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Extraits
du texte |
Édition |
Chapitre |
Il
allait dîner, moyennant quarante-trois sols le
cachet, dans un restaurant, rue de la Harpe.
Il regardait avec dédain le vieux comptoir
d’acajou, les serviettes tachées, l’argenterie
crasseuse et les chapeaux suspendus contre la
muraille. Ceux qui l’entouraient étaient des
étudiants comme lui. Ils causaient de leurs
professeurs, de leurs maîtresses. Il s’inquiétait
bien des professeurs ! Est-ce qu’il avait une
maîtresse ! Pour éviter leurs joies, il arrivait
le plus tard possible. Des restes de nourriture
couvraient toutes les tables. Les deux garçons,
fatigués, dormaient dans des coins, et une odeur
de cuisine, de quinquet et de tabac emplissait la
salle déserte. |
59 |
I, 3 |
Repas d’étudiant rue de
la Harpe |
59 |
I, 3 |
—
Oh ! ne te gêne pas ! dit Frédéric. Si tu avais ce
soir quelque chose d’important…
— Allons donc ! Je serais un fier misérable…
Cette épithète, lancée au hasard, toucha
Frédéric en plein cœur, comme une allusion
outrageante.
Le concierge avait disposé sur la table,
auprès du feu, des côtelettes, de la galantine,
une langouste, un dessert, et deux bouteilles de
vin de Bordeaux. Une réception si bonne émut
Deslauriers.
— Tu me traites comme un roi, ma parole !
Ils causèrent de leur passé, de l’avenir ; et,
de temps à autre, ils se prenaient les mains
par-dessus la table, en se regardant une minute
avec attendrissement. |
78 |
I, 4 |
Accueil de Deslauriers
chez Frédéric |
78 |
I, 4 |
La
compagnie, les mets, tout lui plaisait. La salle,
telle qu’un parloir moyen âge, était tendue de
cuir battu ; une étagère hollandaise se dressait
devant un râtelier de chibouques ; et, autour de
la table, les verres de Bohême, diversement
colorés, faisaient au milieu des fleurs et des
fruits comme une illumination dans un jardin.
Il eut à choisir entre dix espèces de
moutarde. Il mangea du daspachio, du cari, du
gingembre, des merles de Corse, des lasagnes
romaines ; il but des vins extraordinaires, du
lip-fraoli et du tokay. Arnoux se piquait
effectivement de bien recevoir. Il courtisait en
vue des comestibles tous les conducteurs de
malle-poste, et il était lié avec des cuisiniers
de grandes maisons qui lui communiquaient des
sauces. |
81 |
I, 4 |
Première invitation
chez Arnoux |
81 |
I, 4 |
Ils
arrivaient le samedi, vers neuf heures. Les trois
rideaux d’algérienne étaient soigneusement tirés ;
la lampe et quatre bougies brûlaient ; au milieu
de la table, le pot à tabac, tout plein de pipes,
s’étalait entre les bouteilles de bière, la
théière, un flacon de rhum et des petits fours. On
discutait sur l’immortalité de l’âme, on faisait
des parallèles entre les professeurs. |
89 |
I, 5 |
Les soirées du samedi
chez Frédéric |
89 |
I, 5 |
Voulant
donc faire les choses très bien, il vendit à un
brocanteur tous ses habits neufs, moyennant la
somme de quatre-vingts francs ; et, l’ayant
grossie de cent autres qui lui restaient, il vint
chez Arnoux le prendre pour dîner. Regimbart s’y
trouvait. Ils s’en allèrent aux
Trois-Frères-Provençaux.
Le Citoyen commença par retirer sa redingote,
et, sûr de la déférence des deux autres, écrivit
la carte. Mais il eut beau se transporter dans la
cuisine pour parler lui-même au chef, descendre à
la cave dont il connaissait tous les coins, et
faire monter le maître de l’établissement, auquel
il « donna un savon », il ne fut content ni des
mets, ni des vins, ni du service ! À chaque plat
nouveau, à chaque bouteille différente, dès la
première bouchée, la première gorgée, il laissait
tomber sa fourchette, ou repoussait au loin son
verre ; puis s’accoudant sur la nappe de toute la
longueur de son bras, il s’écriait qu’on ne
pouvait plus dîner à Paris ! Enfin, ne sachant
qu’imaginer pour sa bouche, Regimbart se commanda
des haricots à l’huile, « tout bonnement »,
lesquels, bien qu’à moitié réussis, l’apaisèrent
un peu. |
99 |
I, 5 |
Au restaurant
Les-Trois-Frères-Provençaux avec Arnoux et
Regimbart |
99 |
I, 5 |
Sombaz,
loustic de la vieille école, s’amusait à blaguer
son époux ; il l’appelait Odry, comme l’acteur,
déclara qu’il devait descendre d’Oudry, le peintre
des chiens, car la bosse des animaux était visible
sur son front. Il voulut même lui tâter le crâne,
l’autre s’en défendait à cause de sa perruque ; et
le dessert finit avec des éclats de rire.
Quand on eut pris le café, sous les tilleuls,
en fumant, et fait plusieurs tours dans le jardin,
on alla se promener le long de la rivière. |
115 |
I, 5 |
Fête de Mme Arnoux à
Saint-Cloud |
115 |
I, 5 |
Et
elle pria Frédéric d’aller voir dans la cuisine si
M. Arnoux n’y était pas.
Un bataillon de verres à moitié pleins
couvrait le plancher ; et les casseroles, les
marmites, la turbotière, la poêle à frire
sautaient. Arnoux commandait aux domestiques en
les tutoyant, battait la rémolade, goûtait les
sauces, rigolait avec la bonne.
— Bien, dit-il, avertissez-la ! je fais
servir. |
153 |
II, 1 |
Souper au bal masqué de
Rosanette |
153 |
II, 1 |
— Tu
sais bien que je t’aimerai toujours, mon gros. N’y
pensons plus ! Allons souper !
Un lustre de cuivre à quarante bougies
éclairait la salle, dont les murailles
disparaissaient sous de vieilles faïences
accrochées ; et cette lumière crue, tombant
d’aplomb, rendait plus blanc encore, parmi les
hors-d’œuvre et les fruits, un gigantesque turbot
occupant le milieu de la nappe, bordée par des
assiettes pleines de potage à la bisque. |
154 |
II, 1 |
Souper au bal masqué de
Rosanette |
154 |
II, 1 |
Alors,
elle prit sur le poêle une bouteille de vin de
Champagne, et elle le versa de haut, dans les
coupes qu’on lui tendait. Comme la table était
trop large, les convives, les femmes surtout, se
portèrent de son côté, en se dressant sur la
pointe des pieds, sur les barreaux des chaises, ce
qui forma pendant une minute un groupe pyramidal
de coiffures, d’épaules nues, de bras tendus, de
corps penchés ; et de longs jets de vin
rayonnaient dans tout cela, car le Pierrot et
Arnoux, aux deux angles de la salle, lâchant
chacun une bouteille, éclaboussaient les visages.
Les petits oiseaux de la volière, dont on avait
laissé la porte ouverte, envahirent la salle, tout
effarouchés, voletant autour du lustre, se cognant
contre les carreaux, contre les meubles ; et
quelques-uns, posés sur les têtes, faisaient au
milieu des chevelures comme de larges fleurs. |
156 |
II, 1 |
Le champagne au bal
masqué de Rosanette |
156 |
II, 1 |
Un
domestique en longues guêtres ouvrit la porte, et
l’on aperçut la salle à manger avec sa haute
plinthe en chêne relevé d’or et ses deux dressoirs
chargés de vaisselle. Les bouteilles de vin
chauffaient sur le poêle ; les lames des couteaux
neufs miroitaient près des huîtres ; il y avait
dans le ton laiteux des verres-mousseline comme
une douceur engageante, et la table disparaissait
sous du gibier, des fruits, des choses
extraordinaires. Ces attentions furent perdues
pour Sénécal.
Il commença par demander du pain de ménage (le
plus ferme possible), et, à ce propos, parla des
meurtres de Buzançais et de la crise des
subsistances. |
167 |
II, 2 |
Invitation chez
Frédéric pour pendre la crémaillère |
167 |
II, 2 |
Partout,
une valetaille à larges galons d’or circulait. Les
grandes torchères, comme des bouquets de feu,
s’épanouissaient sur les tentures ; elles se
répétaient dans les glaces ; et, au fond de la
salle à manger, que tapissait un treillage de
jasmin, le buffet ressemblait à un maître-autel de
cathédrale ou à une exposition d’orfèvrerie, tant
il y avait de plats, de cloches, de couverts et de
cuillers en argent et en vermeil, au milieu des
cristaux à facettes qui entrecroisaient,
par-dessus les viandes, des lueurs irisées. |
186 |
II, 2 |
Réception chez
Dambreuse |
186 |
II, 2 |
Deux
domestiques servaient, sans faire de bruit sur le
parquet ; et la hauteur de la salle, qui avait
trois portières en tapisserie et deux fontaines de
marbre blanc, le poli des réchauds, la disposition
des hors-d’œuvre, et jusqu’aux plis raides des
serviettes, tout ce bien-être luxueux établissait
dans la pensée de Frédéric un contraste avec un
autre déjeuner chez Arnoux. Il n’osait interrompre
M. Dambreuse. |
215 |
II, 3 |
Déjeuner des Dambreuse |
215 |
II, 3 |
La
Maréchale se mit à parcourir la carte, en
s’arrêtant aux noms bizarres.
— Si nous mangions, je suppose, un turban de
lapins à la Richelieu et un pudding à la
d’Orléans ?
— Oh ! pas d’Orléans ! s’écria Cisy, lequel
était légitimiste et crut faire un mot.
— Aimez-vous mieux un turbot à la Chambord ?
reprit-elle.
Cette politesse choqua Frédéric.
La Maréchale se décida pour un simple
tournedos, des écrevisses, des truffes, une salade
d’ananas, des sorbets à la vanille.
— Nous verrons ensuite. Allez toujours. Ah !
j’oubliais ! Apportez-moi un saucisson ! pas à
l’ail !
Et elle appelait le garçon « jeune homme »,
frappait son verre avec son couteau, jetait au
plafond la mie de son pain. Elle voulut boire tout
de suite du vin de Bourgogne. |
238 |
II, 4 |
Dîner au café Anglais
après les courses |
238 |
II, 4 |
Cisy
attendait encore quelqu’un, le baron de Comaing,
« qui peut-être viendra, ce n’est pas sûr ». Il
sortait à chaque minute, paraissait inquiet ;
enfin, à huit heures, on passa dans une salle
éclairée magnifiquement et trop spacieuse pour le
nombre des convives. Cisy l’avait choisie par
pompe, tout exprès.
Un surtout de vermeil, chargé de fleurs et de
fruits, occupait le milieu de la table, couverte
de plats d’argent, suivant la vieille mode
française ; des raviers, pleins de salaisons et
d’épices, formaient bordure tout autour ; des
cruches de vin rosat frappé de glace se dressaient
de distance en distance ; cinq verres de hauteur
différente étaient alignés devant chaque assiette
avec des choses dont on ne savait pas l’usage,
mille ustensiles de bouche ingénieux ; et il y
avait, rien que pour le premier service : une hure
d’esturgeon mouillée de champagne, un jambon
d’York au tokai, des grives au gratin, des cailles
rôties, un vol-au-vent Béchamel, un sauté de
perdrix rouges, et, aux deux bouts de tout cela,
des effilés de pommes de terre qui étaient mêlés à
des truffes. Un lustre et des girandoles
illuminaient l’appartement, tendu de damas rouge.
Quatre domestiques en habit noir se tenaient
derrière les fauteuils de maroquin. À ce
spectacle, les convives se récrièrent, le
Précepteur surtout.
— Notre amphitryon, ma parole, a fait de
véritables folies ! C’est trop beau !
— Ça ? dit le vicomte de Cisy, allons donc ! |
245 |
II, 4 |
Dîner offert par Cisy à
la Maison d’or |
245-249 |
II, 4 |
Dussardier,
trois jours d’avance, avait ciré lui-même les
pavés rouges de sa mansarde, battu le fauteuil et
épousseté la cheminée, où l’on voyait sous un
globe une pendule d’albâtre entre une stalactite
et un coco. Comme ses deux chandeliers et son
bougeoir n’étaient pas suffisants, il avait
emprunté au concierge deux flambeaux ; et ces cinq
luminaires brillaient sur la commode, que
recouvraient trois serviettes, afin de supporter
plus décemment des macarons, des biscuits, une
brioche et douze bouteilles de bière.
[…] Dussardier déboucha une bouteille de bière ;
la mousse éclaboussa les rideaux, il n’y prit
garde ; il chargeait les pipes, coupait la
brioche, en offrait, était descendu plusieurs fois
pour voir si le punch allait venir ; |
286-287 |
II, 6 |
Punch chez Dussardier |
286-287 |
II, 6 |
Puis
il l’emmena déjeuner rue de Chartres, chez Parly
et, comme il avait besoin de se refaire, il se
commanda deux plats de viande, un homard, une
omelette au rhum, une salade, etc., le tout arrosé
d’un sauterne 1819, avec un romanée 42, sans
compter le champagne au dessert, et les liqueurs. |
338 |
III, 1 |
Déjeuner chez Parly
avec Arnoux |
338 |
III, 1 |
Ce
soir-là, ils dînèrent dans une auberge, au bord de
la Seine. La table était près de la fenêtre,
Rosanette en face de lui ; et il contemplait son
petit nez fin et blanc, ses lèvres retroussées,
ses yeux clairs, ses bandeaux châtains qui
bouffaient, sa jolie figure ovale. Sa robe de
foulard écru collait à ses épaules un peu
tombantes ; et, sortant de leurs manchettes tout
unies, ses deux mains découpaient, versaient à
boire, s’avançaient sur la nappe. On leur servit
un poulet avec les quatre membres étendus, une
matelote d’anguilles dans un compotier en terre de
pipe, du vin râpeux, du pain trop dur, des
couteaux ébréchés. Tout cela augmentait le
plaisir, l’illusion. Ils se croyaient presque au
milieu d’un voyage, en Italie, dans leur lune de
miel. |
348 |
III, 1 |
Dîner dans une auberge
des bords de Seine avec Rosanette |
348 |
III, 1 |
Sous
les feuilles vertes d’un ananas, au milieu de la
nappe, une dorade s’allongeait, le museau tendu
vers un quartier de chevreuil et touchant de sa
queue un buisson d’écrevisses. Des figues, des
cerises énormes, des poires et des raisins
(primeurs de la culture parisienne) montaient en
pyramides dans des corbeilles de vieux saxe ; une
touffe de fleurs, par intervalles, se mêlait aux
claires argenteries ; les stores de soie blanche,
abaissés devant les fenêtres, emplissaient
l’appartement d’une lumière douce ; il était
rafraîchi par deux fontaines où il y avait des
morceaux de glace ; et de grands domestiques en
culotte courte servaient. Tout cela semblait
meilleur après l’émotion des jours passés. On
rentrait dans la jouissance des choses que l’on
avait eu peur de perdre ; et Nonancourt exprima le
sentiment général en disant :
— Ah ! espérons que MM. les républicains vont
nous permettre de dîner !
— Malgré leur fraternité ! ajouta
spirituellement le père Roque. |
363 |
III, 2 |
Réception à l’hôtel
Dambreuse |
363 |
III, 2 |
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Philippe Lavergne et Danielle Girard
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