SAVOIR ET IGNORER
DISSERTATIONS

 

 

 

EXEMPLE 1

« Qui acquiert science s'acquiert du travail et du tourment », écrit Montaigne (Essais, II, XII).
Comment les œuvres au programme illustrent-elles cette affirmation ?

 

MISE EN PLACE DU SUJET :

- L'affirmation de Montaigne souligne la pénibilité de l'acquisition du savoir. Ceci peut s'expliquer par l'étude, plus ou moins aride, qui y mène, comme par les tribulations de l'expérience. Dans leur contexte, les mots employés par Montaigne doivent être entendus sans risque de contre-sens : le mot science désigne bien entendu la connaissance au sens large, et le mot travail est proche encore à cette époque de son étymologie, le latin tripalium qui désigne un instrument de torture. Cette phrase résonne aussi dans le siècle humaniste où l'ambition de l'homme de science se paie cher en plein obscurantisme. On pensera bien sûr à Galilée, mais nos œuvres fournissent assez d'aliments pour étoffer la réflexion.
- la question telle qu'elle est posée n'appelle pas d'examen critique. Il s'agit d'examiner la validité de l'affirmation de Montaigne à l'aide des trois œuvres (Ménon de Platon, Bouvard et Pécuchet de Flaubert, La Vie de Galilée de Brecht) et on construira donc un plan thématique.

PROBLÉMATIQUE : En quoi l'entreprise de connaissance est-elle toujours une peine ?

     Aidez-vous des éléments suivants (arguments et exemples dans le désordre) pour construire et étoffer le plan :

Reconstituer le raisonnement en constituant des couples argument/exemple :

a.- Galilée met en danger les valeurs géocentristes de l'Église et doit se rétracter; Socrate se heurte à la méfiance d'Anytos, qui dirigera son procès.

b.- Le savant est possédé par une soif qui le rend asocial et dont il doit payer le prix.

c.- Le savoir impose sa propre logique et mène où celle-ci conduit, fût-ce au prix de transgressions douloureuses ou dangereuses.

d.- La « libido sciendi » est une pulsion intransigeante qui mobilise toutes les énergies et conduit au sacrifice.

e.- Il faut, pour savoir, accepter de rester dans l'incertitude et ses tourments.

f. - L'entreprise de connaissance contraint à la révision systématique et déstabilisante de principes qui assuraient un certain confort moral.

g.- Les expériences de Bouvard et Pécuchet les marginalisent, Socrate devient indésirable et Galilée finit son existence dans un quasi emprisonnement.

h.- Bouvard et Pécuchet engloutissent tous leurs moyens dans la poursuite de leurs buts; pour pouvoir continuer ses recherches, Galilée risque la peste, sacrifiera le bonheur de sa fille et ]' exercice gratuit de sa pédagogie.

i.- Pécuchet n'hésite pas à provoquer sous ses aisselles le processus de la digestion; Bouvard entend en s'agitant dans son bain provoquer une élévation de la température de l'eau.

j.- Socrate définit sa tâche comme celle d'un accoucheur, qui ne dispose d'aucun savoir, mais qui s'efforce de représenter aux citoyens leurs erreurs et les liens capables de valider les opinions en connaissances.

k.- Ménon s'achève par une aporie. Socrate, après avoir accepté avec Ménon de définir la vertu, laisse l'entreprise inachevée en limitant le savoir à la recherche active et personnelle qui doit pousser chacun à se ressouvenir.

l.- L'homme de science, au sens large, doit être toujours soucieux de vigilance à l'égard de la rectitude de l'opinion et se double souvent d'un pédagogue ou d'un moraliste.

m.- Ménon peut comparer Socrate à la raie torpille qui plonge tout le monde dans l'embarras.

n. - Savoir suppose une révision constante des préjugés, et le savant se heurte souvent à ceux qui les perpétuent par intérêt ou aux institutions qui en font leurs bases.

o.- Le savoir exige des efforts dans l'expérimentation qui constituent une véritable ascèse physique.

p.- La découverte de Galilée se heurte aux savoirs établis et celui-ci paie cher le prix de ne pas l'avoir compris.

CORRECTION

 

 

EXEMPLE 2

« Le savoir du plus savant se paie toujours de quelque ignorance », écrit Bernadette Bensaude-Vincent.
Les œuvres du programme vous semblent-elles confirmer cette appréciation ?

 

MISE EN PLACE DU SUJET :

- La phrase de Bernadette Bensaude-Vincent (voir le contexte), s'inscrit dans un procès général du savoir, ou tout au moins de l'arrogance d'un certain savoir. En ce sens, l'ignorance peut être perçue comme une punition. Mais il paraît opportun de se demander si l'ignorance ne peut aussi être une alliée du savoir, et de construire par là même un plan dialectique capable de renchérir sur cette vertu.

PROBLÉMATIQUE : Peut-on parler d'une vertu scientifique de l'ignorance ?

   Aidez-vous des éléments suivants (arguments et exemples dans le désordre) pour construire et étoffer le plan :

 

Reconstituer le raisonnement en constituant des couples argument/exemple :

a) Le savant assimile souvent le savoir à une somme et méconnaît son caractère cyclique et infini.

b) Galilée ne dispose pas de la conscience politique qui lui ferait comprendre quels sont ses véritables alliés; Bouvard et Pécuchet sont considérés par les habitants du village comme des individus ridicules et dangereux.

c) La véritable ignorance est l'illusion de savoir.

d) L'ignorance a une vertu scientifique : la science ne progresse qu'en invalidant ce qu'elle avait cru comprendre

e) Socrate a pu reprocher à Thalès sa distraction; Galilée trahit les petites gens pour lesquels il prétend œuvrer en méprisant la pensée mythique qui, pourtant, les aide à vivre.

f) Michel Henry reproche à la science moderne d'avoir mutilé la connaissance et généré la barbarie de la spécialisation. Flaubert tourne en dérision les prétentions scientistes de son siècle.

g) Bouvard et Pécuchet deviennent plus authentiques lorsqu'ils ont compris la vanité du savoir encyclopédique et entreprennent de recenser les bêtises arrogantes de leur temps positiviste.

h) Le savant occupe une position privilégiée ou marginale qui lui fait ignorer le reste du monde.

i) Galilée choisit de se satisfaire de l'impossibilité de prouver le contraire de qu'il affirme; Socrate entreprend d'édifier la connaissance sur l'acceptation de l'ignorance et la méfiance à l'égard de toute certitude.

j) Le savant est souvent inattentif voire méprisant à l'égard des savoirs populaires.

k) Socrate tire de ses échanges avec les hommes politiques la même conclusion qu'il eut à l'issue de l'un d'entre eux : « Je suis plus savant que cet homme-là. En effet, il est à craindre que nous ne sachions ni l'un ni l'autre rien qui vaille la peine, mais tandis que, lui, il s'imagine qu'il sait quelque chose alors qu'il ne sait rien, moi qui effectivement ne sais rien, je ne vais pas m'imaginer que je sais quelque chose. »

l ) Le savant peut être guetté par le dogmatisme en cultivant le souci de la preuve et des vérités absolues.

CORRECTION