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Extraits de l'œuvre |
Édition |
Chapitre |
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Mais
une sorte de grommellement sortit du coin de la
cheminée ; c’était le personnage qui lisait son
journal, dans le fauteuil. Il avait cinq pieds
neuf pouces, les paupières un peu tombantes,
la chevelure grise, l’air majestueux — et
s’appelait Regimbart.
— Qu’est-ce donc, Citoyen ? dit Arnoux.
— Encore une nouvelle canaillerie du
Gouvernement !
Il s’agissait de la destitution d’un maître
d’école |
70 |
I, 4 |
Le coude sur
l’espagnolette de la fenêtre, il lui parla pendant
longtemps, d’un air mielleux. Enfin il éclata :
— Eh ! je ne suis pas embarrassé d’avoir des
courtiers, monsieur le comte !
Le gentilhomme s’étant résigné, Arnoux lui
solda vingt-cinq louis, et, dès qu’il fut dehors :
— Sont-ils assommants, ces grands seigneurs !
— Tous des misérables ! murmura Regimbart. |
70 |
I, 4 |
Les
grandes lettres composant le nom d’Arnoux sur la
plaque de marbre, au haut de la boutique, lui
semblaient toutes particulières et grosses de
significations, comme une écriture sacrée. Le
large trottoir, descendant, facilitait sa marche,
la porte tournait presque d’elle-même ; et la
poignée, lisse au toucher, avait la douceur et
comme l’intelligence d’une main dans la sienne.
Insensiblement, il devint aussi ponctuel que
Regimbart.
Tous les jours, Regimbart s’asseyait au coin du
feu, dans son fauteuil, s’emparait du National, ne
le quittait plus, et exprimait sa pensée par des
exclamations ou de simples haussements d’épaules.
|
73 |
I, 4 |
De temps à autre, il
s’essuyait le front avec son mouchoir de poche
roulé en boudin, et qu’il portait sur sa poitrine,
entre deux boutons de sa redingote verte. Il avait
un pantalon à plis, des souliers-bottes, une
cravate longue ; et son chapeau à bords retroussés
le faisait reconnaître, de loin, dans les foules. |
73 |
I, 4 |
À
huit heures du matin, il descendait des hauteurs
de Montmartre, pour prendre le vin blanc dans la
rue Notre-Dame-des-Victoires. Son déjeuner, que
suivaient plusieurs parties de billard, le
conduisait jusqu’à trois heures. Il se dirigeait
alors vers le passage des Panoramas, pour prendre
l’absinthe. Après la séance chez Arnoux, il
entrait à l’estaminet Bordelais, pour prendre
le vermouth ; puis, au lieu de rejoindre sa femme,
souvent il préférait dîner seul, dans un petit
café de la place Gaillon, où il voulait qu’on lui
servît « des plats de ménage, des choses
naturelles » ! Enfin, il se transportait dans un
autre billard, et y restait jusqu’à minuit,
jusqu’à une heure du matin, jusqu’au moment où, le
gaz éteint et les volets fermés, le maître de
l’établissement, exténué, le suppliait de sortir. |
73 |
I, 4 |
Et ce n’était pas
l’amour des boissons qui attirait dans ces
endroits le citoyen Regimbart, mais l’habitude
ancienne d’y causer politique ; avec l’âge, sa
verve était tombée, il n’avait plus qu’une
morosité silencieuse. On aurait dit, à voir le
sérieux de son visage, qu’il roulait le monde
dans sa tête. Rien n’en sortait ; et personne,
même de ses amis, ne lui connaissait
d’occupations, bien qu’il se donnât pour tenir un
cabinet d’affaires. |
74 |
I, 4 |
Arnoux
paraissait l’estimer infiniment. Il dit un jour à
Frédéric :
— Celui-là en sait long, allez ! C’est un
homme fort !
Une autre fois, Regimbart étala sur son
pupitre des papiers concernant des mines de kaolin
en Bretagne ; Arnoux s’en rapportait à son
expérience.
Frédéric se montra plus cérémonieux pour
Regimbart, jusqu’à lui offrir l’absinthe de temps
à autre ; et quoiqu’il le jugeât stupide, souvent
il demeurait dans sa compagnie pendant une grande
heure, uniquement parce que c’était l’ami de
Jacques Arnoux. |
74 |
I, 4 |
— Ah ! les affiches !
s’écria le marchand. Je ne suis pas près de dîner
ce soir !
Regimbart prenait son chapeau.
— Comment, vous me quittez ?
— Sept heures ! dit Regimbart.
Frédéric le suivit.
Au coin de la rue Montmartre, il se retourna ;
il regarda les fenêtres du premier étage ; et il
rit intérieurement de pitié sur lui-même, en se
rappelant avec quel amour il les avait si souvent
contemplées ! Où donc vivait-elle ? Comment la
rencontrer maintenant ? La solitude se rouvrait
autour de son désir plus immense que jamais !
— Venez-vous la prendre ? dit Regimbart.
— Prendre qui ?
— L’absinthe ! |
75 |
I, 4 |
Et,
cédant à ses obsessions, Frédéric se laissa
conduire à l’estaminet Bordelais. Tandis que son
compagnon, posé sur, le coude, considérait la
carafe, il jetait les yeux de droite et de gauche.
Mais il aperçut le profil de Pellerin sur le
trottoir ; il cogna vivement contre le carreau, et
le peintre n’était pas assis que Regimbart lui
demanda pourquoi on ne le voyait plus à l’Art
industriel.
— Que je crève si j’y retourne ! C’est une
brute, un bourgeois, un misérable, un drôle !
Ces injures flattaient la colère de Frédéric.
Il en était blessé cependant, car il lui semblait
qu’elles atteignaient un peu Mme Arnoux.
— Qu’est-ce donc qu’il vous a fait ? dit
Regimbart. |
76 |
I, 4 |
Il reçut, dans la même
semaine, une lettre où Deslauriers annonçait qu’il
arriverait à Paris, jeudi prochain. Alors, il se
rejeta violemment sur cette affection plus solide
et plus haute. Un pareil homme valait toutes les
femmes. Il n’aurait plus besoin de Regimbart, de
Pellerin, d’Hussonnet, de personne ! |
77 |
I, 4 |
Mais
il ne manquait pas, pour qu’on l’invitât aux
dîners du jeudi, de se présenter à l’Art
industriel, chaque mercredi,
régulièrement ; et il y restait après tous les
autres, plus longtemps que Regimbart, jusqu’à la
dernière minute, en feignant de regarder une
gravure, de parcourir un journal. Enfin Arnoux lui
disait : « Êtes-vous libre, demain soir ? » |
89 |
I, 5 |
Mais Regimbart ayant
dit qu’il connaissait un peu Sénécal, Frédéric,
voulant faire une politesse à l’ami d’Arnoux, le
pria de venir aux réunions du samedi, et la
rencontre fut agréable aux deux patriotes. |
92 |
I, 5 |
Ils
différaient cependant.
Sénécal — qui avait un crâne en pointe — ne
considérait que les systèmes. Regimbart, au
contraire, ne voyait dans les faits que les faits.
Ce qui l’inquiétait principalement, c’était la
frontière du Rhin. Il prétendait se connaître en
artillerie, et se faisait habiller par le tailleur
de l’École polytechnique. |
92 |
I, 5 |
Le premier jour,
quand on lui offrit des gâteaux, il leva les
épaules dédaigneusement, en disant que cela
convenait aux femmes ; et il ne parut guère plus
gracieux les fois suivantes. Du moment que les
idées atteignaient une certaine hauteur, il
murmurait : « Oh ! pas d’utopies, pas de rêves ! »
En fait d’art (bien qu’il fréquentât les ateliers,
où quelquefois il donnait, par complaisance, une
leçon d’escrime), ses opinions n’étaient point
transcendantes. Il comparait le style de M.
Marrast à celui de Voltaire et Mlle Vatnaz à Mme
de Staël, à cause d’une ode sur la Pologne, « où
il y avait du cœur ». |
92 |
I, 5 |
Enfin,
Regimbart assommait tout le monde et
particulièrement Deslauriers, car le Citoyen était
un familier d’Arnoux. |
92 |
I, 5 |
il vint chez Arnoux le
prendre pour dîner. Regimbart s’y trouvait. Ils
s’en allèrent aux Trois-Frères-Provençaux.
Le Citoyen commença par retirer sa redingote,
et, sûr de la déférence des deux autres, écrivit
la carte. Mais il eut beau se transporter dans la
cuisine pour parler lui-même au chef, descendre à
la cave dont il connaissait tous les coins, et
faire monter le maître de l’établissement, auquel
il « donna un savon », il ne fut content ni des
mets, ni des vins, ni du service ! À chaque plat
nouveau, à chaque bouteille différente, dès la
première bouchée, la première gorgée, il laissait
tomber sa fourchette, ou repoussait au loin son
verre ; puis s’accoudant sur la nappe de toute la
longueur de son bras, il s’écriait qu’on ne
pouvait plus dîner à Paris ! Enfin, ne sachant
qu’imaginer pour sa bouche, Regimbart se commanda
des haricots à l’huile, « tout
bonnement », lesquels, bien qu’à moitié réussis,
l’apaisèrent un peu. |
99 |
I, 5 |
Puis
il eut, avec le garçon, un dialogue, roulant sur
les anciens garçons des Provençaux : « Qu’était
devenu Antoine ? Et un nommé Eugène ? Et Théodore,
le petit, qui servait toujours en bas ? Il y avait
dans ce temps-là une chère autrement distinguée,
et des têtes de Bourgogne comme on n’en reverra
plus ! » |
100 |
I, 5 |
Ensuite, il fut
question de la valeur des terrains dans la
banlieue, une spéculation d’Arnoux, infaillible.
En attendant, il perdait ses intérêts, puisqu’il
ne voulait vendre à aucun prix. Regimbart lui
découvrirait quelqu’un ; et ces deux messieurs
firent, avec un crayon, des calculs jusqu’à la fin
du dessert. |
100 |
I, 5 |
C’était
un bal public ouvert récemment au haut des
Champs-Élysées, et qui se ruina dès la seconde
saison, par un luxe prématuré dans ce genre
d’établissements.
— On s’y amuse à ce qu’il paraît. Allons-y !
Tu prendras tes amis si tu veux ; je te passe même
Regimbart !
Frédéric n’invita pas le Citoyen. Deslauriers
se priva de Sénécal. |
103 |
I, 5 |
et il s’épancha dans le
sein de Regimbart, lequel était de plus en plus
désillusionné, attristé, dégoûté. Le Citoyen se
tournait, maintenant, vers les questions
budgétaires, et accusait la Camarilla de perdre
des millions en Algérie.
Comme il ne pouvait dormir sans avoir
stationné à l’estaminet Alexandre, il disparut dès
onze heures. Les autres se retirèrent plus tard |
119 |
I, 5 |
Au
moment où il s’allongeait entre ses draps, une
idée le fit bondir de joie :
« Regimbart ! quel imbécile je suis de n’y avoir
pas songé ! »
Le lendemain, dès sept heures, il arriva rue
Notre-Dame-des-Victoires, devant la boutique d’un
rogomiste, où Regimbart avait coutume de prendre
le vin blanc. Elle n’était pas encore ouverte ; il
fit un tour de promenade aux environs, et, au bout
d’une demi-heure, s’y présenta de nouveau.
Regimbart en sortait. Frédéric s’élança dans la
rue. Il crut même apercevoir au loin son chapeau ;
un corbillard et des voitures de deuil
s’interposèrent. L’embarras passé, la vision avait
disparu.
Heureusement, il se rappela que le Citoyen
déjeunait tous les jours à onze heures précises
chez un petit restaurateur de la place Gaillon. Il
s’agissait de patienter ; et, après une
interminable flânerie de la Bourse à la Madeleine,
et de la Madeleine au Gymnase, Frédéric, à onze
heures précises, entra dans le restaurant de la
place Gaillon, sûr d’y trouver son Regimbart.
— Connais pas ! dit le gargotier d’un ton
rogue.
Frédéric insistait ; il reprit :
— Je ne le connais plus, monsieur ! avec un
haussement de sourcils majestueux et des
oscillations de la tête, qui décelaient un
mystère.
Mais, dans leur dernière entrevue, le Citoyen
avait parlé de l’estaminet Alexandre. Frédéric
avala une brioche, et, sautant dans un cabriolet,
s’enquit près du cocher s’il n’y avait point
quelque part, sur les hauteurs de
Sainte-Geneviève, un certain café Alexandre. Le
cocher le conduisit rue des
Francs-Bourgeois-Saint-Michel, dans un
établissement de ce nom-là, et à sa question :
« M. Regimbart, s’il vous plaît ? » le cafetier
lui répondit, avec un sourire extra-gracieux :
— Nous ne l’avons pas encore vu, monsieur,
tandis qu’il jetait à son épouse assise dans le
comptoir, un regard d’intelligence.
Et aussitôt se tournant vers l’horloge :
— Mais nous l’aurons, j’espère, d’ici à dix
minutes, un quart d’heure tout au plus. —
Célestin, vite les feuilles ! |
136-137 |
II, 1 |
Frédéric se fit ramener
vers les boulevards, indigné du temps perdu,
furieux contre le Citoyen, implorant sa présence
comme celle d’un dieu, et bien résolu à l’extraire
du fond des caves les plus lointaines. |
138 |
II, 1 |
tous
les noms des cafés qu’il avait entendu prononcer
par cet imbécile jaillirent de sa mémoire, à la
fois, comme les mille pièces d’un feu d’artifice :
café Gascard, café Grimbert, café Halbout,
estaminet Bordelais, Havanais, Havrais,
Bœuf-à-la-mode, brasserie Allemande, Mère-Morel ;
et il se transporta dans tous successivement.
Mais, dans l’un, Regimbart venait de sortir ; dans
un autre, il viendrait peut-être ; dans un
troisième, on ne l’avait pas vu depuis six mois ;
ailleurs, il avait commandé, hier, un gigot pour
samedi. Enfin, chez Vautier, limonadier, Frédéric,
ouvrant la porte, se heurta contre le garçon.
— Connaissez-vous M. Regimbart ?
— Comment, monsieur, si je le connais ? C’est
moi qui ai l’honneur de le servir. Il est en
haut ; il achève de dîner !
Et, la serviette sous le bras, le maître de
l’établissement lui-même, l’aborda :
— Vous demandez M. Regimbart, monsieur ? il
était ici à l’instant.
Frédéric poussa un juron, mais le limonadier
affirma qu’il le trouverait chez Bouttevilain,
infailliblement. |
138 |
II, 1 |
— Je vous en donne ma
parole d’honneur ! il est parti un peu plus tôt
que de coutume, car il a un rendez-vous d’affaires
avec des messieurs. Mais vous le trouverez, je
vous le répète, chez Bouttevilain, rue
Saint-Martin, 92, deuxième perron, à gauche, au
fond de la cour, entresol, porte à droite !
Enfin, il l’aperçut à travers la fumée des
pipes, seul, au fond de l’arrière-buvette après le
billard, une chope devant lui, le menton baissé et
dans une attitude méditative.
— Ah ! il y a longtemps que je vous cherchais,
vous !
Sans s’émouvoir, Regimbart lui tendit deux
doigts seulement, et comme s’il l’avait vu la
veille, il débita plusieurs phrases insignifiantes
sur l’ouverture de la session.
Frédéric l’interrompit, en lui disant, de
l’air le plus naturel qu’il put :
— Arnoux va bien ?
La réponse fut longue à venir, Regimbart se
gargarisait avec son liquide.
— Oui, pas mal !
— Où demeure-t-il donc, maintenant ?
— Mais… rue Paradis-Poissonnière, répondit le
Citoyen étonné.
— Quel numéro ?
— Trente-sept, parbleu, vous êtes drôle !
Frédéric se leva :
— Comment, vous partez ?
— Oui, oui, j’ai une course, une affaire que
j’oubliais ! Adieu ! |
139 |
II, 1 |
Arnoux,
souvent, rentrait à l’improviste. Alors, il
fallait le suivre dans un petit café de la rue
Sainte-Anne, que fréquentait maintenant Regimbart.
Le Citoyen commençait par articuler contre la
Couronne quelque nouveau grief. Puis ils
causaient, en se disant amicalement des injures ;
car le fabricant tenait Regimbart pour un penseur
de haute volée, et, chagriné de voir tant de
moyens perdus, il le taquinait sur sa paresse. Le
Citoyen jugeait Arnoux plein de cœur et
d’imagination, mais décidément trop immoral ;
aussi le traitait-il sans la moindre indulgence et
refusait même de dîner chez lui, parce que « la
cérémonie l’embêtait ».
Quelquefois, au moment des adieux, Arnoux
était pris de fringale. Il « avait besoin » de
manger une omelette ou des pommes cuites ; et, les
comestibles ne se trouvant jamais dans
l’établissement, il les envoyait chercher. On
attendait. Regimbart ne s’en allait pas, et
finissait, en grommelant, par accepter quelque
chose.
Il était sombre néanmoins, car il restait
pendant des heures, en face du même verre à moitié
plein. La Providence ne gouvernant point
les choses selon ses idées, il tournait à
l’hypocondriaque, ne voulait même plus lire les
journaux, et poussait des rugissements au seul nom
de l’Angleterre. Il s’écria une fois, à propos
d’un garçon qui le servait mal :
— Est-ce que nous n’avons pas assez des
affronts de l’étranger !
En dehors de ces crises, il se tenait
taciturne, méditant « un coup infaillible pour
faire péter toute la boutique ».
Tandis qu’il était perdu dans ses réflexions,
Arnoux, d’une voix monotone et avec un regard un
peu ivre, contait d’incroyables anecdotes où il
avait toujours brillé, grâce à son aplomb |
200 |
II, 3 |
M. Dambreuse,
troublé par le dérangement des chaises, demanda ce
qu’il y avait.
— C’est Mme Regimbart.
— Tiens ! Regimbart ! Je connais ce nom-là.
J’ai rencontré sa signature. |
216 |
II, 3 |
Il
avait besoin de deux témoins. Le premier auquel il
songea fut Regimbart ; et il se dirigea tout de
suite vers un estaminet de la rue Saint-Denis. La
devanture était close. Mais de la lumière brillait
à un carreau, au-dessus de la porte. Elle
s’ouvrit, et il entra, en se courbant très bas
sous l’auvent.
Une chandelle, au bord du comptoir, éclairait
la salle déserte. Tous les tabourets, les pieds en
l’air, étaient posés sur les tables. Le maître et
la maîtresse avec leur garçon soupaient dans
l’angle près de la cuisine ; et Regimbart, le
chapeau sur la tête, partageait leur repas, et
même gênait le garçon, qui était contraint à
chaque bouchée de se tourner de côté, quelque peu.
Frédéric, lui ayant conté la chose brièvement,
réclama son assistance. Le Citoyen commença par ne
rien répondre ; il roulait des yeux, avait l’air
de réfléchir, fit plusieurs tours dans la salle,
et dit enfin :
— Oui, volontiers !
Et un sourire homicide le dérida, en apprenant
que l’adversaire était un noble.
— Nous le ferons marcher tambour battant,
soyez tranquille ! D’abord… avec l’épée…
— Mais peut-être, objecta Frédéric, que je
n’ai pas le droit…
— Je vous dis qu’il faut prendre l’épée !
répliqua brutalement le Citoyen. Savez-vous
tirer ?
— Un peu !
— Ah ! un peu ! voilà comme ils sont tous ! Et
ils ont la rage de faire assaut ! Qu’est-ce que ça
prouve, la salle d’armes ! Écoutez-moi :
tenez-vous bien à distance en vous enfermant
toujours dans des cercles, et rompez ! rompez !
C’est permis. Fatiguez-le ! Puis fendez-vous
dessus, franchement ! Et surtout pas de malice,
pas de coups à la La Fougère ! non ! de simples
une-deux, des dégagements. Tenez, voyez-vous ? en
tournant le poignet comme pour ouvrir une serrure.
— Père Vauthier, donnez-moi votre canne ! Ah !
cela suffit.
Il empoigna la baguette qui servait à allumer
le gaz, arrondit le bras gauche, plia le droit, et
se mit à pousser des bottes contre la cloison. Il
frappait du pied, s’animait, feignait même de
rencontrer des difficultés, tout en criant : « Y
es-tu, là ? y es-tu ? », et sa silhouette énorme
se projetait sur la muraille, avec son chapeau qui
semblait toucher au plafond. Le limonadier disait
de temps en temps : « Bravo ! très bien ! » Son
épouse également l’admirait, quoique émue ; et
Théodore, un ancien soldat, en restait cloué
d’ébahissement, étant, du reste, fanatique de M.
Regimbart. |
249-250 |
II, 4 |
Les témoins
arrivèrent avant midi. Frédéric, par bon goût,
crut devoir ne pas assister à la conférence.
Le baron et M. Joseph déclarèrent qu’ils se
contenteraient des excuses les plus simples. Mais
Regimbart, ayant pour principe de ne céder jamais,
et qui tenait à défendre l’honneur d’Arnoux
(Frédéric ne lui avait point *251 parlé
d’autre chose), demanda que le Vicomte fît des
excuses. M. de Comaing fut révolté de
l’outrecuidance. Le Citoyen n’en voulut pas
démordre. Toute conciliation devenant impossible,
on se battrait.
D’autres difficultés surgirent ; car le choix
des armes, légalement, appartenait à Cisy,
l’offensé. Mais Regimbart soutint que, par l’envoi
du cartel, il se constituait l’offenseur. Ses
témoins se récrièrent qu’un soufflet, cependant,
était la plus cruelle des offenses. Le Citoyen
épilogua sur les mots, un coup n’étant pas un
soufflet. Enfin, on décida qu’on s’en rapporterait
à des militaires ; et les quatre témoins
sortirent, pour aller consulter des officiers dans
une caserne quelconque.
Ils s’arrêtèrent à celle du quai d’Orsay. M.
de Comaing, ayant abordé deux capitaines, leur
exposa la contestation.
Les capitaines n’y comprirent goutte,
embrouillée qu’elle fut par les phrases incidentes
du Citoyen. Bref, ils conseillèrent à ces
messieurs d’écrire un procès-verbal ; après quoi,
ils décideraient. |
250-251 |
II, 4 |
Dussardier
étant contraint de s’en retourner à ses affaires,
Regimbart alla prévenir Frédéric.
On l’avait laissé toute la journée sans
nouvelles ; son impatience était devenue
intolérable.
— Tant mieux ! s’écria-t-il.
Le Citoyen fut satisfait de sa contenance.
— On réclamait de nous des excuses,
croiriez-vous ? Ce n’était rien, un simple mot !
Mais je les ai envoyés joliment bouler ! Comme je
le devais, n’est-ce pas ?
— Sans doute, dit Frédéric tout en songeant
qu’il eût mieux fait de choisir un autre témoin. |
251-252 |
II, 4 |
À sept heures dix
minutes, on arriva devant la porte Maillot.
Frédéric et ses témoins s’y trouvaient, habillés
de noir tous les trois. Regimbart, au lieu de
cravate, avait un col de crin comme un troupier ;
et il portait une espèce de longue boîte à violon,
spéciale pour ce genre d’aventures. On échangea
froidement un salut. Puis tous s’enfoncèrent dans
le bois de Boulogne, par la route de Madrid, afin
d’y trouver une place convenable.
Regimbart dit à Frédéric, qui marchait entre
lui et Dussardier :
— Eh bien, et cette venette, qu’en fait-on ?
Si vous avez besoin de quelque chose, ne vous
gênez pas, je connais ça ! La crainte est
naturelle à l’homme.
Puis, à voix basse :
— Ne fumez plus, ça amollit !
Frédéric jeta son cigare qui le gênait, et
continua d’un pied ferme. |
254 |
II, 4 |
On
marqua les deux places où les adversaires devaient
se poser. Puis Regimbart ouvrit sa boîte. Elle
contenait, sur un capitonnage de basane rouge,
quatre épées charmantes, creuses au milieu, avec
des poignées garnies de filigrane. Un rayon
lumineux, traversant les feuilles, tomba dessus ;
et elles parurent à Cisy briller comme des vipères
d’argent sur une mare de sang.
Le Citoyen fit voir qu’elles étaient de
longueur pareille ; il prit la troisième pour
lui-même, afin de séparer les combattants en cas
de besoin. |
255 |
II, 4 |
Frédéric avait mis bas
sa redingote et son gilet. Joseph aida Cisy à
faire de même ; sa cravate étant retirée, on
aperçut à son cou une médaille bénite. Cela fit
sourire de pitié Regimbart. |
255 |
II, 4 |
Il
réclama le droit de mettre un gant, celui de
saisir l’épée de son adversaire avec la main
gauche ; Regimbart, qui était pressé, ne s’y
refusa pas. Enfin le baron, s’adressant à
Frédéric :
— Tout dépend de vous, monsieur ! Il n’y a
jamais de déshonneur à reconnaître ses fautes.
Dussardier l’approuvait du geste. Le Citoyen
s’indigna.
— Croyez-vous que nous sommes ici pour plumer
les canards, fichtre ?… En garde !
Les adversaires étaient l’un devant l’autre,
leurs témoins de chaque côté. Il cria le signal :
— Allons ! |
255 |
II, 4 |
M. de Comaing, croyant
à une intervention de la police, leva sa canne.
— Finissez donc ! le vicomte saigne !
— Moi ? dit Cisy.
En effet, il s’était, dans sa chute, écorché
le pouce de la main gauche.
— Mais c’est en tombant, ajouta le Citoyen. |
256 |
II, 4 |
Comme
le restaurant de Madrid n’était pas loin, Arnoux
proposa de s’y rendre pour boire un verre de
bière.
— On pourrait même déjeuner, dit Regimbart.
Mais, Dussardier n’en ayant pas le loisir, ils
se bornèrent à un rafraîchissement, dans le
jardin. Tous éprouvaient cette béatitude qui suit
les dénouements heureux. Le Citoyen, cependant,
était fâché qu’on eût interrompu le duel au bon
moment.
Arnoux en avait eu connaissance par un nommé
Compain, ami de Regimbart ; et dans un élan de
cœur, il était accouru pour l’empêcher, croyant,
du reste, en être la cause. |
256 |
II, 4 |
Puis, avec sa légèreté
ordinaire, passant à une autre idée :
— Quoi de neuf, Citoyen ?
Et ils se mirent à causer traites, échéances.
Afin d’être plus commodément, ils allèrent même
chuchoter à l’écart sur une autre table.
Frédéric distingua ces mots : « Vous allez me
souscrire. — Oui ! mais, vous, bien entendu… — Je
l’ai négocié enfin pour trois cents ! — Jolie
commission, ma foi ! » Bref, il était clair
qu’Arnoux tripotait avec le Citoyen beaucoup de
choses. |
257 |
II, 4 |
Arnoux,
assis à l’ombre d’un troène, fumait d’un air
hilare. Il leva les yeux vers les portes des
cabinets donnant toutes sur le jardin, et dit
qu’il était venu là, autrefois, bien souvent.
— Pas seul, sans doute ? répliqua le Citoyen.
— Parbleu !
— Quel polisson vous faites ! un homme marié !
— Eh bien, et vous donc ! reprit Arnoux.
Et, avec un sourire indulgent :
— Je suis même sûr que ce gredin-là possède
quelque part, une chambre où il reçoit des petites
filles !
Le Citoyen confessa que c’était vrai, par un
simple haussement de sourcils. Alors, ces deux
messieurs exposèrent leurs goûts : Arnoux
préférait maintenant la jeunesse, les
ouvrières ; Regimbart détestait « les mijaurées »
et tenait avant tout au positif. |
257 |
II, 4 |
Les convives étaient
(outre Deslauriers et Sénécal) un pharmacien
nouvellement reçu, mais qui n’avait pas les fonds
nécessaires pour s’établir ; un jeune homme de sa
maison, un placeur de vins, un architecte et un
monsieur employé dans les assurances. Regimbart
n’avait pu venir. On le regretta. |
286 |
II, 6 |
L’humeur
de sa fille l’avait forcée de la mettre au
couvent. Son gamin passait l’après-midi dans une
école, Arnoux faisait de longs déjeuners au
Palais-Royal, avec Regimbart et l’ami Compain. |
295 |
II, 6 |
— Quelle bêtise !
grommela une voix dans la foule. Toujours des
blagues ! Rien de fort !
C’était Regimbart. Il ne salua pas Frédéric,
mais profita de l’occasion pour épandre son
amertume.
Le Citoyen employait ses jours à vagabonder
dans les rues, tirant sa moustache, roulant des
yeux, acceptant et propageant des nouvelles
lugubres ; et il n’avait que deux phrases :
« Prenez garde, nous allons être débordés ! » ou
bien : « Mais, sacrebleu ! on escamote la
République ! » Il était
mécontent de tout, et particulièrement de ce que
nous n’avions pas repris nos frontières
naturelles. Le nom seul de Lamartine lui faisait
hausser les épaules. Il ne trouvait pas
Ledru-Rollin suffisant pour le problème », traita
Dupont (de l’Eure) de vieille ganache ; Albert,
d’idiot ; Louis Blanc, d’utopiste ; Blanqui,
d’homme extrêmement dangereux ; et, quand Frédéric
lui demanda ce qu’il aurait fallu faire, il
répondit en lui serrant le bras à le broyer :
— Prendre le Rhin, je vous dis, prendre le
Rhin ! fichtre !
Puis il accusa la réaction.
Elle se démasquait. Le sac des châteaux de
Neuilly et de Suresnes, l’incendie des
Batignolles, les troubles de Lyon, tous les excès,
tous les griefs, on les exagérait à présent, en y
ajoutant la circulaire de Ledru-Rollin, le cours
forcé des billets de Banque, la rente tombée à
soixante francs, enfin, comme iniquité suprême,
comme dernier coup, comme surcroît d’horreur,
l’impôt des quarante-cinq centimes ! Et,
par-dessus tout cela, il y avait encore le
Socialisme ! |
318-319 |
III, 1 |
Mais
Dussardier se mit en recherche, et lui annonça
qu’il existait, rue Saint-Jacques, un club
intitulé le Club de l’Intelligence. Un
nom pareil donnait bon espoir. D’ailleurs, il
amènerait des amis.
Il amena ceux qu’il avait invités à son
punch ; le teneur de livres, le placeur de vins,
l’architecte ; Pellerin même était venu, peut-être
qu’Hussonnet allait venir ; et sur le trottoir,
devant la porte, stationnait Regimbart avec deux
individus, dont le premier était son fidèle
Compain, homme un peu courtaud, marqué de petite
vérole, les yeux rouges ; et le second, une espèce
de singe-nègre, extrêmement chevelu, et qu’il
connaissait seulement pour être « patriote de
Barcelone ». |
325 |
III, 1 |
Frédéric eut soin de se
mettre entre Dussardier et Regimbart, qui, à peine
assis, posa ses deux mains sur sa canne, son
menton sur ses deux mains et ferma les paupières,
tandis qu’à l’autre extrémité de la salle, Delmar,
debout, dominait l’assemblée. |
325 |
III, 1 |
Compain,
n’y tenant plus, se réfugia près de Regimbart et
il voulait l’entraîner.
— Non ! je reste jusqu’au bout ! dit le
Citoyen.
Cette réponse détermina Frédéric ; et, comme
il cherchait de droite et de gauche ses amis pour
le soutenir, il aperçut, devant lui, Pellerin à la
tribune. |
328 |
III, 1 |
Puis, il s’informa de
Regimbart et de quelques autres, aussi fameux,
tels que Masselin, Sanson, Lecornu, Maréchal, et
un certain Deslauriers, compromis dans l’affaire
des carabines interceptées dernièrement à Troyes. |
376 |
III, 3 |
Mais,
un mois plus tard, comme ils parlaient d’honneur
et de loyauté, et qu’il vantait la sienne (d’une
manière incidente, par précaution), elle lui dit :
— C’est vrai, tu es honnête, tu n’y retournes
plus.
Frédéric, qui pensait à la Maréchale,
balbutia :
— Où donc ?
— Chez Mme Arnoux.
Il la supplia de lui avouer d’où elle tenait
ce renseignement. C’était par sa couturière en
second, Mme Regimbart.
Ainsi, elle connaissait sa vie, et lui ne savait
rien de la sienne ! |
408 |
III, 4 |
Choisissant un moyen
terme, il alla prendre à l’hôtel Dambreuse
l’adresse de Mme Regimbart, envoya chez elle un
commissionnaire, et connut ainsi le café que
hantait maintenant le Citoyen.
C’était un petit café sur la place de la
Bastille, où il se tenait toute la journée, dans
le coin de droite, au fond, ne bougeant pas plus
que s’il avait fait partie de l’immeuble.
Après avoir passé successivement par la
demi-tasse, le grog, le bischof, le vin chaud et
même l’eau rougie, il était revenu à la bière ;
et, de demi-heure en demi-heure, laissait tomber
ce mot : « Bock ! » ayant réduit son langage à
l’indispensable. Frédéric lui demanda s’il voyait
quelquefois Arnoux.
— Non !
— Tiens, pourquoi ?
— Un imbécile !
La politique, peut-être, les séparait, et
Frédéric crut bien faire de s’informer de Compain.
— Quelle brute ! dit Regimbart.
— Comment cela ?
— Sa tête de veau !
— Ah ! apprenez-moi ce que c’est que la tête
de veau !
Regimbart eut un sourire de pitié.
— Des bêtises !
Frédéric, après un long silence, reprit :
— Il a donc changé de logement ?
— Qui ?
— Arnoux !
— Oui : rue de Fleurus !
— Quel numéro ?
— Est-ce que je fréquente les jésuites ?
— Comment, jésuites !
Le Citoyen répondit, furieux :
— Avec l’argent d’un patriote que je lui ai
fait connaître, ce cochon-là s’est établi marchand
de chapelets !
— Pas possible !
— Allez-y voir ! |
413 |
III, 4 |
—
Oui, très bien ! Mais Arnoux ?
Pellerin déposa son crayon.
— D’après ce que j’ai pu comprendre, il se
trouve poursuivi par un certain Mignot, un intime
de Regimbart, une bonne tête, celui-là, hein ?
Quel idiot ! Figurez-vous qu’un jour…
— Eh ! il ne s’agit pas de Regimbart !
— C’est vrai. Eh bien, Arnoux, hier au soir,
devait trouver douze mille francs, sinon, il était
perdu. |
421 |
III, 4 |
Regimbart, étant
l’intime de Mignot, pouvait peut-être l’éclairer ?
Et Frédéric se fit conduire chez lui, à
Montmartre, rue de l’Empereur.
Sa maison était flanquée d’un jardinet, clos
par une grille que bouchaient des plaques de fer.
Un perron de trois marches relevait la façade
blanche ; et en passant sur le trottoir, on
apercevait les deux pièces du rez-de-chaussée,
dont la première était un salon avec des robes
partout sur les meubles, et la seconde l’atelier
où se tenaient les ouvrières de Mme Regimbart.
Toutes étaient convaincues que Monsieur avait
de grandes occupations, de grandes relations, que
c’était un homme complètement hors ligne. Quand il
traversait le couloir, avec son chapeau à bords
retroussés, sa longue figure sérieuse et sa
redingote verte, elles en interrompaient leur
besogne. D’ailleurs, il ne manquait pas de leur
adresser toujours quelque mot d’encouragement, une
politesse sous forme de sentence ; et, plus tard,
dans leur ménage, elles se trouvaient
malheureuses, parce qu’elles l’avaient gardé pour
idéal.
Aucune cependant ne l’aimait comme
Mme Regimbart, petite personne intelligente, qui
le faisait vivre avec son métier.
Dès que M. Moreau eut dit son nom, elle vint
prestement le recevoir, sachant par les
domestiques ce qu’il était à Mme Dambreuse. Son
mari « rentrait à l’instant même » ; et Frédéric
tout en la suivant, admira la tenue du logis et la
profusion de toile cirée qu’il y avait. |
424 |
III, 5 |
Frédéric eut l’air désespéré.
— Ce n’est pas tout, dit le Citoyen. Mignot,
qui est un brave homme, s’est rabattu sur le
quart. Nouvelles promesses de l’autre, nouvelles
farces naturellement. Bref, avant-hier matin,
Mignot l’a sommé d’avoir à lui rendre, dans les
vingt-quatre heures, sans préjudice du reste,
douze mille francs.
— Mais je les ai ! dit Frédéric.
Le Citoyen se retourna lentement :
— Blagueur !
— Pardon ! ils sont dans ma poche. Je les
apportais.
— Comme vous y allez, vous ! Nom d’un petit
bonhomme ! Du reste, il n’est plus temps ; la
plainte est déposée, et Arnoux parti.
— Seul ?
— Non ! avec sa femme. On les a rencontrés à
la gare du Havre.
Frédéric pâlit extraordinairement.
Mme Regimbart crut qu’il allait s’évanouir. Il se
contint, et même il eut la force d’adresser deux
ou trois questions sur l’aventure. Regimbart s’en
attristait, tout cela en somme nuisant à la
Démocratie. Arnoux avait toujours été sans
conduite et sans ordre.
— Une vraie tête de linotte ! Il brûlait la
chandelle par les deux bouts ! Le cotillon l’a
perdu ! Ce n’est pas lui que je plains, mais sa
pauvre femme !
Car le Citoyen admirait les femmes vertueuses,
et faisait grand cas de Mme Arnoux.
— Elle a dû joliment souffrir ! |
425 |
III, 5 |
Mme Dambreuse aussi
pleurait, couchée sur son lit, à plat ventre, la
tête dans ses mains.
Olympe Regimbart, étant venue le soir lui essayer
sa première robe de couleur, avait conté la visite
de Frédéric, et même qu’il tenait tout prêts douze
mille francs destinés à M. Arnoux. |
427 |
III, 5 |
Deslauriers
ne l’avait jamais vue, non plus que bien d’autres
qui venaient chez Arnoux ; mais il se souvenait
parfaitement de Regimbart.
— Vit-il encore ?
— À peine ! Tous les soirs, régulièrement,
depuis la rue de Grammont jusqu’à la rue
Montmartre, il se traîne devant les cafés,
affaibli, courbé en deux, vidé, un spectre ! |
443 |
III, 7 |
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Karelle Gautron
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