LA
RECHERCHE DU BONHEUR Résumés et dissertations |
EXEMPLE 1.
TEXTE |
OBSERVATIONS |
« Il faut avoir le souci de ce qui produit le bonheur, puisque s'il est
présent nous avons tout, tandis que s'il est absent nous faisons tout pour
l'avoir », écrit Épicure au début de la Lettre à Ménécée. Par-delà la
diversité de leurs positions théoriques, les philosophes antiques n'ont à
peu près jamais remis en cause ce primat d'une recherche du bonheur, qui a
plutôt constitué pour eux un préalable absolu : « Toute action et tout choix
tendent vers quelque bien... », or le bien ultime, souverain, c'est le
bonheur (eudaimonia). Cette inférence qu'expose Aristote au début de
son Ethique à Nicomaque, conforme à l'opinion commune, a été
largement partagée par les autres philosophes, même si de sérieuses
divergences les ont opposés sur la définition même du bonheur.
Certes, il y a loin du désir de bonheur au bonheur effectif, et les Grecs
craignaient tout autant que nous les coups du sort, les revers de fortune,
les maladies autant d'obstacles à la possession du bonheur. Ce dernier,
face au destin inflexible ou encore au hasard aveugle, a donc communément
passé pour le bien le plus précieux en même temps que le plus précaire.
De
cette idée d'une fragilité du bonheur, largement réfléchie dans la tragédie
grecque, les « Éthiques » d'Aristote gardent la trace. Ce dernier, prenant
au sérieux l'idée selon laquelle nul ne peut être dit heureux avant sa mort,
trouve dans cet adage une part de vérité, car les coups du sort peuvent même
finir par « rétrécir » le bonheur de l'homme dont l'activité est conforme à
la vertu parfaite.
Pourtant, cette réflexion sur la fragilité du bonheur n'est pas
philosophiquement la plus importante ni la principale. On trouve bien
plutôt, ancrée dans le projet philosophique, la conviction que le bonheur
doit correspondre en vérité à l'état de souveraine perfection de l'homme, et
qu'il peut être atteint solidement par une voie et une voie seulement, qui
est précisément celle de la philosophie. Ainsi, l'accès au bonheur a pour
condition ce que l'on pourrait appeler la « conversion philosophique », qui
détermine un changement intérieur par lequel le soi n'obéit plus à d'autre
valeur qu'à celle dont la raison lui montre la prééminence, et sur laquelle
il fixe désormais sa conduite.
C'est pourquoi le bonheur en tant qu'état durable ne peut que rester à
jamais interdit à ceux qui, incapables d'adhérer au mode de vie
philosophique, fixent leurs regards sur les biens matériels, jouets
des désirs et des caprices de la passion; et, en revanche, se trouver à
portée de main pour ceux qui, grâce à la philosophie, règlent leur conduite
sur les valeurs authentiques. Comme l'explique Socrate dans le Phédon
de Platon : « La seule bonne monnaie est la pensée. » De fait, c'est Socrate
qui, en montrant le primat de la vertu sur tout le reste, a ainsi lié souci
de la vertu et bonheur. « Il vaut mieux subir l'injustice que la commettre
», lui fait encore dire
Platon dans le Gorgias. C'est que, jusque dans l'injustice
subie, le bonheur du sage reste inentamé, puisqu'il repose en particulier
sur le principe de la cohérence entre la pensée et les actes. Pour le sage
selon Socrate, rien ne vaut que la rectitude de ses actes, qui peut être
préservée dans la pire des situations. Tel est, dans son épure, ce bonheur
philosophique qui se maintient jusque dans l'adversité, face à tous les
coups du sort; dans la même perspective se situeront les stoïciens, en
posant que la vertu suffit au bonheur.
Certes, on pourrait penser que le même Socrate a fait reculer
indéfiniment la possession du bonheur par le raisonnement suivant : le
bonheur repose sur la vertu, et la vertu repose sur le savoir; or le savoir
reste à jamais recherché ce que tend à suggérer tout le questionnement
socratique. Mais il ne conclut pas à l'impossibilité du bonheur, bien plutôt
à la nécessité d'un examen permanent de soi, qui doit pour lui résider au
cœur de ce bonheur philosophique, actif, critique. En dépit de la limitation
des capacités humaines, l'absolue conviction d'avancer dans la voie du bien,
grâce à l'appui du raisonnement, et dans l'échange, qui fonde le dialogue,
garantit en effet la stabilité du bonheur. Ce n'est certes, pour Socrate,
qu'un bonheur humain, nécessairement bien inférieur à celui des dieux, mais
a contrario « une vie sans examen ne vaut pas d'être vécue » (Platon,
Apologie de Socrate).
Cette tension montre la fécondité de la quête philosophique du bonheur
dans l'Antiquité : l'eudaimonia est conçue comme cette disposition
par laquelle une vie humaine vise, voire atteint, sa perfection. Cela amène
les philosophes à établir avant tout la prééminence du mode de vie
philosophique, seul à même de garantir véritablement la stabilité du
bonheur. Ainsi, selon les épicuriens, rien ne peut venir troubler l'ataraxie
bienheureuse du sage l'état le plus plaisant , quand elle est dûment
fondée sur l'élimination rationnelle des craintes et la juste mesure des
plaisirs et des peines. De même, le bonheur du stoïcien, parce qu'il
consiste dans la vie selon la raison et la suppression des passions, ne
souffre guère non plus d'altération.
Bref, être heureux, c'est être sage.
Mais peut-on réellement atteindre la
sagesse ? Et le bonheur dont parlent les philosophes n'aurait-il pas été
somme toute un idéal inaccessible ? Platon, c'est un fait, a soutenu l'idée
d'une inaccessibilité de l'état (divin) de sophos, l'homme ne pouvant
prétendre qu'à celui de philosophos (Phèdre) et il est de même
exact que les stoïciens ont considéré l'accès à la sagesse véritable comme
exceptionnel. Mais, par-delà les divergences entre écoles à ce propos (pour
les épicuriens au contraire, la sagesse est bien au bout de la conversion
philosophique), il serait juste de dire qu'il y a eu pour les philosophes
antiques dans leur ensemble au moins deux niveaux d'accomplissement éthique,
correspondant à la vertu d'une part (l'exigence minimale), à la
sagesse d'autre part (la visée ultime).
La vertu authentique est pour cela accessible à qui accomplit la
conversion philosophique. Significative est la liaison qu'opère
Épicure au
début de la Lettre à Ménécée entre recherche philosophique et
recherche du bonheur : « Celui qui dit que le temps de philosopher n'est pas
encore venu, ou que ce temps est passé, est pareil à celui qui, en parlant
du bonheur, dit que le temps n'est pas venu ou qu'il n'est plus là. » Le
philosophe du Jardin réconcilie par là vie commune et vie philosophique,
tant il est vrai que la vie heureuse ne peut advenir en dehors de la
pratique de la philosophie.
Telle est au total la plus forte leçon des philosophes antiques sur le
bonheur : en conduisant à la maîtrise des désirs et des passions, l'exercice
de la philosophie rend durablement heureux, jusqu'à offrir d'échapper aux
atteintes du temps. En effet, dans l'état de bonheur l'homme atteint une
sorte d'immortalité. Le bonheur humain (eudaimonia) tend alors à se
transformer en bonheur divin (makariotès). A la fin de l'Antiquité,
Plotin n'écrira-t-il pas : « Ce que nous voulons, c'est être dieu » ?
Jean-François Balaudé, Le Nouvel Observateur,
Hors-série « Le bonheur », 1998. |
Première étape :
l'énonciation :
Une première - voire une seconde - lecture doit vous amener à identifier les caractères
essentiels du texte, que votre résumé devra reproduire :
- situation d'énonciation (le texte est explicatif, d'un registre
didactique).
- niveau de langue (peu recherché dans ce texte malgré les notions
philosophiques)
- difficultés de vocabulaire (attention par exemple aux mots
inférence, adage, épure, ataraxie).
Deuxième étape : thème, thèse :
- Efforcez-vous de formuler pour vous-même le sujet du texte (au besoin,
donnez-lui un titre; ici, le texte pourrait s'intituler : Bonheur et
Philosophie).
- Plus important encore : repérez la (ou les) thèse(s) et prenez soin de la (les)
rédiger rapidement. Dans ce texte, l'auteur affirme que, pour les
anciens Grecs, la vie heureuse ne peut advenir en
dehors de la pratique de la philosophie.
Troisième étape : l'organisation :
La lecture du texte vous fait percevoir par les paragraphes différentes unités de sens.
Ces paragraphes constituent cependant des indices insuffisants de l'organisation. Vous
savez que tout raisonnement discursif s'accompagne de connexions logiques (nous les
soulignons en rouge : en gras
pour les connexions essentielles) qui vous feront percevoir l'enchaînement des arguments.
Ici, le premier paragraphe rappelle l'importance de la notion de bonheur
dans la philosophie grecque. Deux paragraphes traitent alors, sur le
mode concessif, de
la fragilité du bonheur, les suivants de sa possible conquête au prix
de la "conversion philosophique", faite d'abord de vertu puis de sagesse.
Une brève conclusion assimile ce bonheur à l'immortalité. On peut parler de plan analytique.
Comme toujours dans une argumentation, les arguments s'accompagnent d'exemples :
leur caractère concret et circonstancié vous permet de les repérer d'emblée (nous les
soulignons en bleu).
C'est cette organisation que nous vous invitons à représenter
précisément dans un tableau de structure : ne pensez pas que le fait
d'établir ce tableau au brouillon vous fera perdre du temps. Une fois rempli, il vous
permettra au contraire d'aller plus vite dans la reformulation, chaque unité de sens
étant nettement repérée. La colonne Parties sépare chaque étape de
l'argumentation, que la colonne Sous-Parties décompose si nécessaire. La
colonne Arguments vous permet d'identifier rapidement chaque argument et d'aller
déjà vers son expression la plus concise en repérant les mots-clefs. C'est cette
colonne, surtout, qui vous sera précieuse. Quant à la colonne Exemples,
elle vous permet de repérer ce que votre résumé pourra ensuite ignorer
(attention cependant au fait qu'un long paragraphe d'exemples peut avoir une
valeur argumentative ! |
TABLEAU DE STRUCTURE
PARTIES |
SOUS-PARTIES |
ARGUMENTS (mots-clefs) |
EXEMPLES |
« Il faut avoir le
souci ... > ... la définition même du bonheur. |
/ |
Les philosophes grecs n'ont jamais remis en cause le
primat d'une recherche du bonheur |
Épicure, Lettre à Ménécée |
Certes,
il y a loin... > ... il fixe désormais sa conduite |
Certes, il y a loin... > conforme à la vertu
parfaite. |
il y a loin du désir de bonheur au bonheur effectif, |
les « Éthiques » d'Aristote |
Pourtant, cette réflexion... >
précisément celle de la philosophie |
le bonheur peut être atteint solidement par la voie de la philosophie.
|
|
Ainsi,
l'accès au bonheur ... > il fixe désormais sa conduite. |
l'accès au bonheur a pour condition la « conversion philosophique » |
|
C'est pourquoi le bonheur en tant
qu'état durable... > ... en posant que la vertu
suffit au bonheur. |
/ |
le bonheur se trouve à portée de main pour ceux qui, grâce à la philosophie,
règlent leur conduite sur les valeurs authentiques |
Socrate dans le Phédon et le Gorgias de Platon |
Certes, on pourrait penser ... >
une vie sans examen ne vaut pas d'être vécue » (Platon, Apologie de Socrate). |
Certes, on
pourrait penser ... > le questionnement socratique. |
on peut penser que Socrate a fait reculer indéfiniment la possession du
bonheur en l'assimilant au savoir, à jamais recherché |
|
Mais il ne conclut pas... > «
une vie sans examen ne vaut pas d'être vécue » [...]. |
il conclut, plutôt à la nécessité d'un examen permanent de soi |
|
Cette tension
montre la fécondité ... > ... ne souffre guère non plus d'altération |
/ |
Cette tension montre la fécondité de la quête philosophique du bonheur
|
selon les épicuriens... , ... le bonheur du stoïcien |
Bref, être heureux, c'est être sage ... >
... en dehors de la pratique de la philosophie. |
Bref, être heureux, c'est être
sage ... > ... Mais... un idéal inaccessible ? |
Être heureux, c'est être sage. Mais peut-on réellement
atteindre la sagesse ? |
|
Platon, c'est un fait, ... >
Mais, par-delà la sagesse d'autre part (la
visée ultime). |
Platon parle de l'inaccessibilité de l'état de sophos, mais il
existe deux niveaux d'accomplissement, la vertu et la sagesse. |
|
La vertu authentique est pour cela
accessible ... > en dehors de la pratique de la philosophie. |
La vertu authentique est accessible à qui accomplit la
conversion philosophique. |
Épicure au début de la Lettre à Ménécée |
Telle est
au total la plus forte leçon ... > ... « Ce que nous
voulons, c'est être dieu » ? |
/ |
En conduisant à la maîtrise
des désirs et des passions, l'exercice de la philosophie rend durablement
heureux |
Plotin n'écrira-t-il pas : « Ce que nous voulons, c'est être
dieu » ? |
REFORMULATION
Résumez
ce texte en 120 mots ±10%.
PARTIES |
Observations
sur les réductions |
PROPOSITION DE RÉSUMÉ |
1° § |
|
La pensée grecque est dominée par la recherche du bonheur, |
2° et 3° § |
Coordonnée à la précédente, une seule proposition
indépendante permet, par le raisonnement concessif, de lier les deux
paragraphes. |
mais elle répond à son effective fragilité par la nécessité de l'établir
durablement grâce à la philosophie. |
4° § |
|
C'est pourquoi le bonheur échappe à ceux qui l'assimilent à la possession
matérielle et tient, selon Socrate, à l'exigence morale. [50] |
5° § |
|
C'est peut-être rendre le bonheur inaccessible en l'assimilant au savoir,
mais Socrate le fonde plutôt sur l'examen permanent de soi, |
6° § |
Le participe présent, lié à la phrase précédente, conserve le
caractère consécutif du paragraphe |
faisant ainsi de la quête philosophique la condition même du bonheur. |
7° et 8° § |
La construction concessive respecte les trois étapes du
raisonnement. |
Si la vraie sagesse reste hors de notre portée, la vertu, au moins, peut
être [100] conquise par la méditation philosophique. |
9° § |
|
Cette leçon des philosophes antiques assure ainsi au bonheur une maîtrise de
soi capable d'échapper au temps. [123 mots] |
EXEMPLE 2 - Résumé complet.
Jachères |
La critique constructive, l'admiration, l'approbation, ce qu'on pourrait
appeler la chaleur dans les échanges, sont autant des faits de
civilisation que des traits de caractère. Or notre civilisation
individualiste, en fondant le bonheur collectif sur l'égoïsme des
individus, et la richesse générale sur la concurrence des intérêts
particuliers, n'a guère favorisé cette ouverture. Chacun vit séparé,
méfiant, conscient de ses droits, cloîtré dans son privé, et considère le
voisin comme un étranger, peut-être un concurrent, voire un adversaire. La
loi du marché, en se généralisant, rend la société de moins en moins
conviviale. Situation peu propice ! Il était peut-être possible jadis de
s'enfermer dans un bonheur clos, dans un petite monde abrité, étroit mais
confortable. De nos jours, aucun abri n'est à l'épreuve des tumultes
extérieurs et l'isolement ne fait qu'accroître l'angoisse. Clos sur
eux-mêmes par l'esprit du système et l'exemple des autres, les individus
peuvent moins que jamais se défendre contre les agressions. Pour être
heureux faut-il donc être dur, aveugle, fermé aux autres, toujours occupé
à dominer, à se défendre, uniquement soucieux de ses intérêts ?
C'est exactement le contraire qui est vrai ! Il faut s'ouvrir. Or
s'ouvrir a toujours demandé un effort, et cet effort, dans l'ambiance
individualiste qui est la nôtre, est plus coûteux que jamais: le principe
biologique d'économie d'énergie nous pousserait plutôt à rester dans nos
abris. Seule une exigence d'amplitude peut nous attirer au-dehors : le
désir de déploiement et d'épanouissement.
S'ouvrir c'est d'abord assouplir son rythme d'existence, le
dérationaliser, le démécaniser, y semer des pauses, lever les yeux,
regarder autour de soi et se rendre présent à ce qui se passe. Présence à
ce qu'apporte le hasard, mais aussi présence aux autres. L'ouverture est
sans limite; on sait que, dans l'amour et les sacrifices qu'il implique,
elle abat toutes les barrières et peut aller jusqu'à l'oblation.
Mais, sans aller si loin, il est clair que, dans le quotidien, l'ouverture
est un signe de vitalité. C'est par elle que passe le bonheur.
Une jachère est un terrain qu'on laisse se reposer un ou deux ans avant
de le remettre en culture. Coutume disparue : les engrais artificiels
permettent désormais une exploitation ininterrompue. Signe des temps, car,
nous aussi, nous n'arrêtons pas. Notre existence est compacte, organisée
dans le détail, sans temps vides. On bouche les moindres fissures avec le
sport, la télé, le journal. Nous ne savons plus flâner ; perdre du temps
nous semble immoral, car le temps c'est de l'argent. Certains psychologues
ont appelé jachères ces précieux moments perdus, espaces vierges, espaces
de jeux ouverts à l'imprévu, à l'incertain, à la fantaisie, espaces de
promenades sans but, de rêveries sans objet. Alors le bloc dense que
formait notre existence se délite; nous cessons de nous confondre avec ce
que nous faisons, de coïncider avec notre vie professionnelle ou
familiale. Nous prenons des vacances, nous cueillons des fleurs au bord du
chemin, nous lâchons, l'espace d'un instant, le fil qui nous tire en
avant.
À quoi servent ces interruptions ? Que gagne-t-on à perdre son temps ? On
y gagne beaucoup puisqu'on sort de la pauvreté et qu'on entre dans le luxe
! Comprenons que le temps consacré au nécessaire, à l'utile est un temps
dont nous nous privons ; nous n'avons comme temps à nous que celui que
nous mettons en jachère. Un robot n'a pas de temps à soi; il n'en a pas
besoin. Mais nous avons organiquement besoin de ces jachères pour y
déployer nos rêves, nos désirs toujours insatisfaits, nos projets et nos
souvenirs : il s'agit de nous ouvrir à nous-mêmes ! C'est le moment de la
poésie, de l'art, de la musique, de la contemplation et d'une certaine
créativité non professionnelle : le moment où l'on accepte de s'écouter
et, à travers cette écoute, d'entendre l'appel au dépassement. Plus loin
encore, on approche d'une zone de silence : plus de souvenirs, plus de
projets, plus rien que le sentiment d'exister, le plaisir d'exister,
l'existence pure. Ces moments perdus sont-ils vraiment un luxe ? Ou
plutôt, ne sont-ils pas plus nécessaires que les autres, ceux qui passent
pour utiles ? Ce sont des moments où l'on se concentre au lieu de se
disperser; l'action n'y perd rien puisqu'on y revient ensuite avec des
forces neuves, comme des terres laissées en jachère on tire de belles
moissons.
Les moines de tous les pays et de toutes les religions ont cherché de
cette façon à équilibrer une alternance d'action et de recueillement où
l'on se met en état de disponibilité dans la solitude et le silence.
C'était pour eux la condition de la vie parfaite. Interrompre le
tourbillon des soucis, la boulimie qui force à occuper le moindre créneau,
se rendre, au contraire, poreux à ce qui s'offre, voire à l'absence même
de perceptions et d'idées, au pur silence... Un autre tourbillon surgit
alors, beaucoup plus lent, plus secret, qui creuse son chemin dans notre
être et met au jour des niveaux refoulés, dont nous ne savions rien.
Régression ? Retour à des fantasmes infantiles ? Pourquoi pas ? Ces
régressions nous mettent en contact avec le germe qui fait croître, avec
la sève qui irrigue.
Jean ONIMUS, Bonheurs, bonheur, © Éd. Insep, 1988.
Résumez ce texte en 150 mots ±10%.
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Résumé proposé :
Notre civilisation, dans ses
impératifs matérialistes, croit pouvoir se fonder sur un égocentrisme qui,
aujourd'hui, est exposé à tous les assauts du dehors. L'ouverture répond
au contraire à une volonté d'enrichissement. C'est d'abord apprendre à
s'arrêter, se rendre présent, voire aimer jusqu'à l'abnégation [50], tout
cet art que nous avons perdu à cause du rapport mercantile que nous
entretenons avec le temps. Alors nous échappons à nos fonctions et à nos
rythmes effrénés. Loin d'être passive, cette ouverture est fructueuse
puisque le temps que nous nous accordons n'est qu'à nous. Qu' [100] on les
occupe de nos rêves ou de nos souvenirs, de contemplation ou de création,
ces moments constituent la vraie richesse et fortifient l'action à venir.
Les moines ont su cultiver cette méditation adonnée au silence, d'où
émerge la conscience fertile d'un moi plus profond.
148 mots. |
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