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Extraits de l'œuvre |
Édition |
Chapitre |
Puis une jeune fille blonde, les paupières un peu rouges comme si elle venait de pleurer, s’assit entre eux. Arnoux resta dès lors à demi penché sur son épaule, en lui tenant des discours qu’elle écoutait sans répondre. |
60 |
I, 3 |
Rosanette l’écoutait avec de petits mouvements de tête approbatifs. On voyait l’admiration s’épanouir sous le fard de ses joues, et quelque chose d’humide passait comme un voile sur ses yeux clairs, d’une indéfinissable couleur. |
153 |
II, 1 |
En entrant dans la serre, il vit, sous les larges feuilles d’un caladium, près le jet d’eau, Delmar, couché à plat ventre sur le canapé de toile ; Rosanette, assise près de lui, avait la main passée dans ses cheveux ; et ils se regardaient. Au même moment, Arnoux entra par l’autre côté, celui de la volière. Delmar se leva d’un bond, puis il sortit à pas tranquilles sans se retourner ; et même, il s’arrêta près de la porte, pour cueillir une fleur d’hibiscus dont il garnit sa boutonnière. Rosanette pencha le visage ; Frédéric, qui la voyait de profil, s’aperçut qu’elle pleurait. |
153-154 |
II, 1 |
Delphine, étant revenue, s’approcha de la Maréchale pour chuchoter un mot à son oreille.
— Eh non ! je n’en veux pas !
Delphine se présenta de nouveau.
— Madame, elle insiste.
— Ah ! quel embêtement ! Flanque-la dehors !
Au même instant, une vieille dame habillée de noir poussa la porte. Frédéric n’entendit rien, ne vit rien ; Rosanette s’était précipitée dans la chambre, à sa rencontre.
Quand elle reparut, elle avait les pommettes rouges et elle s’assit dans un des fauteuils, sans parler. Une larme tomba sur sa joue ; |
162-163 |
II, 2 |
Une larme tomba sur sa joue ; puis se tournant vers le jeune homme, doucement :
— Quel est votre petit nom ?
— Frédéric. |
163 |
II, 2 |
Souvent, elle demandait à Frédéric l’explication d’un mot qu’elle avait lu, mais n’écoutait pas sa réponse, car elle sautait vite à une autre idée, en multipliant les questions. Après des spasmes de gaieté, c’étaient des colères enfantines ; ou bien elle rêvait, assise par terre, devant le feu, la tête basse et le genou dans ses deux mains, plus inerte qu’une couleuvre engourdie. |
174 |
II, 2 |
Il en fut de même les fois suivantes. Dès que Frédéric entrait, elle montait debout sur un coussin, pour qu’il l’embrassât mieux, l’appelait un mignon, un chéri, mettait une fleur à sa boutonnière, arrangeait sa cravate ; ces gentillesses redoublaient toujours lorsque Delmar se trouvait là. |
177 |
II, 2 |
Donc une après-midi, comme elle se baissait devant sa commode, il s’approcha d’elle et eut un geste d’une éloquence si peu ambiguë, qu’elle se redressa tout empourprée. Il recommença de suite ; alors, elle fondit en larmes, disant qu’elle était bien malheureuse et que ce n’était pas une raison pour qu’on la méprisât. |
178 |
II, 2 |
— Vous étiez faite pour vivre dans ce temps-là. Une créature de votre calibre aurait mérité un monseigneur !
Rosanette trouvait ses compliments fort gentils. |
180 |
II, 2 |
Il céda cependant à Cisy, qui l’obsédait pour faire la connaissance de Rosanette.
Elle le reçut fort gentiment, mais sans lui sauter au cou, comme autrefois. Son compagnon fut heureux d’être admis chez une impure, et surtout de causer avec un acteur ; Delmar se trouvait là. |
202 |
II, 3 |
On disait : « Notre Delmar. » Il avait une mission, il devenait Christ.
Tout cela avait fasciné Rosanette ; et elle s’était débarrassée du père Oudry, sans se soucier de rien, n’étant pas cupide. |
203 |
II, 3 |
Rosanette se détourna, ayant une larme aux paupières. Frédéric l’aperçut ; et, pour lui marquer de l’intérêt, il se dit heureux de la voir, enfin, dans une excellente position.
Elle fit un haussement d’épaules. Qui donc l’affligeait ? Était-ce, par hasard, qu’on ne l’aimait pas ?
— Oh ! moi, on m’aime toujours !
Elle ajouta :
— Reste à savoir de quelle manière. |
283-284 |
II, 6 |
Les femmes, selon Rosanette, étaient nées exclusivement pour l’amour ou pour élever des enfants, pour tenir un ménage. |
333 |
III, 1 |
Sa contrainte l’avait brisée. Elle tomba sur le divan, toute tremblante, balbutiant des injures, versant des larmes. Était-ce cette menace de la Vatnaz qui la tourmentait ? Eh non ! elle s’en moquait bien ! À tout compter, l’autre lui devait de l’argent, peut-être ? C’était le mouton d’or, un cadeau ; et, au milieu de ses pleurs, le nom de Delmar lui échappa. Donc, elle aimait le cabotin ! |
334 |
III, 1 |
Debout, l’un près de l’autre, sur quelque éminence du terrain, ils sentaient, tout en humant le vent, leur entrer dans l’âme comme l’orgueil d’une vie plus libre, avec une surabondance de forces, une joie sans cause. |
346 |
III, 1 |
Le sérieux de la forêt les gagnait ; et ils avaient des heures de silence où, se laissant aller au bercement des ressorts, ils demeuraient comme engourdis dans une ivresse tranquille. Le bras sous la taille, il l’écoutait parler pendant que les oiseaux gazouillaient, observait presque du même coup d’œil les raisins noirs de sa capote et les baies des genévriers, les draperies de son voile, les volutes des nuages ; et, quand il se penchait vers elle, la fraîcheur de sa peau se mêlait au grand parfum des bois. Ils s’amusaient de tout ; ils se montraient, comme une curiosité, des fils de la Vierge suspendus aux buissons, des trous pleins d’eau au milieu des pierres, un écureuil sur les branches, le vol de deux papillons qui les suivaient ; ou bien, à vingt pas d’eux, sous les arbres, une biche marchait, tranquillement, d’un air noble et doux, avec son faon côte à côte. Rosanette aurait voulu courir après, pour l’embrasser. |
348 |
III, 1 |
Et ils causaient de n’importe quoi, de choses qu’ils savaient parfaitement, de personnes qui ne les intéressaient pas, de mille niaiseries. Elle l’entretenait de sa femme de chambre et de son coiffeur. Un jour, elle s’oublia à dire son âge : vingt-neuf ans ; elle devenait vieille.
En plusieurs fois, sans le vouloir, elle lui apprit des détails sur elle-même. Elle avait été « demoiselle dans un magasin », avait fait un voyage en Angleterre, commencé des études pour être actrice ; tout cela sans transitions, et il ne pouvait reconstruire un ensemble. |
349 |
III, 1 |
Elle en conta plus long, un jour qu’ils étaient assis sous un platane, au revers d’un pré. En bas, sur le bord de la route, une petite fille, nu-pieds dans la poussière, faisait paître une vache. Dès qu’elle les aperçut, elle vint leur demander l’aumône ; et, tenant d’une main son jupon en lambeaux, elle grattait de l’autre ses cheveux noirs qui entouraient comme une perruque à la Louis XIV, toute sa tête brune, illuminée par des yeux splendides.
— Elle sera bien jolie plus tard, dit Frédéric.
— Quelle chance pour elle si elle n’a pas de mère ! reprit Rosanette.
— Hein ? comment ?
— Mais oui ; moi, sans la mienne…
Elle soupira, et se mit à parler de son enfance. Ses parents étaient des canuts de la Croix-Rousse. Elle servait son père comme apprentie. Le pauvre bonhomme avait beau s’exténuer, sa femme l’invectivait et vendait tout pour aller boire. Rosanette voyait leur chambre, avec les métiers rangés en longueur contre les fenêtres, le pot-bouille sur le poêle, le lit peint en acajou, une armoire en face, et la soupente obscure où elle avait couché jusqu’à quinze ans. Enfin un monsieur était venu, un homme gras, la figure couleur de buis, des façons de dévot, habillé de noir. Sa mère et lui eurent ensemble une conversation, si bien que, trois jours après… Rosanette s’arrêta, et, avec un regard plein d’impudeur et d’amertume :
— C’était fait !
Puis, répondant au geste de Frédéric :
— Comme il était marié, il aurait craint de se compromettre dans sa maison, on m’emmena dans un cabinet de restaurateur, et on m’avait dit que je serais heureuse, que je recevrais un beau cadeau.
Dès la porte, la première chose qui m’a frappée, c’était un candélabre de vermeil, sur une table où il y avait deux couverts. Une glace au plafond les reflétait, et les tentures des murailles, en soie bleue, faisaient ressembler tout l’appartement à une alcôve. Une surprise m’a saisie. Tu comprends, un pauvre être qui n’a jamais rien vu ! Malgré mon éblouissement j’avais peur. Je désirais m’en aller. Je suis restée pourtant.
Le seul siège qu’il y eût était un divan contre la table. Il a cédé sous moi avec mollesse, la bouche du calorifère dans le tapis m’envoyait une haleine chaude, et je restai là sans rien prendre. Le garçon qui se tenait debout m’a engagée à manger. Il m’a versé tout de suite un grand verre de vin ; la tête me tournait, j’ai voulu ouvrir la fenêtre, il m’a dit : — Non, mademoiselle, c’est défendu. Et il m’a quittée. La table était couverte d’un tas de choses que je ne connaissais pas. Rien ne m’a semblé bon. Alors je me suis rabattue sur un pot de confitures, et j’attendais toujours. Je ne sais quoi l’empêchait de venir. Il était très tard, minuit au moins, je n’en pouvais plus de fatigue ; en repoussant un des oreillers pour mieux m’étendre, je rencontre sous ma main une sorte d’album, un cahier ; c’étaient des images obscènes… Je dormais dessus, quand il est entré.
Elle baissa la tête, et demeura pensive. |
349-351 |
III, 1 |
Rosanette considérait un point par terre, à trois pas d’elle, fixement, les narines battantes, absorbée. Frédéric lui prit la main.
— Comme tu as souffert, pauvre chérie !
— Oui, dit-elle, plus que tu ne crois !… Jusqu’à vouloir en finir ; on m’a repêchée.
— Comment ?
— Ah ! n’y pensons plus !… Je t’aime, je suis heureuse ! embrasse-moi.
Et elle ôta, une à une, les brindilles de chardons accrochées dans le bas de sa robe. |
351 |
III, 1 |
La pauvre Maréchale n’en avait jamais connu de meilleure. Souvent, quand elle considérait Frédéric, des larmes lui arrivaient aux paupières, puis elle levait les yeux, ou les projetait vers l’horizon, comme si elle avait aperçu quelque grande aurore, des perspectives de félicité sans bornes. Enfin, un jour, elle avoua qu’elle souhaitait faire dire une messe « pour que ça porte bonheur à notre amour ».
D’où venait donc qu’elle lui avait résisté pendant si longtemps ? Elle n’en savait rien elle-même. Il renouvela plusieurs fois sa question ; et elle répondait en le serrant dans ses bras :
— C’est que j’avais peur de t’aimer trop, mon chéri ! |
352 |
III, 1 |
Puis elle le supplia d’attendre, de ne pas s’exposer.
— Si par hasard on te tue !
— Eh ! je n’aurai fait que mon devoir !
Rosanette bondit. D’abord, son devoir était de l’aimer. C’est qu’il ne voulait plus d’elle, sans doute ! Ça n’avait pas le sens commun ! Quelle idée, mon Dieu ! |
353 |
III, 1 |
Quand l’enthousiasme de Rosanette pour les gardes mobiles se fut calmé, elle redevint plus charmante que jamais, et Frédéric prit l’habitude insensiblement de vivre chez elle.
Le meilleur de la journée, c’était le matin sur leur terrasse. En caraco de batiste et pieds nus dans ses pantoufles, elle allait et venait autour de lui, nettoyait la cage de ses serins, donnait de l’eau à ses poissons rouges, et jardinait avec une pelle à feu dans la caisse remplie de terre, d’où s’élevait un treillage de capucines garnissant le mur. Puis, accoudés sur leur balcon, ils regardaient ensemble les voitures, les passants ; et on se chauffait au soleil, on faisait des projets pour la soirée. |
374 |
III, 1 |
Frédéric l’attendait toujours quand ils devaient sortir ; elle était fort longue à disposer autour de son menton les deux rubans de sa capote ; et elle se souriait à elle-même, devant son armoire à glace. Puis passait son bras sur le sien et le forçant à se mirer près d’elle :
— Nous faisons bien comme cela, tous les deux côte à côte ! Ah ! pauvre amour, je te mangerais ! |
374 |
III, 3 |
Il était maintenant sa chose, sa propriété. Elle en avait sur le visage un rayonnement continu, en même temps qu’elle paraissait plus langoureuse de manières, plus ronde dans ses formes ; et, sans pouvoir dire de quelle façon, il la trouvait changée, cependant. |
375 |
III, 3 |
Rosanette, qui venait de se déshabiller, s’approcha de lui, aperçut une larme à ses paupières, et le baisa sur le front, gravement. Il se leva, en disant :
— Parbleu ! On ne le tuera pas, ce marmot !
Alors, elle bavarda beaucoup. Ce serait un garçon, bien sûr ! On l’appellerait Frédéric. Il fallait commencer son trousseau ; et, en la voyant si heureuse, une pitié le prit |
380 |
III, 3 |
Sa maternité future la rendait plus sérieuse, même un peu triste, comme si des inquiétudes l’eussent tourmentée. À toutes les questions, elle répondait :
— Tu te trompes ! Je me porte bien ! |
382-383 |
III, 3 |
Cependant, la Maréchale avait besoin d’argent. Elle serait morte plutôt que d’en demander à Frédéric. Elle n’en voulait pas de lui. Cela aurait gâté leur amour. |
383 |
III, 3 |
Sa figure avait un air de triomphe, une auréole, dont Rosanette fut éblouie.
— C’est peut-être à cause de ton habit noir qui te va bien ; mais je ne t’ai jamais trouvé si beau ! Comme tu es beau !
Dans un transport de sa tendresse, elle se jura intérieurement de ne plus appartenir à d’autres, quoi qu’il advînt, quand elle devrait crever de misère ! |
390-391 |
III, 3 |
Elle apprit à Frédéric l’heureuse délivrance de la mère, et le fit monter dans sa chambre.
Rosanette se mit à sourire ineffablement ; et, comme submergée sous les flots d’amour qui l’étouffaient, elle dit d’une voix basse :
— Un garçon, là, là ! en désignant près de son lit une barcelonnette.
Il écarta les rideaux, et aperçut, au milieu des linges, quelque chose d’un rouge jaunâtre, extrêmement ridé, qui sentait mauvais et vagissait.
— Embrasse-le !
Il répondit, pour cacher sa répugnance :
— Mais j’ai peur de lui faire mal ?
— Non ! non !
Alors, il baisa, du bout des lèvres, son enfant.
— Comme il te ressemble !
Et, de ses deux bras faibles, elle se suspendit à son cou, avec une effusion de sentiment qu’il n’avait jamais vue. |
405 |
III, 4 |
Pendant plusieurs jours, il lui tint compagnie jusqu’au soir.
Elle se trouvait heureuse dans cette maison discrète ; les volets de la façade restaient même constamment fermés ; sa chambre, tendue en perse claire, donnait sur un grand jardin ; Mme Alessandri, dont le seul défaut était de citer comme intimes les médecins illustres, l’entourait d’attentions ; ses compagnes, presque toutes des demoiselles de la province, s’ennuyaient beaucoup, n’ayant personne qui vînt les voir ; Rosanette s’aperçut qu’on l’enviait, et le dit à Frédéric avec fierté. Il fallait parler bas, cependant ; les cloisons étaient minces et tout le monde se tenait aux écoutes malgré le bruit continuel des pianos. |
406 |
III, 4 |
L’enfant était à la campagne, à Andilly. On allait le voir toutes les semaines.
La maison de la nourrice se trouvait sur la hauteur du village, au fond d’une petite cour sombre comme un puits, avec de la paille par terre, des poules çà et là, une charrette à légumes sous le hangar.
Rosanette commençait par baiser frénétiquement son poupon ; et, prise d’une sorte de délire, allait et venait, essayait de traire la chèvre, mangeait du gros pain, aspirait l’odeur du fumier, voulait en mettre un peu dans son mouchoir.
Puis ils faisaient de grandes promenades ; elle entrait chez les pépiniéristes, arrachait les branches de lilas qui pendaient en dehors des murs, criait : « Hue, bourriquet ! » aux ânes traînant une carriole, s’arrêtait à contempler par la grille l’intérieur des beaux jardins ; ou bien la nourrice prenait l’enfant, on le posait à l’ombre sous un noyer ; et les deux femmes débitaient, pendant des heures, d’assommantes niaiseries. |
407 |
III, 4 |
Bourgeoise déclassée, elle adorait la vie de ménage, un petit intérieur paisible. Cependant, elle était contente d’avoir « un jour » ; disait : « Ces femmes-là ! » en parlant de ses pareilles ; voulait être « une dame du monde », s’en croyait une. Elle le pria de ne plus fumer dans le salon, essaya de lui faire faire maigre, par bon genre.
Elle mentait à son rôle enfin, car elle devenait sérieuse, et même, avant de se coucher, montrait toujours un peu de mélancolie, comme il y a des cyprès à la porte d’un cabaret.
Il en découvrit la cause : elle rêvait mariage, elle aussi ! |
410 |
III, 4 |
Il s’en trouvait tellement excédé quelquefois, qu’il l’aurait vue mourir sans émotion. Mais comment se fâcher ? Elle était d’une douceur désespérante. |
411 |
III, 4 |
Rosanette fut debout toute la nuit.
Le matin, elle alla trouver Frédéric.
— Viens donc voir. Il ne remue plus.
En effet, il était mort. Elle le prit, le secoua, l’étreignait en l’appelant des noms les plus doux, le couvrait de baisers et de sanglots, tournait sur elle-même éperdue, s’arrachait les cheveux, poussait des cris ; et se laissa tomber au bord du divan, où elle restait la bouche ouverte, avec un flot de larmes tombant de ses yeux fixes. Puis une torpeur la gagna, et tout devint tranquille dans l’appartement. |
420 |
III, 4 |
Tout à coup Rosanette dit d’une voix tendre :
— Nous le conserverons, n’est-ce pas ?
Elle désirait le faire embaumer. Bien des raisons s’y opposaient. La meilleure, selon Frédéric, c’est que la chose était impraticable sur des enfants si jeunes. Un portrait valait mieux. Elle adopta cette idée. |
420 |
III, 4 |
As-tu fait toutes les courses nécessaires ? dit Rosanette en le revoyant.
Il n’en avait pas eu le courage, répondit-il, et avait marché au hasard, dans les rues, pour s’étourdir.
À huit heures, ils passèrent dans la salle à manger ; mais ils restèrent silencieux l’un devant l’autre, poussaient par intervalles un long soupir et renvoyaient leur assiette. Frédéric but de l’eau-de-vie. Il se sentait tout délabré, écrasé, anéanti, n’ayant plus conscience de rien que d’une extrême fatigue.
Elle alla chercher le portrait. Le rouge, le jaune, le vert et l’indigo s’y heurtaient par taches violentes, en faisaient une chose hideuse, presque dérisoire. |
426 |
III, 5 |
Tous les quarts d’heure, à peu près, Rosanette ouvrait les rideaux pour contempler son enfant. Elle l’apercevait, dans quelques mois d’ici, commençant à marcher, puis au collège au milieu de la cour, jouant aux barres ; puis à vingt ans, jeune homme ; et toutes ces images, qu’elle se créait, lui faisaient comme autant de fils qu’elle aurait perdus, l’excès de la douleur multipliant sa maternité. |
426 |
III, 5 |
Rosanette demeura immobile, stupéfiée par ces façons extraordinaires. Elle laissa même la porte se refermer ; puis, d’un bond, elle le rattrapa dans l’antichambre, et, l’entourant de ses bras :
— Mais tu es fou ! tu es fou ! c’est absurde ! je t’aime !
Elle le suppliait :
— Mon Dieu, au nom de notre petit enfant ! |
429-430 |
III, 5 |
— À propos, l’autre jour, dans une boutique, j’ai rencontré cette bonne Maréchale, tenant par la main un petit garçon qu’elle a adopté. |
443 |
III, 7 |
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Karelle Gaudron
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