cet
obscur désir de l'objet
Les désirs enfantés par la société de consommation portent
le plus souvent sur des objets. Ceux-ci appartiennent sans
doute à l'ensemble des biens que l'on estime nécessaires au
confort de la vie quotidienne, mais restent surtout les
cibles d'un désir aussi vague que permanent. Jean
Baudrillard écrit : Il n’y a pas de limites à la
consommation. Si elle était ce pour quoi on la prend
naïvement : une absorption, une dévoration, on
devrait arriver à une saturation. Si elle était relative à
l’ordre des besoins, on devrait s’acheminer vers une
satisfaction. Or, nous savons qu’il n’en est rien :
on veut consommer de plus en plus. Cette compulsion de
consommation n’est pas due à quelque fatalité
psychologique (qui a bu boira, etc.) ni à une simple
contrainte de prestige. Si la consommation semble
irrépressible, c’est justement qu’elle est une pratique
idéaliste totale qui n’a plus rien à voir (au-delà d’un
certain seuil) avec la satisfaction de besoins ni avec le
principe de réalité. C’est qu’elle est dynamisée par le
projet toujours déçu et sous-entendu dans l’objet. Le
projet immédiatisé dans le signe transfère sa dynamique
existentielle à la possession systématique et indéfinie
d’objets/signes de consommation. Celle-ci ne peut dès lors
que se dépasser, ou se réitérer continuellement pour
rester ce qu’elle est : une raison de vivre. Le
projet même de vivre, morcelé, déçu, signifié, se reprend
et s’abolit dans les objets successifs. (Le Système
des objets, 1968).
Ainsi la convoitise de l'objet le plus matériel
relève en fait du Signe et de l'Idée. Que cet idéal, dans sa
dégradation, reflète ou pas une aliénation est un autre
problème : l'essentiel est de voir comment l'engrenage d'un
désir jamais satisfait participe d'un rêve de l'objet, ce
qui explique pourquoi nous sommes environnés
d'objets-fétiches. La synthèse de documents que nous
proposons ci-dessous tente d'éclaircir ce rapport obscur que
nous entretenons avec eux.
SYNTHÈSE DE DOCUMENTS
Vous
rédigerez une synthèse concise, objective et ordonnée
des documents suivants :
Document 1 : Roland Barthes, Mythologies
(1957)
Document 2 : Georges Perec, Les
Choses, (1960)
Document 3 : Jean Baudrillard, La
Société de consommation (1970)
Document 4 : Chaises. |
DOCUMENT
1
Je crois que l’automobile est aujourd’hui
l’équivalent assez exact des grandes cathédrales
gothiques : je veux dire une grande création
d’époque, conçue passionnément par des artistes
inconnus, consommée dans son image, sinon dans
son usage, par un peuple entier qui s’approprie
en elle un objet parfaitement magique.
La nouvelle Citroën tombe
manifestement du ciel dans la mesure où elle se
présente d’abord comme un objet superlatif. Il
ne faut pas oublier que l’objet est le meilleur
messager de la surnature : il y a facilement
dans l’objet, à la fois une perfection et une
absence d’origine, une clôture et une brillance,
une transformation de la vie en matière (la
matière est bien plus magique que la vie), et
pour tout dire un silence qui appartient à
l’ordre du merveilleux. La « Déesse » a tous les
caractères (du moins le public commence-t-il par
les lui prêter unanimement) d’un de ces objets
descendus d’un autre univers, qui ont alimenté
la néomanie du XVIIIe siècle et celle de notre
science-fiction : la Déesse est d’abord un
nouveau Nautilus.
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C’est pourquoi on s’intéresse moins en elle à la
substance qu’à ses joints. On sait que le lisse
est toujours un attribut de la perfection parce
que son contraire trahit une opération technique
et tout humaine d’ajustement : la tunique du
Christ était sans couture, comme les aéronefs de
la science-fiction sont d’un métal sans relais.
La DS 19 ne prétend pas au pur nappé, quoique sa
forme générale soit très enveloppée; pourtant ce
sont les emboîtements de ses plans qui
intéressent le plus le public : on tâte
furieusement la jonction des vitres, on passe la
main dans les larges rigoles de caoutchouc qui
relient la fenêtre arrière à ses entours de
nickel. Il y a dans la DS l’amorce d’une
nouvelle phénoménologie de l’ajustement, comme
si l’on passait d’un monde d’éléments soudés à
un monde d’éléments juxtaposés et qui tiennent
par la seule vertu de leur forme merveilleuse,
ce qui, bien entendu, est chargé d’introduire à
l’idée d’une nature plus facile.
Quant à la matière elle-même, il
est sûr qu’elle soutient un goût de la légèreté,
au sens magique. Il y a retour à un certain
aérodynamisme, nouveau pourtant dans la mesure
où il est moins massif, moins tranchant, plus
étale que celui des premiers temps de cette
mode. La vitesse s’exprime ici dans des signes
moins agressifs, moins sportifs, comme si elle
passait d’une forme héroïque à une forme
classique. Cette spiritualisation se lit dans
l’importance, le soin et la matière des surfaces
vitrées. La Déesse est visiblement exaltation de
la vitre, et la tôle n’y est qu’une base. Ici,
les vitres ne sont pas fenêtres, ouvertures
percées dans la coque obscure, elles sont grands
pans d’air et de vide, ayant le bombage étalé et
la brillance des bulles de savon, la minceur
dure d’une substance plus entomologique que
minérale (l’insigne Citroën, l’insigne fléché,
est devenu d’ailleurs insigne ailé, comme si
l’on passait maintenant d’un ordre de la
propulsion à un ordre du mouvement, d’un ordre
du moteur à un ordre de l’organisme).
Il s’agit donc d’un art humanisé,
et il se peut que la Déesse marque un changement
dans la mythologie automobile. Jusqu’à présent,
la voiture superlative tenait plutôt du
bestiaire de la puissance; elle devient ici à la
fois plus spirituelle et plus objective, et
malgré certaines complaisances néomaniaques
(comme le volant vide), la voici plus ménagère,
mieux accordée à cette sublimation de
l’ustensilité que l’on retrouve dans nos arts
ménagers contemporains : le tableau de bord
ressemble davantage à l’établi d’une cuisine
moderne qu’à la centrale d’une usine; les minces
volets de tôle mate, ondulée, les petits leviers
à boule blanche, les voyants très simples, la
discrétion même de la nickelerie, tout cela
signifie une sorte de contrôle exercé sur le
mouvement, conçu désormais comme confort plus
que comme performance. On passe visiblement
d’une alchimie de la vitesse à une gourmandise
de la conduite.
Roland
Barthes, Mythologies (1957).
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DOCUMENT
2
[Le
roman de Perec, chronique des année 60, raconte
les désirs et les désillusions d'un jeune
couple. Le narrateur caractérise en ces termes
leur aliénation dans les choses : « Dans le
monde qui était le leur, il était presque de
règle de désirer toujours plus qu'on ne pouvait
acquérir. Ce n'était pas eux qui l'avaient
décrété ; c'était une loi de la civilisation,
une donnée de fait dont la publicité en général,
les magazines, l'art des étalages, le spectacle
de la rue, et même, sous un certain aspect,
l'ensemble des productions communément appelées
culturelles, étaient les expressions les plus
conformes. »]
Cette
absence de simplicité, de lucidité presque, était
caractéristique. L'aisance - c'est sans doute ceci
qui était le plus grave - leur faisait cruellement
défaut. Non pas l'aisance matérielle, objective,
mais une certaine désinvolture, une certaine
décontraction. Ils avaient tendance à être
excités, crispés, avides, presque jaloux. Leur
amour du bien-être, du mieux-être, se traduisait
le plus souvent par un prosélytisme bête : alors
ils discouraient longtemps, eux et leurs amis, sur
le génie d'une pipe ou d'une table basse, ils en
faisaient des objets d'art, des pièces de musée.
Ils s'enthousiasmaient pour une valise - ces
valises minuscules, extraordinairement plates, en
cuir noir légèrement grenu, que l'ont voit en
vitrine dans les magasins de la Madeleine, et qui
semblaient concentrer en elles tous les plaisirs
supposés des voyages éclairs à New-York ou à
Londres. Ils traversaient Paris pour aller voir un
fauteuil qu'on leur avait dit parfait. Et même,
connaissant leurs classiques, ils hésitaient
parfois à mettre un vêtement neuf, tant il leur
semblait important pour l'excellence de leur
allure qu'il ait d'abord été porté trois fois.
Mais les gestes, un peu sacralisés, qu'ils avaient
pour s'enthousiasmer devant la vitrine d'un
tailleur, d'une modiste ou d'un chausseur, ne
parvenaient le plus souvent qu'à les rendre un peu
ridicules.
Peut-être étaient-ils trop marqués par leur
passé (et pas seulement eux, d'ailleurs, mais
leurs amis, leurs collègues, les gens de leur âge,
le monde dans lequel ils trempaient). Peut-être
étaient-ils d'emblée trop voraces : ils voulaient
aller trop vite. Il aurait fallu que le monde, les
choses, de tout temps leur appartiennent, et ils y
auraient multiplié les signes de leur possession.
Mais ils étaient condamnés à la conquête : ils
pouvaient devenir de plus en plus riches; ils ne
pouvaient faire qu'ils l'aient toujours été. Ils
auraient aimé vivre dans le confort, la beauté.
Mais ils s'exclamaient, ils admiraient, c'était la
preuve la plus sûre qu'il n'y étaient pas. La
tradition - au sens le plus méprisable du terme,
peut-être - leur manquait, l'évidence, la
jouissance vraie, implicite et immanente, celle
qui s'accompagne d'un bonheur du corps, alors que
leur plaisir était cérébral. Trop souvent, ils
n'aimaient, dans ce qu'ils appelaient le luxe, que
l'argent qu'il y avait derrière. Ils succombaient
aux signe de la richesse; ils aimaient la richesse
avant d'aimer la vie.
Georges
Perec, Les Choses (1965).
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DOCUMENT
3
Jusqu’ici, toute l’analyse de la consommation se
fonde sur l’anthropologie naïve de l’homo
œconomicus, ou mieux de l’homo
psycho-œconomicus. Dans le prolongement
idéologique de l’Économie Politique classique, c’est
une théorie des besoins, des objets (au sens le plus
large) et des satisfactions. Ce n’est pas une
théorie. C’est une immense tautologie1 :
« J’achète ceci parce que j’en ai besoin »
équivaut au feu qui brûle de par son essence
phlogistique2 […].
Cette mythologie rationaliste sur les
besoins et les satisfactions est aussi naïve et
désarmée que la médecine traditionnelle devant les
symptômes hystériques ou psychosomatiques.
Expliquons-nous : hors du champ de sa fonction
objective, où il est irremplaçable, […] l’objet
devient substituable de façon plus ou moins
illimitée dans le champ des connotations, où il
prend valeur de signe. Ainsi la machine à laver sert
comme ustensile et joue comme élément de confort, de
prestige, etc. C’est proprement ce dernier champ qui
est celui de la consommation. Ici, toutes sortes
d’autres objets peuvent se substituer à la machine à
laver comme élément significatif. Dans la logique
des signes comme dans celle des symboles, les objets
ne sont plus du tout liés à une fonction ou à un
besoin défini. Précisément parce qu’ils répondent à
tout autre chose, qui est soit la logique sociale,
soit la logique du désir, auxquels ils servent de
champ mouvant et inconscient de signification.
Toutes proportions gardées, les objets
et les besoins sont ici substituables comme les
symptômes de la conversion hystérique ou
psychosomatique. Ils obéissent à la même logique du
glissement, du transfert, de la convertibilité
illimitée et apparemment arbitraire. Quand le mal
est organique, il y a relation nécessaire du
symptôme à l’organe (de même que dans sa qualité
d’ustensile, il y a relation nécessaire entre
l’objet et sa fonction). Dans la conversion
hystérique ou psychosomatique, le symptôme, comme le
signe, est arbitraire (relativement). Migraine,
colite, lumbago, angine, fatigue généralisée :
il y a une chaîne de signifiants somatiques au long
de laquelle le symptôme « se balade » —
tout comme il y a un enchaînement d’objets/signes ou
d’objets/symboles, au long duquel se balade, non
plus le besoin (qui est toujours lié à la finalité
rationnelle de l’objet), mais le désir, et quelque
autre détermination encore, qui est celle de la
logique sociale inconsciente.
Si on traque le besoin en un endroit,
c'est-à-dire si on le satisfait en le prenant à la
lettre, en le prenant pour ce qu’il se donne :
le besoin de tel objet, on fait la même erreur qu’en
appliquant une thérapeutique traditionnelle à
l’organe où se localise le symptôme. Aussitôt guéri
ici, il se localise ailleurs.
Le monde des objets et des besoins
serait ainsi celui d’une hystérie3
généralisée. De même que tous les organes et toutes
les fonctions du corps deviennent dans la conversion
un gigantesque paradigme que décline le symptôme,
ainsi les objets deviennent dans la consommation un
vaste paradigme où se décline un autre langage, où
quelque chose d’autre parle. […] On pourrait dire
que cette fuite d’un signifiant à l’autre n’est que
la réalité superficielle d’un désir qui, lui, est
insatiable parce qu’il se fonde sur le manque, et
que c’est ce désir à jamais insoluble qui se
signifie localement dans les objets et les besoins
successifs.
Sociologiquement […] on peut avancer
l’hypothèse que […] si l’on admet que le besoin
n’est jamais tant le besoin de tel objet que le
« besoin » de différence (le désir du sens
social), alors on comprendra qu’il ne puisse jamais
y avoir de satisfaction accomplie, ni donc de
définition du besoin.
Jean
Baudrillard, La société de consommation
(1970).
1. tautologie :
lapalissade, truisme.
2. phlogistique : propre à s'enflammer.
3. hystérie : ici, désir névrotique sans limites.
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DOCUMENT
4
Chaise de bistrot - Michaël Thonet - 1859
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Plastic chair - Verner Panton - 1959
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Tableau de confrontation
:
Document
1 |
Document
2 |
Document
3 |
Document
4 |
PISTES |
un
objet magique
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gestes
un peu sacralisés
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exposition
totémique des objets
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caractère
sacré
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un
objet superlatif
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des
objets d'art, des pièces de musée
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les
objets deviennent dans la consommation un vaste
paradigme où quelque chose d’autre parle
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objets
utilitaires exposés comme œuvres d'art.
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primauté
de l'esthétique
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le
lisse, la perfection
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chaise
2 lisse, sans jointures
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perfection
plastique
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sublimation
de l'ustensilité
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leur
plaisir était cérébral
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les
objets ne sont plus du tout liés à une fonction ou
à un besoin défini
|
la
chaise 2 fait oublier qu'elle est chaise
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disparition
de la fonction au profit de la forme
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PLAN
DE SYNTHÈSE.
Jean Baudrillard explique que l'objet utilitaire
ne recouvre aucun besoin particulier, qu'il est la
proie arbitraire d'un désir qui ne peut être
assouvi. Dans la mesure où les autres documents
montrent, eux aussi, cette déperdition de l'ustensilité,
on peut s'aviser de considérer l'objet comme
signe, c'est-à-dire comme mythe et d'en énumérer
les caractères à la faveur d'un plan thématique.
Une mythologie de l'objet moderne ? Quelles sont
ses caractéristiques ?
I
- Dématérialisation :
Dans
les quatre documents, l'objet vaut non plus par
sa fonction utilitaire mais par sa capacité à
être investi d'un désir sans besoin.
- la
spiritualisation de la DS est soulignée par
le doc. 1 : elle
devient ici à la fois plus spirituelle et
plus objective.
- chez les héros
de Perec, le désir des choses dépasse leur
matérialité : leur plaisir était
cérébral. Trop souvent, ils n'aimaient,
dans ce qu'ils appelaient le luxe, que
l'argent qu'il y avait derrière. Ils
succombaient aux signe de la richesse.
- le doc. 3
montre que l’objet devient substituable
de façon plus ou moins illimitée dans le
champ des connotations, où il prend valeur
de signe.
- cette «
sublimation de l’ustensilité » est évidente
dans la chaise 2, qui prend l'allure d'une
sculpture.
II - Esthétisation :
Les
quatre documents se retrouvent dans l'évocation
du « bel objet », aux canons esthétiques lisses
et épurés.
- le doc. 1
multiplie les termes mélioratifs : le
lisse est toujours un attribut de la
perfection un
monde d’éléments juxtaposés et qui
tiennent par la seule vertu de leur forme
merveilleuse - un objet superlatif -
l’objet est le meilleur messager de la
surnature : il y a facilement dans
l’objet, à la fois une perfection et une
absence d’origine, une clôture et une
brillance, une transformation de la vie en
matière et pour tout dire un silence qui
appartient à l’ordre du merveilleux.
- les héros de
Perec ne résistent pas à « l’appel
publicitaire des choses » : le génie
d'une pipe ou d'une table basse - ils en
faisaient des objets d'art, des pièces de
musée.
- le doc.3
insiste sur la disparition du fonctionnel,
qui rend possible cette esthétisation : Dans
la logique des signes comme dans celle des
symboles, les objets ne sont plus du tout
liés à une fonction ou à un besoin défini.
- la comparaison
des deux chaises est éloquente : alors que
la chaise 1 conserve les caractères
fonctionnels de la chaise assemblée, la
matière plastique de la chaise 2 présente
l'aspect lisse et sans jointures notés par
le doc. 1 pour la DS.
III - Sacralisation :
Enfin les quatre documents évoquent une
totémisation de l'objet, où se manifestent
imaginaire et spiritualité, voire névrose.
- le doc.
établit d'emblée ce caractère sacré de
l'objet moderne :l’automobile est
aujourd’hui l’équivalent assez exact des
grandes cathédrales gothiques. On notera
le jeu de mots DS / Déesse : La
« Déesse » a tous les caractères d’un de
ces objets descendus d’un autre univers.
- les
personnages de Perec cèdent à une sorte de
dévotion :un fauteuil qu'on leur avait
dit parfait - les
gestes, un peu sacralisés, qu'ils avaient
pour s'enthousiasmer devant la vitrine
d'un tailleur, d'une modiste ou d'un
chausseur.
- le document 3
fait penser à quelque fétichisme : objets/signes
ou objets/symboles, au long duquel se
balade, non plus le besoin (qui est
toujours lié à la finalité rationnelle de
l’objet), mais le désir - Le
monde des objets et des besoins serait
ainsi celui d’une hystérie généralisée.
- la
photographie des chaises a quelque chose en
effet de cette totémisation de l'objet
offert à l'adoration du public, notamment la
chaise 2 en raison de l'éclairage qui la
nimbe.
Ainsi l'essor des sciences humaines
(psychanalyse) et de celles du langage
(sémiologie) ont permis de favoriser un regard
plus fertile sur les objets dont l'art et la
publicité devaient surtout profiter.
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➽ Cet
obscur désir de l'objet (présentation pdf).
L’usage
assigne étroitement l’objet à sa destination. Celle-ci
disparue, l’objet retrouve une disponibilité nouvelle,
ouverte à la poésie et au rêve. Les surréalistes avaient
placé beaucoup de leurs attentes sur l’objet rêvé et
souhaitaient arracher les objets à leur vocation
utilitaire, anéantissant du même coup la notion sacralisée
de "création artistique" : ainsi l'objet usuel n'a plus
une fonction, mais une vertu quasi magique que l'art est
prié d'enregistrer au même titre qu'une sculpture. Dans
cette lignée, Jacques Carelman, peintre, décorateur et
illustrateur inventa dès 1968 des objets introuvables et
publia leur catalogue l'année suivante, parodiant ainsi le
célèbre Catalogue des armes et cycles de Saint-Etienne.
Notre présentation évoque en images ces itinéraires.
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