L'HEROÏSME
LA DISSERTATION
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I/
LE PLAN DIALECTIQUE :
EXEMPLE
1
"Le vrai héros, le vrai sujet, le
centre de l'Iliade, c'est la force. La
force qui est maniée par les hommes, la force qui
soumet les hommes, la force devant quoi la chair
des hommes se rétracte." (Simone Weil, La
source grecque)
Dans quelle mesure votre lecture de l'Iliade
vous permet-elle de justifier cette affirmation ? |
Mise en place du sujet
:
- les mots-clés :
le mot force est ici allié à des connotations
péjoratives, particulièrement dans la dernière expression.
Il faudra songer à la barbarie dont la force des héros est
en effet capable. L'auteur affirme que la force guerrière,
dans ses aspects les plus inhumains, est le vrai sujet du
poème, à la fois comme élément valorisant du héros et comme
problématique préférentielle (centre).
- la problématique peut être ainsi
reformulée : si la force est au centre de l'Iliade,
peut-on considérer que ses formes inhumaines sont
exclusivement responsables de l'héroïsme ?
Organisation du plan
:
Thèse : la force barbare est au centre de l'Iliade...
1. L'Iliade
met en scène une guerre archaïque au visage
barbare.
ex : les douze
adolescents qu'Achille fait égorger sur le bûcher de
Patrocle.
2.
La guerre - et la plus brutale qui soit - est la seule
occasion de manifester l'héroïsme.
ex : les aristies violentes
et orgueilleuses.
3. Les
héros sont mus par des passions qui expliquent le recours
à la force.
ex : la colère et le
chagrin d'Achille, l'orgueil pour tous.
Antithèse : mais cette force est condamnée...
A. La
force brutale est assimilée à une passion néfaste, et donc
à une faiblesse.
ex : l'ivresse funeste de
Patrocle au combat, les manifestations extrêmes et
passionnelles d'Achille.
B. La
force n'est pas toujours maniée par les hommes, mais
insufflée par les dieux.
ex : la sollicitude de Zeus
pour Hector, les tromperies d'Héra envers ce dernier.
C.
La force guerrière est souvent condamnée par le poète.
ex : les métaphores
animales, le réalisme horrible de certaines scènes.
Synthèse : la
vraie force est donc celle de l'âme.
Recherchons dans les deux premières parties
les arguments qui s'opposent le plus nettement. La synthèse
n'est pas ce "moyen terme" qui aboutirait toujours à un
opinion tiède. Nous vous proposons de la construire comme un
véritable "produit" des arguments utilisés dans les deux
parties précédentes :
2B. |
La force physique n'est donc pas
un vrai signe d'héroïsme, l'homme y étant toujours
agi par les dieux.
ex : la lutte interrompue d'Achille contre
Scamandre. |
1C. |
La force physique est bien au
centre de l'Iliade, mais comme sujet
d'interrogation et de condamnation morale.
ex : l'erreur d'Hector de s'y rallier au lieu
de protéger son peuple. |
3A. |
La vraie force est celle qui
triomphe des passions, c'est-à-dire la force de
l'âme.
ex : l'apaisement volontaire d'Achille et la
restitution du corps d'Hector à Priam. |
EXEMPLE
2
Peut-on envisager un héroïsme
dépourvu d'égoïsme ?
Vous répondrez à cette question à la lumière des
trois œuvres au programme. |
Mise en place du sujet :
- les mots-clés : ce sujet
ne propose pas de citation à discuter. Une simple question
pose le problème. Il convient donc ici de découvrir le
présupposé du sujet : il s'agit d'une question rhétorique
qui affirme en fait que l'héroïsme est le plus souvent
égoïste. Le plan dialectique sera construit autour de cette
thèse. Contrairement au sujet précédent, et dans l'optique
des concours, celui-ci ne se limite pas à une seule œuvre :
nous nous référerons ici à l'Iliade et à Henry
V. Recherchez les exemples qui conviendraient dans La
Chartreuse de Parme.
- la problématique : les manifestations
personnelles de l'héroïsme excluent-elles le groupe humain ?
Organisation du plan :
Thèse : le héros
est certes souvent égoïste...
1. L'orgueil
du héros entraîne son indifférence au sort d’autrui.
ex : par
colère, Achille laisse ses compagnons combattre seuls.
2. Le désir de
gloire est une pure satisfaction personnelle.
ex : les guerriers de l'Iliade
sont mus par la timé, Henry V par le "luster of
honour".
3. Le héros offre
souvent un visage solitaire
ex : retrait d'Achille sous
sa tente, solitude d'Henry V lors de la veillée
d'Azincourt.
Antithèse : mais le
héros manifeste aussi son altruisme...
A. Le
héros sait faire preuve de magnanimité et de pitié.
ex : Achille rend à Priam
le corps d'Hector, Henry V s'émeut du sort de ses soldats.
B. Le héros
a conscience de la vanité de la gloire et de l'honneur.
ex : Achille se soumet à la
nécessité, Henry V est conscient du mensonge de l'apparat
royal.
C. Le héros
porte la destinée d'un peuple.
ex : Achille incarne les
espoirs des Achéens, Hector est le "protecteur de son
peuple"; Henry V assume le fardeau royal.
Synthèse : la
solitude du héros manifeste finalement une mission
sublime.
1A. Le
héros est porteur des aspirations confuses du groupe
: sa solitude hautaine est un
détour nécessaire pour mieux saisir "l'Esprit de
l'Histoire" et ses enjeux (Hegel).
ex
: Achille décide seul de mettre fin à sa colère et rend le
corps d'Hector contre l'assentiment des Achéens; Henry V
choisit de manifester ses doutes en se glissant incognito
parmi ses soldats.
2B.
Le héros a besoin des autres,
de l'image qu'ils lui renvoient, de
l'appel qu'il leur lance : la gloire personnelle signale
la différence choisie par le héros et le signe d'élection
placé sur sa personne pour émerger du lot.
ex
: Achille manifeste cette élection par la profondeur de
son chagrin comme par sa bravoure; Henry V, en faisant
alterner le "je" et le "nous" met sa couronne au service
de ses sujets en les galvanisant, en reconnaissant à
chacun "un noble éclat".
3C. La
mission du héros culmine avec son sacrifice
: sa solitude manifeste la
souffrance et l'incompréhension dont il est victime.
ex : se
retirant sous sa tente, Achille signale une rupture de
l'ordre et élabore un ordre nouveau en se soumettant par
les voies de la générosité; Henry V offre à Dieu le rachat
de la faute paternelle et offre sa charge de roi au
maintien de la paix.
Pour
enrichir la réflexion... |
L'action par laquelle un homme cherche à justifier
sur le champ de bataille sa réputation de
bravoure, et dans laquelle il finit par laisser sa
vie, est rapportée sans doute d'un côté au devoir
et, d'un autre côté, considérée essentiellement
comme méritoire, mais notre estime pour cette
action est considérablement diminuée par le
concept de l’amour de soi, qui semble ici être le
premier mobile. Plus décisif est le sacrifice
magnanime de sa vie au salut de la patrie :
nous donnons alors tout notre respect à celui qui
cherche à l'accomplir en sacrifiant tout ce qui
peut avoir quelque valeur pour nos penchants les
plus intimes ; nous trouvons notre âme fortifiée
et élevée par un tel exemple, puisque nous pouvons
être convaincus par là que la nature humaine est
capable de s'élever, à une si grande hauteur,
au-dessus de tous les mobiles que peut lui opposer
la nature.
E. Kant, Critique de la raison pratique.
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L'héroïsme est donc, de toutes les qualités de
l'âme, celle dont il importe le plus aux peuples
que ceux qui les gouvernent soient revêtus. C'est
la collection d'un grand nombre de vertus
sublimes, rares dans leur assemblage, plus rares
dans leur énergie, et d'autant plus rares encore
que l'héroïsme qu'elles constituent, détaché de
tout intérêt personnel, n'a pour objet que la
félicité des autres et pour prix que leur
admiration.
J.J. Rousseau, Discours
sur la vertu du héros.
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Comme vertu, le courage suppose toujours une
certaine forme de désintéressement, d'altruisme ou
de générosité. Il n'exclut pas, certes, une
certaine insensibilité à la peur, voire un certain
goût pour elle. Mais il ne les suppose pas
nécessairement. Ce courage-là n'est pas l'absence
de peur : c'est la capacité de la surmonter, quand
elle est là, par une volonté plus forte et plus
généreuse. Ce n'est plus (ou plus seulement)
physiologie : c'est force d'âme, face au danger.
Ce n'est plus une passion : c'est une vertu, et la
condition de toutes. Ce n'est plus le courage des
durs : c'est le courage des doux, et des héros.
A. Comte-Sponville, Petit traité des grandes
vertus.
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