la vie au harem qui permettent
de laisser transparaître cette misogynie d'Usbek sur
laquelle nous aurons à revenir. L'impression donnée par ce
mélange de registres et de préoccupations est bien celle à
quoi Montesquieu nous a préparés dans ses "quelques
réflexions préliminaires", nous prévenant d'un roman par
lettres « où les sujets qu'on traite ne sont
dépendants d'aucun dessein ou d'aucun plan déjà formé
», où « l'auteur s'est donné l'avantage de pouvoir joindre
de la philosophie, de la politique et de la morale à
un roman. » Si ces réflexions
préliminaires nous préparent à la satire, il n'en est ici
encore aucune trace. On se souviendra néanmoins des
précautions prises par l'auteur : son souci de
différencier l'étonnement des Persans et l'idée d'examen
ou de critique s'ajoute à sa volonté d'authentifier ces
lettres et de se présenter comme un simple traducteur.
Artifice bien connu de l'époque par lequel Montesquieu
prévient les accusations de légèreté ou d'invraisemblance
et excuse l'audace de la satire.
XI
- XIV
Histoire des Troglodytes.
Voici le premier apologue. La
narration s'étale sur quatre lettres, ce qui permet de
l'émailler d'un discours où le philosophe pose et illustre
la notion fondamentale de vertu : « l'intérêt des
particuliers se trouve toujours dans l'intérêt commun ». A
la critique sévère des méchants Troglodytes, tout dominés
par leurs passions égoïstes, peut donc succéder le tableau
patriarcal des familles vertueuses qui ont
survécu aux discordes. Nous donnons une lecture analytique
de cette lettre
XII ,
à laquelle on se reportera non sans avoir en mémoire ces
mots de Jean Starobinski : « L'Utopie n'aura pas
lieu, elle est derrière nous ». Mais pour établir
la nature exacte de l'idéal de Montesquieu et dissiper la
fausse impression d'archaïsme et de nostalgie
pré-rousseauiste que pourrait donner cette lettre, nous la
comparons avec la lettre
CVI ,
tout imprégnée des Lumières.
XV
- XXIII
Jusqu'à Paris.
Ces
lettres cernent mieux encore le personnage d'Usbek :
parti « chercher la sagesse », il est aussi friand d'une
autre lumière que la «lumière orientale». La lettre XVI
fait acte d'allégeance à l'égard du mollak Méhemet-Ali,
mais la suivante fait état de « doutes ». Ici se devine le
philosophe de la relativité des mœurs : dans la simple
affirmation du droit pour chacun de suivre l'appréciation
de ses sens, n'y a-t-il pas de quoi renverser « les points
fondamentaux de la Loi » ? Le « serviteur des prophètes »
ne sait répondre aux doutes d'Usbek que par la fable et on
devine déjà le sourire de Montesquieu. Mais dans les
lettres suivantes, les démêlés d'Usbek avec son sérail
établissent ce paradoxe intenable
où s'enferme le personnage : peut-on mettre en cause par
le doute certains aspects de la Loi et se conduire en
sultan tyrannique, en d'autre termes n'en appeler à la
doctrine que quand elle conforte son orgueil de mâle ?
XXIV
- XLVI
Curiosités parisiennes.
Ce machisme d'Usbek éclate
encore ici : où nous voyons liberté, il voit licence, et
pudeur où nous voyons esclavage. Cet éloge de l'innocence
et ce souci farouche de préserver la femme de toute
impureté ne valorisent que le « nous » impérieux de la
gent masculine. Mais Usbek confie aussi des doutes, des suspensions
de jugement qui humanisent le personnage, même
si ses contradictions lui échappent. Ainsi la lettre XXXV
obéit à un autre but que celui avoué : Usbek croit trouver
chez les Chrétiens des « semences de ses dogmes » et se
félicite qu'un jour la lumière mahométane les illuminera.
Mais, « voyant partout le Mahométisme » sans jamais le
trouver, il fourbit des armes contre sa prétendue
universalité et contribue à mettre toutes les religions à
plat, dans la même facticité. Tout au long de cette
section, Usbek semble ainsi en route vers une sagesse
moyenne, difficilement conquise sur ses doutes.
Nous lui préférons souvent Rica, dont les
lettres marquent une curiosité plus vive pour les mœurs et
la « vivacité d'un esprit qui saisit tout avec promptitude
», comme le note Usbek. Ses lettres, émaillées de
périphrases et d'italiques, donnent un bon exemple du «
regard persan » qui, faussement naïf, déplace
le point de vue et fait éclater la satire sociale et
religieuse (voir notre lecture de la lettre
XXIX ).
L'œil de Rica est d'ailleurs plus redoutable de se limiter
pour l'instant aux manières et aux mines qu'il dénonce
dans la comédie sociale : la célèbre
lettre XXX donne une juste idée de ces coteries mondaines
et superficielles où Rica perçoit autant la badauderie et
l'engouement que cet ethnocentrisme naïf qui avoue son
impuissance à sortir de lui-même (« Comment peut-on
être Persan ? »). Dans l'analyse des mécanismes
de l'autorité royale, Rica laisse souvent
transparaître Montesquieu, qui fait écho, par exemple, au
Discours de la servitude volontaire de La Boétie,
où celui-ci s'étonnait que tant de sujets obéissent sans
se révolter : « Le roi de France est le plus puissant
prince de l’Europe. Il n’a point de mines d’or comme le
roi d’Espagne son voisin; mais il a plus de richesses
que lui, parce qu’il les tire de la vanité de ses
sujets, plus inépuisable que les mines. [...]
D’ailleurs ce roi est un grand magicien : il exerce son
empire sur l’esprit même de ses sujets; il les fait
penser comme il veut. » (lettre XXIV).
Néanmoins, Rica semble ici de plus en plus gagné,
sinon par l'Occident (« J'ai pris le goût de ce
pays-ci »), à tout le moins par le doute, notamment
à l'égard de l'infériorité naturelle des femmes tant
proclamée par l'Islam. Parallèlement, cette section donne
à lire les lettres de Rhédi, resté à Venise, qui
s'instruit et s'applique aux sciences. Son éloge du
rationalisme (« Je sors des nuages qui couvraient mes
yeux ») paraît plus radical que celui d'Usbek,
malgré la réflexion qui échappe à ce dernier : « La
Loi, faite pour nous rendre plus justes, ne sert souvent
qu'à nous rendre plus coupables » (lettre XXXIII).
XLVII - LXVIII
Inventaire de l'Occident.
Cet inventaire commence
par une galerie de portraits qui dénonce les mensonges
de la vie sociale : « Les gens qu'on dit
être de si bonne compagnie ne sont souvent que ceux dont
les vices sont les plus raffinés », note Usbek,
trouvant à la fin de la lettre XLVIII un style tout
oriental pour envelopper d'opprobre la corruption des
mœurs : mensonges des femmes, mensonges des prêtres, mais
de quelle vérité le personnage est-il en quête ? C'est au
moment où l'eunuque de son sérail l'invite à exercer son
autorité que lui parvient un deuxième apologue, l'Histoire
d'Asphéridon et Astarté, où Usbek lira la chronique
d'un bonheur enfin conquis malgré une liaison
contre-nature... De Russie, par le point de vue de Nargum,
arrivent d'autres portraits, d'autres nouvelles de la
condition des femmes, si bien que ce défilé de mœurs
hétéroclites finit par faire songer à celui de Montaigne
dans le chapitre
XXIII
du premier livre des Essais : «
les lois de la conscience, que nous disons naître de
nature, naissent de la coutume...» Ce
relativisme paraît encore plus radical chez
Rica parce que, comme Montaigne, il l'étend à l'homme
lui-même, perdu et misérable dans l'univers (lettre LIX).
A travers son style nerveux, Paris, « ville enchanteresse
», donne plus que chez Usbek l'impression d'un monde
grouillant, corrompu et fou.
LXIX
- XCI
A la recherche d'un État harmonieux.
On ne sait
trop qui écouter ni croire dans beaucoup de lettres de
cette section : Usbek y paraît plus déchiré que jamais
entre son scepticisme et son allégeance
à l'Islam. « Vérité dans un temps, erreur dans un
autre » (lettre LXXV), clame le philosophe, mais
ses protestations de tolérance n'excluent pas le
sectarisme. Au-delà d'Usbek, c'est le philosophe des
Lumières qui exprime la relativité des lois humaines et
substitue l'ordre de la nature à celui de la Providence.
C'est lui qui dénonce à nouveau l'extrême facticité des
valeurs en imaginant et parodiant ce que pourraient être
des « Lettres espagnoles » (lettre LXXVIII); c'est lui,
plus qu'Usbek, qui, soucieux de raison, définit le
meilleur gouvernement comme celui qui sait se maintenir
dans ses bornes et se manifeste par la douceur (lettre
LXXX). Le philosophe déiste manifeste un optimisme
raisonnable et exprime sa confiance en une
Justice éternelle fondée sur un rapport de convenance
(lettre LXXXIII). Des guerres de religion, il tire une
défiance universelle contre cet « esprit de vertige »,
cette « éclipse entière de la raison humaine » qu'est le
fanatisme : il nous est difficile, tant cette aversion
touche aussi bien les Chrétiens que les Mahométans, d'y
reconnaître le seul Usbek.
XCII
- CXI
Où l'on découvre le modèle anglais.
Cette section
est la plus nettement politique : elle coïncide
avec les débuts de la Régence, où s'affaiblissent
le pouvoir royal et celui des Parlements : « Le
monarque qui a si longtemps régné n’est plus »,
annonce Usbek à Rhédi le 4 septembre 1715 (lettre
XCII). C'est encore Usbek qui domine l'échange
épistolaire, manifestant plus encore ses
contradictions. Les premières lettres nous le
montrent en quête d'une sorte de droit
international qui remédierait à la confusion des
pouvoirs et, au nom d'un code naturel,
pourrait légiférer à propos de la guerre comme de
tous les autres actes de justice et éviterait la
surabondance des lois comme des critères qui les
commandent. Les lettres suivantes révèlent son
enthousiasme à l'égard des « lois générales,
immuables, éternelles » de la science (lettre
XCVII); les dernières développent les critiques
les plus subversives à l'égard du despotisme et
finissent par rêver au modèle
constitutionnel anglais qui assurerait
l'équilibre des pouvoirs et limiterait l'autorité
de ces monarques qui « sont comme le soleil »
(lettre CII). Mais à cette ouverture, à cette
critique du despotisme (« Malheureux le roi
qui n'a qu'une tête »), à cette réflexion
sur les châtiments des princes, la lettre CXVI
vient opposer de façon cinglante son propre
absolutisme au sérail. L'alternance des lettres
voulue par Montesquieu trouve ici une de ses
justifications : un incessant contrepoint dans
l'agencement des expéditeurs suffit à marquer les
faiblesses et la mauvaise foi du personnage qui
fait de nouveau allégeance à l'Islam après en
avoir critiqué les allégories. On pourra néanmoins
souligner l'extraordinaire évolution d'Usbek vers
les Lumières, que souligne son débat avec Rhédi
(lettres CV et
CVI),
où se lit quelque chose de la polémique qui
opposera Voltaire
et Rousseau .
|
CXII
- CXXXII
Apologie du libéralisme.
Les lettres CXII à CXXII
correspondent à une longue dissertation que Montesquieu a
un peu artificiellement divisée en lettres. Elles sont
consacrées à la dépopulation de l'univers. Le XVIII°
siècle a cru à ce phénomène, mais on reste surpris d'en
lire l'analyse sous la plume d'Usbek. Aux causes
particulières (épidémies et famines), succèdent les causes
générales : c'est en les recensant qu'Usbek en vient à
condamner la polygamie musulmane et l'oisiveté des
eunuques et des esclaves (lettres CXIV-CXV). Il exprime
ici un idéal de mesure qui réprouve ce gâchis d'énergie,
entonne l'éloge du commerce qui passe par celui de
l'industrie et de l'abondance. Chez les catholiques, Usbek
condamne l'interdiction du divorce et le célibat des
prêtres (baptisés "eunuques"), leur préfère ouvertement
les protestants pour leur libre entreprise et leur énergie
marchande. Parmi les causes politiques enfin, il s'insurge
contre la colonisation, le nomadisme et l'esclavage,
nouvelles occasions de déperdition humaine, et rêve de
lois naturelles qui reflètent la conscience publique. On
notera comme toutes ces critiques - fort audacieuses - se
font toujours au nom de la Raison et on leur opposera la
lettre CXXVI où Rica écrit : « Je te l'avoue, je n'ai
jamais vu couler les larmes de personne sans en être
attendri : je sens de l'humanité pour les malheureux,
comme s'il n'y avait qu'eux qui fussent hommes ».
Montesquieu a-t-il voulu séparer en deux têtes ce que la
vertu politique exige à la fois de raison et de cœur ?
CXXXIII
- CXLVI
Un constat pessimiste du mal français.
Un grand nombre de
lettres dans cette section émane de Rica. Plusieurs
visites dans une bibliothèque sont pour lui l'occasion
d'une critique vigoureuse des commentaires, fatras et
autres compilations qui lui semblent exister au détriment
de la Nature et de la Raison. C'est sous sa plume un
second et prodigieux inventaire de l'Occident et de ses
querelles idéologiques dans tous les domaines (lettres
CXXXIII à CXXXVII). Usbek de son côté livre une de ses
lettres les plus nauséeuses sur le néant social (voir
notre analyse de cette lettre
CXLVI ),
cependant qu'il reçoit de Rica un nouvel apologue, l'Histoire
d'Ibrahim et Anaïs. Il s'agit d'une sorte de sérail
à l'envers où les femmes sont maîtresses et les hommes
tolérants et libéraux. Comme les précédents, cet apologue
manifeste une utopie dans laquelle Usbek pourrait avoir à
méditer l'exemple d'Ibrahim le divin. Dans cette section,
figurent aussi deux courts apologues rapportés par Rica :
le Fragment d'un ancien mythologiste (lettre
CXLII) est une fable qui désigne clairement les tromperies
du système de Law et raille la crédulité des Français; la
Lettre d'un médecin de province (lettre CXLIII)
évoque des drogues aux vertus diverses dans lesquelles on
reconnaît le pouvoir lénitif - ou vomitif ! - des
gros livres et particulièrement des traités de
métaphysique.
CXLVII
- CLXI
Terreur au sérail.
Informé
des désordres de son harem, Usbek répond par les menaces
les plus vives qui, une dernière fois, témoignent de
l'impérialisme dont il n'a su se défaire : symboles de sa
mauvaise foi et de son impuissance, le mot vertu
se voit indignement perverti sous sa plume et une de ses
lettres s'est égarée. Ses nombreuses interrogations
manifestent ce désarroi, où se mêlent colère et
inquiétude. La précipitation romanesque est sensible
surtout dans l'évolution des femmes jusqu'au dénouement,
digne d'une tragédie : la modeste Roxane en vient aux
menaces et sa dernière lettre (lettre
CLXI )
est, par l'arrogance du suicide qu'elle annonce, un cri de
liberté : « J'ai réformé tes lois sur celles de la
Nature ». Tout le propos des Persanes est
ici : pourquoi avoir voulu qu'elles s'achèvent en tragédie
si ce n'est pour infliger sa punition à l'aveuglement
d'Usbek ainsi qu'à tout ce qui fait tort à la Nature ?