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Extraits de l'œuvre |
Édition |
Chapitre |
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Sénécal
était un répétiteur de mathématiques, homme de
forte tête et de convictions républicaines, un
futur Saint-Just, disait le clerc. Frédéric avait
monté trois fois ses cinq étages sans en recevoir
aucune visite. Il n’y retourna plus. |
60 |
I, 3 |
Un jeune homme occupait
le second fauteuil. Le clerc dit en le montrant :
— C’est lui ! le voilà ! Sénécal !
Ce garçon déplut à Frédéric. Son front était
rehaussé par la coupe de ses cheveux taillés en
brosse. Quelque chose de dur et de froid perçait
dans ses yeux gris ; et sa longue redingote noire,
tout son costume sentait le pédagogue et
l’ecclésiastique. |
85 |
I, 5 |
D’abord,
on causa des choses du jour, entre autres du Stabat
de Rossini ; Sénécal, interrogé, déclara
qu’il n’allait jamais au théâtre. |
85 |
I, 5 |
Le répétiteur de
mathématiques feuilletait un volume de Louis
Blanc. Il l’avait apporté lui-même, et lisait à
voix basse des passages. |
85 |
I, 5 |
puis
ils vinrent à s’entretenir du dîner chez Arnoux.
— Le marchand de tableaux ? demanda Sénécal.
Joli monsieur, vraiment !
— Pourquoi donc ? dit Pellerin.
Sénécal répliqua :
— Un homme qui bat monnaie avec des turpitudes
politiques !
Et il se mit à parler d’une lithographie célèbre,
représentant toute la famille royale livrée à des
occupations édifiantes. |
85 |
I, 5 |
Sénécal protesta. L’Art
devait exclusivement viser à la moralisation des
masses ! Il ne fallait reproduire que des sujets
poussant aux actions vertueuses ; les autres
étaient nuisibles.
— Mais ça dépend de l’exécution ? cria
Pellerin. Je peux faire des chefs-d’œuvre !
— Tant pis pour vous, alors ! on n’a pas le
droit…
— Comment ?
— Non ! monsieur, vous n’avez pas le droit de
m’intéresser à des choses que je réprouve !
Qu’avons-nous besoin de laborieuses bagatelles,
dont il est impossible de tirer aucun profit, de
ces Vénus, par exemple, avec tous vos paysages ?
Je ne vois pas là d’enseignement pour le peuple !
Montrez-nous ses misères, plutôt !
enthousiasmez-nous pour ses sacrifices ! Eh ! bon
Dieu, les sujets ne manquent pas : la ferme,
l’atelier… |
86 |
I, 5 |
Pellerin en balbutiait d’indignation, et, croyant
avoir trouvé un argument :
— Molière, l’acceptez-vous ?
— Soit ! dit Sénécal. Je l’admire comme
précurseur de la Révolution française.
— Ah ! la Révolution ! Quel art ! Jamais il
n’y a eu d’époque plus pitoyable !
— Pas de plus grande, monsieur ! |
86 |
I, 5 |
Pellerin se croisa les
bras, et, le regardant en face :
— Vous m’avez l’air d’un fameux garde
national !
Son antagoniste, habitué aux discussions,
répondit :
— Je n’en suis pas ! et je la
déteste autant que vous. Mais, avec des principes
pareils, on corrompt les foules ! Ça fait le
compte du Gouvernement, du reste ; il ne serait
pas si fort sans la complicité d’un tas de
farceurs comme celui-là. |
86 |
I, 5 |
—
À moi ? non ! Je l’ai vu, une fois, au café, avec
un ami. Voilà tout.
Sénécal disait vrai. Mais il se trouvait
agacé, quotidiennement, par les réclames de l’Art
industriel. Arnoux était, pour lui, le
représentant d’un monde qu’il jugeait funeste à la
démocratie. Républicain austère, il suspectait de
corruption toutes les élégances, n’ayant
d’ailleurs aucun besoin, et étant d’une probité
inflexible. |
87 |
I, 5 |
Sénécal posa sur le
chambranle sa chope de bière, et déclara
dogmatiquement que, la prostitution étant une
tyrannie et le mariage une immoralité, il valait
mieux s’abstenir |
91 |
I, 5 |
Un
soir qu’il venait de partir, et que la neige
tombait, Sénécal se mit à plaindre son cocher.
Puis il déclama contre les gants jaunes, le
Jockey-Club. Il faisait plus de cas d’un ouvrier
que de ces messieurs.
— Moi, je travaille, au moins ! je suis
pauvre !
— Cela se voit, dit à la fin Frédéric,
impatienté. |
92 |
I, 5 |
Sénécal — qui avait
un crâne en pointe — ne considérait que les
systèmes. Regimbart, au contraire, ne voyait dans
les faits que les faits. |
92 |
I, 5 |
Cette gaminerie ne dérida pas Sénécal. Il venait
d’être chassé de sa pension, pour avoir battu un
fils d’aristocrate. Sa misère augmentant, il s’en
prenait à l’ordre social, maudissait les riches ;
|
119 |
I, 5 |
Deslauriers lui
apprenait qu’il avait recueilli Sénécal ; et,
depuis quinze jours, ils vivaient ensemble. |
125 |
I, 6 |
Compte
dessus ! répondit-il. Ça ne peut pas durer ! on
souffre trop ! Quand je vois dans la misère des
gens comme Sénécal… |
143 |
II, 1 |
Le répétiteur avait été
congédié de son troisième pensionnat pour n’avoir
point voulu de distribution de prix, usage qu’il
regardait comme funeste à l’égalité. |
166 |
II, 2 |
Il
était maintenant chez un constructeur de machines,
et n’habitait plus avec Deslauriers depuis six
mois.
Leur séparation n’avait eu rien de pénible.
Sénécal, dans les derniers temps, recevait des
hommes en blouse, tous patriotes, tous
travailleurs, tous braves gens, mais dont la
compagnie semblait fastidieuse à l’avocat. |
166 |
II, 2 |
Les convictions de
Sénécal étaient plus désintéressées. Chaque soir,
quand sa besogne était finie, il regagnait sa
mansarde, et il cherchait dans les livres de quoi
justifier ses rêves. Il avait annoté le Contrat
social. Il se bourrait de la Revue
Indépendante. Il connaissait Mably,
Morelly, Fourier, Saint-Simon, Comte, Cabet, Louis
Blanc la lourde charretée des écrivains
socialistes, ceux qui réclament pour l’humanité le
niveau des casernes, ceux qui voudraient la
divertir dans un lupanar ou la plier sur un
comptoir ; et, du mélange de tout cela, il s’était
fait un idéal de démocratie vertueuse, ayant le
double aspect d’une métairie et d’une filature,
une sorte de Lacédémone américaine où l’individu
n’existerait que pour servir la Société, plus
omnipotente, absolue, infaillible et divine que
les Grands Lamas et les Nabuchodonosors. |
166 |
II, 2 |
Il
n’avait pas un doute sur l’éventualité prochaine
de cette conception ; et tout ce qu’il jugeait lui
être hostile, Sénécal s’acharnait dessus, avec des
raisonnements de géomètre et une bonne foi
d’inquisiteur. Les titres nobiliaires, les croix,
les panaches, les livrées surtout, et même les
réputations trop sonores le scandalisaient, ses
études comme ses souffrances avivant chaque jour
sa haine essentielle de toute distinction ou
supériorité quelconque. |
166 |
II, 2 |
Ils trouvèrent leur ami
dans sa chambre à coucher. Stores et doubles
rideaux, glace de Venise, rien n’y manquait ;
Frédéric, en veste de velours, était renversé dans
une bergère, où il fumait des cigarettes de tabac
turc.
Sénécal se rembrunit, comme les cagots amenés
dans les réunions de plaisir. |
167 |
II, 2 |
la
table disparaissait sous du gibier, des fruits,
des choses extraordinaires. Ces attentions furent
perdues pour Sénécal. Il commença par demander du
pain de ménage (le plus ferme possible), |
167 |
II, 2 |
à ce propos, parla des
meurtres de Buzançais et de la crise des
subsistances.
Rien de tout cela ne serait survenu si on
protégeait mieux l’agriculture, si tout n’était
pas livré à la concurrence, à l’anarchie, à la
déplorable maxime du « laissez faire, laissez
passer » ! Voilà comment se constituait la
féodalité de l’argent, pire que l’autre ! Mais
qu’on y prenne garde ! le peuple, à la fin, se
lassera, et pourrait faire payer ses souffrances
aux détenteurs du capital, soit par de sanglantes
proscriptions, ou par le pillage de leurs hôtels. |
167 |
II, 2 |
Sénécal continuait : l’ouvrier, vu l’insuffisance
des salaires, était plus malheureux que l’ilote,
le nègre et le paria, s’il a des enfants surtout.
— Doit-il s’en débarrasser par l’asphyxie,
comme le lui conseille je ne sais plus quel
docteur anglais, issu de Malthus ?
Et se tournant vers Cisy :
— En serons-nous réduits aux conseils de
l’infâme Malthus ?
Cisy, qui ignorait l’infamie et même
l’existence de Malthus, répondit qu’on secourait
pourtant beaucoup de misères, et que les classes
élevées…
— Ah ! les classes élevées ! dit, en ricanant,
le socialiste. D’abord, il n’y a pas de classes
élevées ; on n’est élevé que par le cœur ! Nous ne
voulons pas d’aumônes, entendez-vous ! mais
l’égalité, la juste répartition des produits.
Ce qu’il demandait, c’est que l’ouvrier pût
devenir capitaliste, comme le soldat colonel. Les
jurandes, au moins, en limitant le nombre des
apprentis, empêchaient l’encombrement des
travailleurs, et le sentiment de la fraternité se
trouvait entretenu par les fêtes, les bannières. |
167 |
II, 2 |
— Ces deux savants ne
sont donc pas de l’avis de Voltaire ?
— Celui-là, je vous l’abandonne ! reprit
Sénécal.
— Comment ? moi, je croyais…
— Eh non ! il n’aimait pas le peuple ! |
168 |
II, 2 |
Puis
la conversation descendit aux événements
contemporains : les mariages espagnols, les
dilapidations de Rochefort, le nouveau chapitre de
Saint-Denis, ce qui amènerait un redoublement
d’impôts. Selon Sénécal, on en payait assez,
cependant !
— Et pourquoi, mon Dieu ? pour élever des
palais aux singes du Muséum, faire parader sur nos
places de brillants états-majors, ou soutenir,
parmi les valets du Château, une étiquette
gothique !
— J’ai lu dans la Mode, dit Cisy,
qu’à la Saint-Ferdinand, au bal des Tuileries,
tout le monde était déguisé en chicards.
— Si ce n’est pas pitoyable ! fit le
socialiste, en haussant de dégoût les épaules. |
168-169 |
II, 2 |
Bref, « il ne
donnait plus là-dedans », il était « revenu de
tout ça ! » C’était comme le serpent de mer, la
révocation de l’édit de Nantes et « cette vieille
blague de la Saint-Barthélemy ! »
Sénécal, sans défendre les Polonais, releva
les derniers mots de l’homme de lettres. On avait
calomnié les papes, qui, après tout, défendaient
le peuple, et il appelait la Ligue « l’aurore de
la Démocratie, un grand mouvement égalitaire
contre l’individualisme des protestants ». |
170 |
II, 2 |
Frédéric
était un peu surpris par ces idées. Elles
ennuyaient Cisy probablement, car il mit la
conversation sur les tableaux vivants du Gymnase,
qui attiraient alors beaucoup de monde.
Sénécal s’en affligea. De tels spectacles
corrompaient les filles du prolétaire ; puis on
les voyait étaler un luxe insolent. Aussi
approuvait-il les étudiants bavarois qui avaient
outragé Lola Montés. À l’instar de Rousseau, il
faisait plus de cas de la femme d’un charbonnier
que de la maîtresse d’un roi. |
170 |
II, 2 |
Le dessert était fini ;
on passa dans le salon, tendu, comme celui de la
Maréchale, en damas jaune, et de style Louis XVI.
Pellerin blâma Frédéric de n’avoir pas choisi,
plutôt, le style néo-grec ; Sénécal frotta des
allumettes contre les tentures ; Deslauriers ne
fit aucune observation. |
171 |
II, 2 |
—
Pourquoi donc, dit Sénécal, n’avez-vous pas les
volumes de nos poètes-ouvriers ? |
171 |
II, 2 |
Sénécal critiqua la
futilité de son intérieur. |
172 |
II, 2 |
Les
discours incendiaires de Sénécal avaient inquiété
son patron, et, une fois de plus, il se trouvait
sans ressources.
— Que veux-tu que j’y fasse ? dit Frédéric.
— Rien ! tu n’as pas d’argent, je le sais.
Mais ça ne te gênerait guère de lui découvrir une
place, soit par M. Dambreuse ou bien Arnoux ?
Celui-ci devait avoir besoin d’ingénieurs dans
son établissement. Frédéric eut une inspiration :
Sénécal pourrait l’avertir des absences du mari,
porter des lettres, l’aider dans mille occasions
qui se présenteraient. D’homme à homme, on se rend
toujours ces services-là. D’ailleurs, il
trouverait moyen de l’employer sans qu’il s’en
doutât. Le hasard lui offrait un auxiliaire,
c’était de bon augure, il fallait le saisir ; et,
affectant de l’indifférence, il répondit que la
chose peut-être était faisable et qu’il s’en
occuperait. |
176 |
II, 2 |
Frédéric exalta les
connaissances prodigieuses de Sénécal, tout à la
fois ingénieur, chimiste et comptable, étant un
mathématicien de première force.
Le faïencier consentit à le voir.
Tous deux se chamaillèrent sur les émoluments.
Frédéric s’interposa et parvint, au bout de la
semaine, à leur faire conclure un arrangement.
Mais, l’usine étant située à Creil, Sénécal ne
pouvait en rien l’aider. |
176-177 |
II, 2 |
Au
milieu de la cour se tenait Sénécal, avec son
éternel paletot bleu, doublé de rouge.
L’ancien répétiteur tendit sa main froide.
— Vous venez pour le patron ? Il n’est pas là. |
220 |
II, 3 |
Et il entama une
kyrielle de plaintes. En acceptant les conditions
du fabricant, il avait entendu demeurer à Paris,
et non s’enfouir dans cette campagne, loin de ses
amis, privé de journaux. N’importe ! il avait
passé par là-dessus ! Mais Arnoux ne paraissait
faire nulle attention à son mérite. Il était borné
d’ailleurs, et rétrograde, ignorant comme pas un.
Au lieu de chercher des perfectionnements
artistiques, mieux aurait valu introduire des
chauffages à la houille et au gaz. Le bourgeois s’enfonçait ; Sénécal
appuya sur le mot. Bref, ses occupations lui
déplaisaient ; et il somma presque Frédéric de
parler en sa faveur, afin qu’on augmentât ses
émoluments. |
220-221 |
II, 3 |
Il allait répondre, Sénécal entra.
M. le sous-directeur, dès le seuil, s’aperçut
d’une infraction au règlement. Les ateliers
devaient être balayés toutes les semaines ; on
était au samedi, et, comme les ouvriers n’en
avaient rien fait, Sénécal leur déclara qu’ils
auraient à rester une heure de plus. « Tant pis
pour vous ! »
Ils se penchèrent sur leurs pièces, sans
murmurer ; mais on devinait leur colère au souffle
rauque de leur poitrine. Ils étaient, d’ailleurs,
peu faciles à conduire, tous ayant été chassés de
la grande fabrique. Le républicain les gouvernait
durement. Homme de théories, il ne considérait que
les masses et se montrait impitoyable pour les
individus. |
223-224 |
II, 3 |
Frédéric, gêné par sa
présence, demanda bas à Mme Arnoux s’il n’y avait
pas moyen de voir les fours. Ils descendirent au
rez-de-chaussée ; et elle était en train
d’expliquer l’usage des cassettes, quand Sénécal,
qui les avait suivis, s’interposa entre eux.
Il continua de lui-même la démonstration,
s’étendit sur les différentes sortes de
combustibles, l’enfournement, les pyroscopes, les
alandiers, les engobes, les lustres et les métaux,
prodiguant les termes de chimie, chlorure,
sulfure, borax, carbonate. Frédéric n’y comprenait
rien, et à chaque minute se retournait vers
Mme Arnoux.
— Vous n’écoutez pas, dit-elle. M. Sénécal
pourtant est très clair. Il sait toutes ces choses
beaucoup mieux que moi.
Le mathématicien flatté de cet éloge, proposa
de faire voir le posage des couleurs. |
223 |
II, 3 |
Et,
quand ils furent en haut, Sénécal ouvrit la porte
d’un appartement rempli de femmes. […]
Le règlement interdisait de manger dans les
ateliers, mesure de propreté pour la besogne et
d’hygiène pour les travailleurs.
Sénécal, par sentiment du devoir ou besoin
de despotisme, s’écria de loin, en indiquant une
affiche dans un cadre :
— Hé ! là-bas, la Bordelaise ! lisez-moi tout
haut l’article 9.
— Eh bien, après ?
— Après, mademoiselle ? C’est trois francs
d’amende que vous payerez !
Elle le regarda en face, impudemment.
— Qu’est-ce que ça me fait ? Le patron, à son
retour, la lèvera votre amende ! Je me fiche de
vous, mon bonhomme !
Sénécal, qui se promenait les mains derrière
le dos, comme un pion dans une salle d’études se
contenta de sourire.
— Article 19, insubordination, dix francs !
La Bordelaise se remit à sa besogne. |
224-225 |
II, 3 |
Frédéric murmura :
— Ah ! pour un démocrate, vous êtes bien dur !
L’autre répondit magistralement :
— La démocratie n’est pas le dévergondage de
l’individualisme. C’est le niveau commun sous la
loi, la répartition du travail, l’ordre !
— Vous oubliez l’humanité ! dit Frédéric.
Mme Arnoux prit son bras ; Sénécal, offensé
peut-être de cette approbation silencieuse, s’en
alla. |
225 |
II, 3 |
Mais,
quand il fut assis près d’elle, son embarras
commença ; le point de départ lui manquait.
Sénécal, heureusement, vint à sa pensée.
— Rien de plus sot, dit-il, que cette punition
Mme Arnoux reprit :
— Il y a des sévérités indispensables. |
225 |
II, 3 |
Il venait de partir
que Sénécal se présenta.
Frédéric, troublé, eut un mouvement
d’inquiétude.
— Qu’y a-t-il ?
Sénécal conta son histoire.
— Samedi, vers neuf heures, Mme Arnoux a reçu
une lettre qui l’appelait à Paris ; comme
personne, par hasard, ne se trouvait là pour aller
à Creil chercher une voiture, elle avait envie
de m’y faire aller moi-même. J’ai refusé, car ça
ne rentre pas dans mes fonctions. Elle est partie,
et revenue dimanche soir. Hier matin, Arnoux tombe
à la fabrique. La Bordelaise s’est plainte. Je ne
sais pas ce qui se passe entre eux, mais il a levé
son amende devant tout le monde. Nous avons
échangé des paroles vives. Bref, il m’a donné mon
compte, et me voilà !
Puis, détachant ses paroles :
— Au reste, je ne me repens pas, j’ai fait mon
devoir. N’importe, c’est à cause de vous.
— Comment ? s’écria Frédéric, ayant peur que
Sénécal ne l’eût deviné.
Sénécal n’avait rien deviné, car il reprit :
— C’est-à-dire que, sans vous, j’aurais
peut-être trouvé mieux.
— En quoi puis-je vous servir, maintenant ?
Sénécal demandait un emploi quelconque, une
place. |
242-243 |
II, 4 |
Puis,
oubliant ses misères, il parla des choses de la
patrie, les croix d’honneur prodiguées à la fête
du Roi, un changement de cabinet, les affaires
Drouillard et Bénier, scandales de l’époque,
déclama contre les bourgeois et prédit une
révolution.
Un crid japonais suspendu contre le mur arrêta
ses yeux. Il le prit, en essaya le manche, puis le
rejeta sur le canapé, avec un air de dégoût.
— Allons, adieu ! Il faut que j’aille à
Notre-Dame de Lorette.
— Tiens ! pourquoi ?
— C’est aujourd’hui le service anniversaire de
Godefroy Cavaignac. Il est mort à l’œuvre,
celui-là ! Mais tout n’est pas fini !… Qui sait ?
Et Sénécal tendit sa main, bravement.
— Nous ne nous reverrons peut-être jamais !
adieu !
Cet adieu, répété deux fois, son froncement de
sourcils en contemplant le poignard, sa
résignation et son air solennel, surtout, firent
rêver Frédéric, qui bientôt n’y pensa plus. |
243-244 |
II, 4 |
Le matin, sur le
boulevard, un homme qui courait à perdre haleine
s’était heurté contre lui ; et, l’ayant reconnu
pour un ami de Sénécal, lui avait dit :
— On vient de le prendre, je me sauve !
Rien de plus vrai. Dussardier avait passé la
journée aux informations. Sénécal était sous les
verrous, comme prévenu d’attentat politique. |
258 |
II, 4 |
Fils
d’un contremaître, né à Lyon et ayant eu pour
professeur un ancien disciple de Chalier, dès son
arrivée à Paris, il s’était fait recevoir de la
Société des Familles, ses habitudes étaient
connues ; la police le surveillait. Il s’était
battu dans l’affaire de mai 1839 ; et, depuis
lors, se tenait à l’ombre, mais s’exaltant de plus
en plus, fanatique d’Alibaud, mêlant ses griefs
contre la société à ceux du peuple contre la
monarchie, et s’éveillant chaque matin avec
l’espoir d’une révolution qui, en quinze jours ou
un mois, changerait le monde. Enfin, écœuré par la
mollesse de ses frères, furieux des retards qu’on
opposait à ses rêves et désespérant de la patrie,
il était entré comme chimiste dans le complot des
bombes incendiaires ; et on l’avait surpris
portant de la poudre qu’il allait essayer à
Montmartre, tentative suprême pour établir la
République. |
258 |
II, 4 |
Tout le mal répandu sur
la terre, il l’attribuait naïvement au Pouvoir ;
et il le haïssait d’une haine essentielle,
permanente, qui lui tenait tout le cœur et
raffinait sa sensibilité. Les déclamations de
Sénécal l’avaient ébloui. Qu’il fût coupable ou
non, et sa tentative odieuse, peu importait ! Du
moment qu’il était la victime de l’Autorité, on
devait le servir. |
258 |
II, 4 |
Sénécal lui apparut plus grand qu’il ne croyait.
Il se rappela ses souffrances, sa vie austère ;
sans avoir pour lui l’enthousiasme de Dussardier,
il éprouvait néanmoins cette admiration qu’inspire
tout homme se sacrifiant à une idée. Il se disait
que, s’il l’eût secouru, Sénécal n’en serait pas
là ; et les deux amis cherchèrent laborieusement
quelque combinaison pour le sauver. |
259 |
II, 4 |
Mais la voix de
Martinon s’éleva :
— À propos d’Arnoux, j’ai lu parmi les prévenus
des bombes incendiaires, le nom d’un de ses
employés. Sénécal. Est-ce le nôtre ?
— Lui-même, dit Frédéric.
Martinon répéta, en criant très haut :
— Comment, notre Sénécal ! notre Sénécal !
Alors, on le questionna sur le complot ; sa
place d’attaché au parquet devait lui fournir des
renseignements.
Il confessa n’en pas avoir. Du reste, il
connaissait fort peu le personnage, l’ayant vu
deux ou trois fois seulement, et le tenait en
définitive pour un assez mauvais drôle. Frédéric,
indigné, s’écria :
— Pas du tout ! c’est un très honnête garçon !
— Cependant, monsieur, dit un propriétaire, on
n’est pas honnête quand on conspire ! |
264 |
II, 4 |
Enfin
il paraissait si furieux contre tout et d’un
radicalisme tellement absolu que Frédéric ne put
s’empêcher de lui dire :
— Te voilà comme Sénécal.
Deslauriers, à ce propos, lui apprit qu’il était
sorti de Sainte-Pélagie, l’instruction n’ayant
point fourni assez de preuves, sans doute, pour le
mettre en jugement. |
286 |
II, 6 |
Dans la joie de cette
délivrance, Dussardier voulut « offrir un punch »,
et pria Frédéric « d’en être », en l’avertissant
toutefois qu’il se trouverait avec Hussonnet,
lequel s’était montré excellent pour Sénécal.
En effet, le Flambard venait de
s’adjoindre un cabinet d’affaires, portant sur ses
prospectus : « Comptoir des vignobles. — Office de
publicité. — Bureau de recouvrements et
renseignements, etc. » Mais le bohème craignait
que son industrie ne fît du tort à sa
considération littéraire, et il avait pris le
mathématicien pour tenir les comptes. Bien que la
place fût médiocre, Sénécal, sans elle, serait
mort de faim. |
286 |
II, 6 |
Les
convives étaient (outre Deslauriers et Sénécal) un
pharmacien nouvellement reçu, mais qui n’avait pas
les fonds nécessaires pour s’établir ; un jeune
homme de sa maison, un placeur de vins, un
architecte et un monsieur employé dans les
assurances. Regimbart n’avait pu venir. On le
regretta. |
286 |
II, 6 |
Ils accueillirent
Frédéric avec de grandes marques de sympathie,
tous connaissant par Dussardier son langage chez
M. Dambreuse. Sénécal se contenta de lui offrir la
main, d’un air digne.
Il se tenait debout contre la cheminée. Les
autres, assis et la pipe aux lèvres, l’écoutaient
discourir sur le suffrage universel, d’où devait
résulter le triomphe de la Démocratie,
l’application des principes de l’Évangile. Du
reste, le moment approchait ; les banquets
réformistes se multipliaient dans les provinces,
le Piémont, Naples, la Toscane… |
287 |
II, 6 |
Sénécal
exécrait bien plus M. Cousin, car l’éclectisme,
enseignant à tirer la certitude de la raison,
développait l’égoïsme, détruisait la solidarité ;
|
287 |
II, 6 |
Il s’ensuivit des
récriminations contre les loups-cerviers de la
Bourse et la corruption des fonctionnaires. On
devait remonter plus haut, selon Sénécal, et
accuser, tout d’abord, les princes, qui
ressuscitaient les mœurs de la Régence.
— N’avez-vous pas vu, dernièrement, les amis
du duc de Montpensier revenir de Vincennes, ivres
sans doute, et troubler par leurs chansons les
ouvriers du faubourg Saint-Antoine ?
— On a même crié : À bas les voleurs ! dit le
pharmacien. J’y étais, j’ai crié !
— Tant mieux ! le Peuple enfin se réveille
depuis le procès Teste-Cubières.
— Moi, ce procès-là m’a fait de la peine, dit
Dussardier, parce que ça déshonore un vieux
soldat !
— Savez-vous, continua Sénécal, qu’on a
découvert chez la duchesse de Praslin… ? |
288 |
II, 6 |
Il
venait de voir, au théâtre de Dumas, le Chevalier
de Maison-Rouge, et « trouvait ça
embêtant ».
Un jugement pareil étonna les démocrates, ce
drame, par ses tendances, ses décors plutôt,
caressant leurs passions. Ils protestèrent.
Sénécal, pour en finir, demanda si la pièce
servait la Démocratie.
— Oui… peut-être ; mais c’est d’un style…
— Eh bien, elle est bonne, alors ; qu’est-ce
que le style ? c’est l’idée ! |
288 |
II, 6 |
Il ajouta que, la
semaine dernière, on avait condamné pour outrages
au Roi, un nommé Rouget.
— Rouget est frit ! dit Hussonnet.
Cette plaisanterie parut tellement
inconvenante à Sénécal, qu’il lui reprocha de
défendre « le jongleur de l’Hôtel de Ville, l’ami
du traître Dumouriez ».
— Moi ? au contraire !
Il trouvait Louis-Philippe poncif, garde
national, tout ce qu’il y avait de plus épicier et
bonnet de coton ! |
289 |
II, 6 |
Et le
pharmacien, qui tournait le punch indéfiniment,
entonna à pleine poitrine :
J’ai deux grands bœufs dans mon étable,
Deux grands bœufs blancs…
Sénécal lui mit la main sur la bouche, il
n’aimait pas le désordre ; et les locataires
apparaissaient à leurs carreaux, surpris du tapage
insolite qui se faisait dans le logement de
Dussardier. |
290 |
II, 6 |
Au bureau du
président, Sénécal parut.
Cette surprise, avait pensé le bon commis,
plairait à Frédéric. Elle le contraria.
La foule témoignait à son président une grande
déférence. Il était de ceux qui, le 25 février,
avaient voulu l’organisation immédiate du travail,
le lendemain, au Prado, il s’était prononcé pour
qu’on attaquât l’Hôtel de Ville ; et, comme chaque
personnage se réglait alors sur un modèle, l’un
copiant Saint-Just, l’autre Danton, l’autre Marat,
lui, il tâchait de ressembler à Blanqui, lequel
imitait Robespierre. Ses gants noirs et ses
cheveux en brosse lui donnaient un aspect rigide,
extrêmement convenable.
Il ouvrit la séance par la déclaration des
Droits de l’homme et du citoyen, acte de foi
habituel. |
325 |
III, 1 |
L’impatience
éclata d’abord en murmures, en conversations ;
rien ne le troublait. Puis on se mit à siffler, on
appelait « Azor » ; Sénécal gourmanda le public ;
l’orateur continuait comme une machine. Il fallut,
pour l’arrêter, le prendre par le coude. |
326 |
III, 1 |
— Plus d’académies !
plus d’Institut
— Plus de missions !
— Plus de baccalauréat !
— À bas les grades universitaires !
— Conservons-les, dit Sénécal, mais qu’ils
soient conférés par le suffrage universel, par le
Peuple, seul vrai juge ! |
329 |
III, 1 |
Le
plus utile, d’ailleurs, n’était pas cela. Il
fallait d’abord passer le niveau sur la tête des
riches ! Et il les représenta se gorgeant de
crimes sous leurs plafonds dorés, tandis que les
pauvres, se tordant de faim dans leurs galetas,
cultivaient toutes les vertus. Les
applaudissements devinrent si forts, qu’il
s’interrompit. Pendant quelques minutes, il resta
les paupières closes, la tête renversée et comme
se berçant sur cette colère qu’il soulevait.
Puis, il se remit à parler d’une façon
dogmatique, en phrases impérieuses comme des lois.
L’État devait s’emparer de la Banque et
des Assurances. Les héritages seraient abolis. On
établirait un fond social pour les travailleurs.
Bien d’autres mesures étaient bonnes dans
l’avenir. Celles-là, pour le moment, suffisaient
|
329 |
III, 1 |
et, revenant aux
élections :
— Il nous faut des citoyens purs, des hommes
entièrement neufs ! Quelqu’un se présente-t-il ?
Frédéric se leva. Il y eut un bourdonnement
d’approbation causé par ses amis. Mais Sénécal,
prenant une figure à la Fouquier-Tinville, se mit
à l’interroger sur ses nom, prénoms, antécédents,
vie et mœurs.
Frédéric lui répondait sommairement et se mordait
les lèvres. Sénécal demanda si quelqu’un voyait un
empêchement à cette candidature.
— Non ! non !
Mais lui, il en voyait. Tous se penchèrent et
tendirent les oreilles. Le citoyen postulant
n’avait pas livré une certaine somme promise pour
une fondation démocratique, un journal. De plus,
le 22 février, bien que suffisamment averti, il
avait manqué au rendez-vous, place du Panthéon.
— Je jure qu’il était aux Tuileries ! s’écria
Dussardier.
— Pouvez-vous jurer l’avoir vu au Panthéon ?
Dussardier baissa la tête. Frédéric se
taisait ; ses amis scandalisés le regardaient avec
inquiétude.
— Au moins, reprit Sénécal, connaissez-vous un
patriote qui nous réponde de vos principes ?
— Moi ! dit Dussardier.
— Oh ! cela ne suffit pas ! un autre ! |
330 |
III, 1 |
—
C’est absurde à la fin ! personne ne comprend !
Cette observation exaspéra la foule.
— À la porte ! à la porte !
— Qui ? moi ? demanda Frédéric.
— Vous-même ! dit majestueusement Sénécal.
Sortez ! |
331 |
III, 1 |
Sénécal, enfermé aux
Tuileries sous la terrasse du bord de l’eau,
n’avait rien de ces angoisses.
Ils étaient là, neuf cents hommes, entassés dans l’ordure,
pêle-mêle, noirs de poudre et de sang caillé,
grelottant la fièvre, criant de rage ; et on ne
retirait pas ceux qui venaient à mourir parmi les
autres. Quelquefois, au bruit soudain d’une
détonation, ils croyaient qu’on allait tous les
fusiller ; alors, ils se précipitaient contre les
murs, puis retombaient à leur place, tellement
hébétés par la douleur, qu’il leur semblait vivre
dans un cauchemar, une hallucination funèbre. |
357-358 |
III, 1 |
—
Mieux vaudrait crever sur les pontons de
Belle-Isle, avec Sénécal !
Frédéric, qui arrangeait alors sa cravate,
n’eut pas l’air très ému par cette nouvelle.
— Ah ! il est déporté, ce bon Sénécal ? |
388 |
III, 4 |
Vers le milieu de
janvier, un matin, Sénécal entra dans son
cabinet ; et à son exclamation d’étonnement,
répondit qu’il était secrétaire de Deslauriers. Il
lui apportait même une lettre. Elle contenait de
bonnes nouvelles, et le blâmait cependant de sa
négligence ; il fallait venir là-bas.
Le futur député dit qu’il se mettrait en route
le surlendemain.
Sénécal n’exprima pas d’opinion sur cette
candidature. |
394 |
III, 4 |
Il
parla de sa personne, et des affaires du pays.
Si lamentables qu’elles fussent, elles le
réjouissaient ; car on marchait au communisme.
D’abord, l’Administration y menait d’elle-même,
puisque, chaque jour, il y avait plus de choses
régies par le Gouvernement. Quant à la Propriété,
la Constitution de 48, malgré ses faiblesses, ne
l’avait pas ménagée ; au nom de l’utilité
publique, l’État pouvait prendre désormais ce
qu’il jugeait lui convenir. |
|
|
Sénécal se déclara
pour l’Autorité ; et Frédéric aperçut dans ses
discours l’exagération de ses propres paroles à
Deslauriers. Le républicain tonna même contre
l’insuffisance des masses.
— Robespierre, en défendant le droit du petit
nombre, amena Louis XVI devant la Convention
nationale, et sauva le peuple. La fin des choses
les rend légitimes. La dictature est quelquefois
indispensable. Vive la tyrannie, pourvu que le
tyran fasse le bien !
Leur discussion dura longtemps, et, comme il s’en
allait, Sénécal avoua (c’était le but de sa
visite, peut-être) que Deslauriers s’impatientait
beaucoup du silence de M. Dambreuse. |
394 |
III, 4 |
il
fallait « relever le principe d’autorité » ;
qu’elle s’exerçât au nom de n’importe qui, qu’elle
vînt de n’importe où, pourvu que ce fût la Force,
l’Autorité ! Les conservateurs parlaient
maintenant comme Sénécal. Frédéric ne comprenait
plus ; et il retrouvait chez son ancienne
maîtresse les mêmes propos, débités par les mêmes
hommes ! |
410 |
III, 4 |
Il se gênait si peu
dans la maison, que, plusieurs fois, il amena
Sénécal y dîner. Ce sans-façon déplut à Frédéric,
qui lui avançait de l’argent, le faisait même
habiller par son tailleur ; et l’avocat donnait
ses vieilles redingotes au socialiste, dont les
moyens d’existence étaient inconnus. |
418 |
III, 4 |
Il la
recommanda le lendemain à son ancien patron, ne
pouvant s’occuper lui-même du procès, car il avait
besoin à Nogent ; Sénécal lui écrirait, en cas
d’urgence. |
418 |
III, 4 |
Vers le milieu de
l’automne, elle gagna son procès relatif aux
actions de kaolin. Frédéric l’apprit en
rencontrant à sa porte Sénécal qui sortait de
l’audience.
On avait reconnu M. Arnoux complice de toutes
les fraudes ; et l’ex-répétiteur avait un tel air
de s’en réjouir, que Frédéric l’empêcha d’aller
plus loin |
419 |
III, 4 |
« C’est
leur mobilier ! » se dit Frédéric ; et le portier
confirma ses soupçons.
Quant à la personne qui faisait vendre, il
l’ignorait. Mais le commissaire-priseur,
Me Berthelmot, donnerait peut-être des
éclaircissements. L’officier ministériel ne voulut
point, tout d’abord, dire quel créancier
poursuivait la vente. Frédéric insista. C’était un
sieur Sénécal, agent d’affaires ; |
428 |
III, 5 |
Pourquoi t’acharnes-tu
à la ruiner ?
— Tu te trompes, je t’assure !
— Allons donc ! Comme si tu n’avais pas mis
Sénécal en avant !
— Quelle bêtise !
Alors, une fureur l’emporta.
— Tu mens ! tu mens, misérable ! Tu es jalouse
d’elle ! Tu possèdes une condamnation contre son
mari ! Sénécal s’est déjà mêlé de tes affaires !
Il déteste Arnoux, vos deux haines s’entendent.
J’ai vu sa joie quand tu as gagné ton procès pour
le kaolin. Le nieras-tu, celui-là ? |
429 |
III, 5 |
Mais,
sur les marches de Tortoni, un homme, Dussardier,
remarquable de loin à sa haute taille, restait
sans plus bouger qu’une cariatide.
Un des agents qui marchait en tête, le
tricorne sur les yeux, le menaça de son épée.
L’autre alors, s’avançant d’un pas, se mit à
crier :
— Vive la République !
Il tomba sur le dos, les bras en croix.
Un hurlement d’horreur s’éleva de la foule.
L’agent fit un cercle autour de lui avec son
regard ; et Frédéric, béant, reconnut Sénécal. |
436 |
III, 5 |
— Et ton intime
Sénécal ? demanda Frédéric.
— Disparu ! Je ne sais ! Et toi, ta grande
passion pour Mme Arnoux ? |
442 |
III, 7 |
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Anne Perthuis-Lejeune
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