LE RÉSUMÉ DE TEXTE
II

 

 La concision est la qualité essentielle que requiert le résumé : d'un ensemble de termes inscrits dans une énumération, une série d'exemples, ou d'un réseau de périphrases et de redites, vous devez savoir choisir le terme unique qui en sera le juste équivalent. Pour vous y entraîner, cette page propose :

 

  RÉCAPITULONS :

LES RÈGLES DE LA CONCISION

La suppression

- supprimer les exemples illustratifs, les citations.
- les digressions qui sortent du champ argumentatif.
- les reprises, les redites.
- les périphrases.

L'intégration - passer de l'énumération au terme générique.
- reprendre un champ lexical par son terme englobant.
- condenser les exemples argumentatifs.
Le réagencement

- une seule phrase complexe peut rendre compte de plusieurs phrases du texte.
- un verbe peut à lui seul rendre compte d'une relation logique.
- nominaliser : préférer
              le substantif au lieu du verbe, la juxtaposition au lieu de la subordination
              la phrase simple, l'adjectif en apposition.
- un signe de ponctuation pourra rendre compte d'une articulation logique :
     ainsi le signe : peut exprimer à lui seul la cause ou la conséquence.

 

APPLICATION
1 - Résumez ce texte en 170 mots.

 

L'idée de civilisation
Georges Bastide (Mirages et certitudes de la civilisation, 1953)

  Lorsque nous prononçons le mot de civilisation dans la vie quotidienne, en dehors de toute préoccupation d'analyse et d'approfondissement philosophiques et en nous laissant porter pour ainsi dire par le sens commun, il semble bien que nous entendions par ce mot un certain nombre d'acquisitions dont le caractère général et essentiel serait d'être imputables à l'homme : tout objet ou tout fait de civilisation porte la marque d'une présence ou d'une intervention humaine actuelle ou passée; et inversement tout objet ou tout fait qui ne révèle pas cette présence ou cette intervention humaine sera classé parmi les choses, non de la civilisation, mais de la nature. Certes, dans tout objet de civilisation, la matière est bien naturelle car l'homme ne fait rien de rien, mais cette matière a toujours subi une information de la part de l'homme. "L'art, c'est l'homme ajouté à la nature", a-t-on dit : c'est à cette intervention humaine au sens large que nous pensons aujourd'hui lorsque nous prononçons le mot de civilisation. Le plus modeste sentier de montagne est un fait de civilisation au même titre que le plus somptueux des palais, tandis qu'une hutte de castor ou une ruche sont tenues pour des choses purement naturelles, si habile que puisse nous en paraître l'architecture.
  A quoi reconnaissons-nous donc cette présence , et cette intervention humaines lorsqu'elles ne sont pas immédiatement manifestes par l'action effective d'un être humain ? C'est que nous percevons en tout fait ou en tout objet de civilisation une intentionnalité qui réveille aussitôt
un écho en nous-même. Ces faits ou ces objets manifestent chez leurs auteurs une tendance constante, spécifiquement humaine, et c'est pourquoi tout homme la retrouve aussitôt en lui. D'une façon toute générale, ces acquisitions humaines qui constituent la civilisation au sens le plus commun du mot, témoignent de ce que l'on peut appeler, en un sens tout aussi commun, une volonté d'affranchissement. Ces acquisitions doivent, en effet, permettre en premier lieu une indépendance sans cesse accrue de l'homme par rapport aux fatalités naturelles. La nature fait-elle peser sur l'homme la fatalité du nécessaire, comme la nécessité biologique où nous sommes de marcher sur la terre ferme et l'impossibilité anatomique et physiologique de traverser les mers et les airs ? La civilisation s'ingénie à rendre ces nécessités contingentes. La nature nous accable-t-elle de la non moins lourde fatalité de la contingence, du hasard, de l'imprévu, comme en sont remplis tous les phénomènes biologiques ? La civilisation s'efforce de faire de ces contingences des nécessités dont elle est maîtresse. C'est cette volonté de nous rendre "maîtres et possesseurs" de la nature qui manifeste son intentionalité spécifiquement humaine dans tous les faits de civilisation.
  Par voie de corollaire, les acquisitions de la civilisation doivent permettre en second lieu une richesse accrue du clavier des désirs humains. Quand on a soif, disait un ascète, c'est d'eau qu'on a soif. Et cela devrait être vrai dans l'ordre de la nature. Mais sur ce
besoin fondamental, la civilisation peut broder mille variations. Et non seulement elle peut broder à l'infini sur les thèmes de la nature, mais elle peut créer de toutes pièces des thèmes de désirs nouveaux et sans analogie dans les comportement vitaux élémentaires. Dans cette catégorie entreraient tous les faits de civilisation par lesquels s'oublient le vouloir-vivre de l'individu et de l'espèce : la science pure, l'art, et toutes les formes d'activité philosophique et religieuse qui visent un objet transcendant, hors de ce monde, et qui tiennent cependant une place importante dans la notion de civilisation.
  Enfin, en troisième lieu et toujours par voie de corollaire, la civilisation permet à ces désirs dont le clavier s'enrichit et se nuance, d'obtenir une facilité plus grande dans leurs moyens de satisfaction. Cette facilité se traduit, dans son apparence globale et selon le vœu de Descartes, par une "diminution de la peine des hommes", dont l'aspect objectif est une
rapidité plus grande dans la satisfaction des désirs, une diminution de l'intervalle qui sépare la naissance du désir de son assouvissement. Ce résultat est obtenu par l'installation d'un système de réponses pour ainsi dire automatiques au geste par lequel se manifeste le désir naissant. Dans ce système, à telle touche du clavier doit répondre avec sécurité et promptitude ce que réclame le désir.
  Sous ce triple aspect général que nous donne un premier contact avec la notion commune, la civilisation nous apparaît donc comme une sorte de monde où tout est à l'échelle humaine en ce sens que tout y porte la marque de cette intentionnalité fondamentale par laquelle l'homme s'affranchit des servitudes naturelles par le jeu d'un accroissement quantitatif et qualitatif de ses désirs ainsi que des moyens de le satisfaire. Une vue instantanée prise sur ce monde nous y montrerait une foule d'habitudes et d'aptitudes chez les individus, une collectivisation de ces habitudes et de ces aptitudes dans des institutions et des mœurs, le tout soutenu par une infrastructure matérielle d'objets fabriqués dans lesquels l'art s'ajoute à la nature pour en faire une sorte d'immense machine à satisfaire avec toujours plus de rapidité et de précision un nombre toujours plus grand de désirs toujours plus raffinés. Le civilisé est celui qui se meut à l'aise dans ce monde.

 

A/  Réduire les énumérations :

Trouvez un mot (substantif ou adjectif) capable de rendre compte des énumérations coloriées dans le texte :

1°§ : dans la vie quotidienne - en dehors de toute préoccupation d'analyse - le sens commun

        imputables à l'homme - marque - présence - intervention humaine

2°§ : un écho en nous-même - tendance - constante spécifiquement humaine - tout homme la retrouve

        affranchissement - indépendance - maîtres et possesseurs

        fatalités naturelles - fatalité du nécessaire - nécessité biologique - impossibilité anatomique et physiologique - fatalité de la contingence

        contingences - hasard -  imprévu

3°§ : besoin fondamental - comportements vitaux élémentaires - vouloir-vivre de l'individu et de l'espèce

        science pure - art - activité philosophique et religieuse

4°§ : rapidité - système de réponses pour ainsi dire automatiques - promptitude

 

B/  Inscrivez les mots obtenus dans les espaces vides de ce résumé (case blanche pour les mots de liaison).

 Dans son acception la plus , la civilisation désigne l'ensemble des caractères par l'homme sur la nature.
 Ces
se révèlent à nous comme à notre état d'homme. Elles témoignent d'un désir de  à l'égard des naturelles. Il suffit que la nature oppose à l'homme des physiques ou pour que celui-ci, dans le cadre de la civilisation, les transgresse ou les contrôle.
  , la civilisation se caractérise par un enrichissement des besoins et par un dépassement des de l'instinct au profit de spéculations ou .
  la civilisation se reconnaît à la qu'elle opère entre le désir et sa réalisation, comme aux réponses  qu'elle lui fournit.
 La civilisation répond bien à cette triple définition où, dans des structures collectives, on peut faire apparaître l'activité de l'homme qui, aidé par la technique, se montre sans cesse plus soucieux d'assouvir des désirs sans cesse plus raffinés.

 

2 - RÉDUIRE UNE ENUMÉRATION.

Le texte ci-dessous énumère assez "lourdement" quatre bons puis quatre mauvais usages de la parole. Comment reformuler ce passage de manière plus concise ?

 Les usages particuliers de la parole sont les suivants : premièrement, d'enregistrer ce que, en réfléchissant, nous découvrons être la cause de quelque chose présente ou passée, et ce que les choses présentes peuvent produire ou réaliser, ce qui, en somme est l'acquisition des arts. Deuxièmement, de révéler aux autres cette connaissance à laquelle nous sommes parvenus, ce qui revient à se conseiller et à s'apprendre quelque chose les uns aux autres. Troisièmement, de faire savoir aux autres nos volontés et nos desseins, afin que nous nous donnions les uns aux autres une aide mutuelle. Quatrièmement, de contenter et d'enchanter, soit nous-mêmes, soit les autres, en jouant avec nos mots, pour le plaisir ou l'agrément, innocemment.
  A ces usages, correspondent quatre abus. Premièrement, quand les hommes enregistrent incorrectement leurs pensées, par des mots dont le sens est variable, mots par lesquels ils enregistrent comme leurs des idées qu'ils n'ont jamais comprises, et ils se trompent. Deuxièmement, quand ils utilisent les mots métaphoriquement, c'est-à-dire dans un sens autre que celui auquel ils étaient destinés, et, par là, induisent les autres en erreur. Troisièmement, quand, par des mots, ils déclarent une volonté qui n'est pas la leur. Quatrièmement, quand ils utilisent des mots pour se blesser les uns les autres. Étant donné que la nature a armé les créatures vivantes, certaines avec des dents, d'autres avec des cornes, et d'autres [encore] avec des mains, ce n'est qu'un abus de parole de blesser quelqu'un avec la langue, à moins que ce ne soit quelqu'un que nous sommes obligés de gouverner, et alors, ce n'est pas le blesser, mais le corriger et l'amender.
Thomas Hobbes, Léviathan.

 

 

 

 Nous avons coloré différemment  les unités de sens qu'a révélées la structure de ce texte : progressivement, nous allons les traiter dans la perspective d'une reformulation.

Rien que la vérité ou toute la vérité ? Jean Lacouture, «Courrier de l'UNESCO», septembre 1990.

    Le débat que le journaliste mène avec sa conscience est âpre, et multiple, d'autant plus que son métier est plus flou, et doté de moins de règles, et pourvu d'une déontologie plus flottante que beaucoup d'autres...
   Les médecins connaissent certes, et depuis l'évolution des connaissances et des lois, de cruelles incertitudes - dont mille enquêtes, témoignages et débats ne cessent de rendre compte. Les avocats ne sont guère en reste, ni les chercheurs et leurs manipulations biologiques ou leurs armes absolues, ni les utilisateurs militaires de ces engins. Mais enfin, les uns et les autres ont leur serment d'Hippocrate, leur barreau, leurs conventions de Genève. Les journalistes, rien.
   Il n'est pas absurde de comparer leur condition à celle d'un missile téléguidé qui ignorerait aussi bien la nature de la mission que l'orientation du pilote et qui serait programmé de telle façon qu'il ne soit pointé ni en direction de la terre, pour éviter les accidents, ni en direction de la mer, pour prévenir la pollution. A partir de ces données, le journaliste est un être libre et responsable, auquel il ne reste qu'à faire pour le mieux en vue d'éclairer ses contemporains sans pour autant faire exploser les mille soleils d'Hiroshima.

 
 En apparence, l'objectif est clair, autant que le serment d'Hippocrate : dire la vérité, rien que la vérité, toute la vérité, comme le témoin devant le tribunal. Mais à ce témoin, le président du jury ne demande que la vérité qui lui a été humainement perceptible, celle qu'il a pu appréhender en un certain lieu, à une certaine heure, relativement à certaines personnes. Au journaliste est demandée une vérité plus ample, complexe, démultipliée.
  En rentrant de déportation, Léon Blum, qui avait été longtemps journaliste, déclarait devant ses camarades qu'il savait désormais que la règle d'or de ce métier n'était pas « de ne dire que la vérité, ce qui est simple, mais de dire toute la vérité, ce qui est bien plus difficile ». Bien. Mais qu'est-ce que « toute la vérité », dans la mesure d'ailleurs où il est possible de définir « rien que la vérité » ? [...]
 
  L'interrogation du journaliste ne porte pas seulement sur la part de vérité qui lui est accessible, mais aussi sur les méthodes pour y parvenir, et sur la divulgation qui peut être faite.
 
  Le journalisme dit « d'investigation » est à l'ordre du jour. Il est entendu aujourd'hui que tous les coups sont permis. Le traitement par deux grands journalistes du Washington Post de l'affaire du Watergate a donné ses lettres de noblesse à un type d'enquête comparable à celle que pratiquent la police et les services spéciaux à l'encontre des terroristes ou des trafiquants de drogue.
  S'insurger contre ce modèle, ou le mettre en question, ne peut être le fait que d'un ancien combattant cacochyme, d'un reporter formé par les Petites sœurs des pauvres. L'idée que je me suis faite de ce métier me détourne d'un certain type de procédures, de certaines interpellations déguisées, et je suis de ceux qui pensent que le journalisme obéit à d'autres règles que la police ou le contre-espionnage. Peut-être ai-je tort.

 
  Mais c'est la pratique de la rétention de l'information qui défie le plus rudement la conscience de l'informateur professionnel. Pour en avoir usé (et l'avoir reconnu...) à propos des guerres d'Algérie et du Vietnam, pour avoir cru pouvoir tracer une frontière entre le communicable et l'indicible, pour m'être érigé en gardien « d'intérêts supérieurs » à l'information, ceux des causes tenues pour « justes », je me suis attiré de rudes remontrances. Méritées, à coup sûr, surtout si elles émanaient de personnages n'ayant jamais pratiqué, à d'autres usages, de manipulations systématiques, et pudiquement dissimulées.
 
  La loi est claire: « rien que la vérité, toute la vérité », mais il faut la compléter par la devise que le New York Times arbore en manchette : « All the news that's fit to print », toutes les nouvelles dignes d'être imprimées. Ce qui exclut les indignes – c'est-à-dire toute une espèce de journalisme et, dans le plus noble, ce dont la divulgation porte indûment atteinte à la vie ou l'honorabilité de personnes humaines dont l'indignité n'a pas été établie.
 Connaissant ces règles, le journaliste constatera que son problème majeur n'a pas trait à l'acquisition mais à la diffusion de sa part de vérité, dans ce rapport à établir entre ce qu'il ingurgite de la meilleure foi du monde, où abondent les scories et les faux-semblants, et ce qu'il régurgite. La frontière, entre les deux, est insaisissable, et mouvante. Le filtre, de ceci à cela, est sa conscience, seule.

Recherche des expressions à reformuler

Commentaire de la reformulation proposée

« le journaliste est un être libre et responsable »
  trouver d'autres formulations pour :
 - débat, conscience, âpre, multiple
 - médecins, avocats, chercheurs
 - règles, déontologie, serment, barreau, conventions.

 Le journaliste se trouve placé dans de douloureux et fréquents cas de conscience car, au contraire d'autres professions libérales, aucune instance juridique ne lui indique la conduite à observer.
  [quels mots du texte ont permis d'écrire : 
   professions libérales ; aucune instance juridique ;
    conduite à observer ?
]

« une vérité plus ample, complexe, démultipliée »
  trouver une autre formulation pour :
 - plus ample, complexe, démultipliée.
 quel rôle joue ce paragraphe ? à combien de parties s'attend-on ?
 quels en seront les sujets ?
 

 Cette liberté exige du journaliste qu'il rende compte de la vérité, mais d'une vérité multiforme qui ne soit pas uniquement la sienne, comme dans le cas d'un simple témoignage.
   [quels mots du texte ont permis d'écrire :
        pas uniquement la sienne ? multiforme ?]

 

 Le problème concerne aussi les méthodes pour y parvenir et l'étendue du devoir d'informer.

« le journalisme dit « d'investigation »
 trouver d'autres formulations pour :
 - enquête, police, services spéciaux, interpellations, procédures.
  pourquoi faut-il conserver le "je"?

On pratique aujourd'hui un journalisme policier où on ne recule devant aucun moyen. Au risque de me tromper ou de paraître démodé, je persiste à refuser ces pratiques.
    [quels mots du texte ont permis d'écrire : journalisme policier ? de paraître démodé ?]

« la rétention de l'information »
 trouver une autre formulation pour :
 - intérêts supérieurs, causes justes.

  Mais c'est le refus délibéré d'informer qui pose le plus redoutable problème. J'ai dû moi-même y consentir autrefois au nom de la raison d'État, et je me suis exposé à des reproches légitimes.
     [quels mots du texte ont permis d'écrire : raison d'État ?]

« les nouvelles dignes d'être imprimées »
 trouver d'autres formulations pour :
 - indignes, indûment
 - diffusion, ingurgite/régurgite, filtre.

 

  Il importe alors de respecter la vérité, mais sans tomber dans l'indignité de l'atteinte injuste aux vies privées. Fort de ces règles., le journaliste devra comprendre que sa conscience est le seul juge capable de démêler ce qu'il a cru sincèrement de ce qu'il doit communiquer au public.
    [qu'est-ce qui autorise l'adjectif "injuste" ? qu'est-ce qui justifie le verbe "démêler" ?]

 

 

     APPLICATION
Soit la proposition de résumé suivante (Nicolas Grimaldi, Cinq paradoxes du moi, début du texte) :

 Le moi est à la fois sujet et objet, mais, deuxième paradoxe, il est aussi évident que mystérieux. Mes perceptions attestent l’existence d’un être dont je ne sais rien. Et il est vain de prétendre dissiper ce mystère car les sentiments que nous éprouvons nous caractérisent à notre insu, sans que nous soyons en mesure [50] d’en identifier l’origine. C’est que le moi n’est pas un concept : il revêt seulement des formes qui restent, faute de témoin omniscient, éphémères et contingentes. 85 mots.

 Après quelques efforts, 30 mots sont supprimés :
     - l'apposition
: sujet et objet, le moi ... au lieu de le moi est sujet et objet.
    - la suppression des subordonnées relatives au profit d'un nom ou d'un adjectif :
              dont je ne sais rien = inconnu  —   qui restent éphémères et contingentes.
    - le : remplace la relation de cause ou de conséquence.
    - la suppression des périphrases :
             sans que nous soyons en mesure d'en identifier l'origine : à traduire par un adverbe
                          (inexplicablement).

 Résultat :
Sujet et objet , le moi est, de plus, aussi évident que mystérieux. Mes perceptions attestent l’existence d’un être inconnu, au mystère impossible à dissiper : nos sentiments nous caractérisent à notre insu, inexplicablement. En effet le moi n’est pas un concept : faute de témoin omniscient, il revêt seulement [50] des formes éphémères et contingentes. 55 mots

 

  Résumez ces textes en 100 mots.

 

EXERCICE 1

  « S'informer fatigue »

     La presse écrite est en crise. Elle connaît en France et ailleurs une baisse notable de sa diffusion et souffre gravement d'une perte d'identité et de personnalité. Pour quelles raisons et comment en est-on arrivé là ? Indépendamment de l’influence certaine du contexte économique et de la récession il faut chercher, nous semble-t-il, les causes profondes de cette crise dans la mutation qu'ont connue, au cours de ces dernières années, quelques-uns des concepts de base du journalisme.
   En premier lieu l'idée même d'information. Jusqu’à il y a peu, informer, c’était, en quelque sorte, fournir non seulement la description précise - et vérifiée - d’un fait, d'un événement, mais également un ensemble de paramètres contextuels permettant au lecteur de comprendre sa signification profonde. Cela a totalement changé sous l'influence de la télévision, qui occupe désormais, dans la hiérarchie des médias, une place dominante et répand son modèle. Le journal télévisé, grâce notamment à son idéologie du direct et du temps réel, a imposé peu à peu une conception radicalement différente de l'information. Informer c'est, désormais, « montrer l'histoire en marche » ou, en d'autres termes, faire assister (si possible en direct) à l'événement. Il s'agit, en matière d'information, d'une révolution copernicienne dont on n'a pas fini de mesurer les conséquences. Car cela suppose que l'image de l'événement (ou sa description) suffit à lui donner toute sa signification, et que tout événement, aussi abstrait soit-il, doit impérativement présenter une partie visible, montrable, télévisable. C'est pourquoi on observe une emblématisation réductrice de plus en plus fréquente d'événements à caractère complexe.
   Un autre concept a changé : celui d'actualité. Qu'est-ce que l'actualité désormais ? Quel événement faut-il privilégier dans le foisonnement de faits qui surviennent à travers le monde ? En fonction de quels critères choisir ? Là encore, l'influence de la télévision apparaît déterminante. C'est elle, avec l'impact de ses images, qui impose son choix et contraint la presse écrite à suivre. La télévision construit l'actualité, provoque le choc émotionnel et condamne pratiquement les faits orphelins d'images au silence, à l'indifférence. Peu à peu s'établit dans les esprits l'idée que l'importance des événements est proportionnelle à leur richesse en images. Dans le nouvel ordre des médias, les paroles ou les textes ne valent pas des images.
   Le temps de l'information a également changé. La scansion optimale des médias est maintenant l'instantanéité (le temps réel), le direct, que seules télévision et radio peuvent pratiquer. Cela vieillit la presse quotidienne, forcément en retard sur l'événement et, à la fois, trop près de lui pour parvenir à tirer, avec suffisamment de recul, tous les enseignements de ce qui vient de se produire. La presse écrite accepte de s'adresser non plus à des citoyens, mais à des téléspectateurs !
   Un quatrième concept s'est modifié. Celui, fondamental, de la véracité de l'information. Désormais, un fait est vrai non pas parce qu'il correspond à des critères objectifs, rigoureux et vérifiés à la source, mais tout simplement parce que d'autres médias répètent les mêmes affirmations et « confirment »... Si la télévision (à partir d'une dépêche ou d'une image d'agence) présente une nouvelle et que la presse écrite, puis la radio reprennent cette nouvelle, cela suffit pour l'accréditer comme vraie. Les médias ne savent plus distinguer, structurellement, le vrai du faux.
   Enfin, information et communication tendent à se confondre. Trop de journalistes continuent de croire qu'ils sont seuls à produire de l’information quand toute la société s'est mise frénétiquement à faire la même chose. Il n’y a pratiquement plus d'institution (administrative, militaire, économique, culturelle, sociale, etc.) qui ne se soit dotée d'un service de communication et qui n'émette, sur elle-même et sur ses activités, un discours pléthorique et élogieux. À cet égard, tout le système, dans les démocraties cathodiques, est devenu rusé et intelligent, tout à fait capable de manipuler astucieusement les médias et de résister savamment à leur curiosité. Nous savons à présent que la « censure démocratique » existe.
   À tous ces chamboulements s’ajoute un malentendu fondamental. Beaucoup de citoyens estiment que, confortablement installés dans le canapé de leur salon et en regardant sur le petit écran une sensationnelle cascade d'événements à base d’images fortes, violentes et spectaculaires, ils peuvent s’informer sérieusement. C'est une erreur majeure. Pour trois raisons : d'abord parce que le journal télévisé, structuré comme une fiction, n’est pas fait pour informer mais pour distraire ; ensuite, parce que la rapide succession de nouvelles brèves et fragmentées (une vingtaine par journal télévisé) produit un double effet négatif de surinformation et de désinformation ; et enfin parce que vouloir s'informer sans effort est une illusion qui relève du mythe publicitaire plutôt que de la mobilisation civique. S’informer fatigue, et c'est à ce prix que le citoyen acquiert le droit de participer intelligemment à la vie démocratique.

Ignacio RAMONET, Télévision et information. , Le Monde Diplomatique, octobre 1993.

 CORRECTION

 

 

EXERCICE 2

  Vers une fracture générationnelle ?

   Les générations sont-elles en passe de devenir une nouvelle clé de lecture des fractures centrales de la société française ? En tous cas, à l’heure où l’on peine à dessiner, en France comme ailleurs, le visage des sociétés nationales, et où l’analyse en termes de classes sociales est de moins en moins suffisante, les clivages liés à l’âge pourraient connaître un regain de vitalité dans les années à venir.
   Cette particularité de notre époque, c’est bien entendu l’exceptionnel destin social de la « génération 68 », comme l’a rappelé récemment le sociologue Louis Chauvel. Celui-ci met en évidence, dans deux articles, les facteurs qui ont permis aux individus nés entre 1945 et 1955 de connaître un progrès sans précédent. La « génération 68 » succède à des générations qui ont connu des destins particulièrement dramatiques : la génération 1914 par exemple, celle de leurs parents, aura connu un début de vie active des plus difficiles dans le contexte de crise des années 1930, avant, surtout, de connaître les affres de la Seconde Guerre mondiale.
   Grandissant eux, pour la première fois depuis un siècle, en temps de paix, les « baby-boomers » vont profiter à plein de la dynamique des Trente Glorieuses : dans un pays en pleine reconstruction, le travail ne manque pas, ce qui leur permet de connaître, au cours des trois ans après la sortie des études, un taux de chômage moyen très faible d’environ 5%. Grâce notamment au développement de l’Etat-providence, de l’éducation et de la recherche (CNRS, universités), des services de santé, des entreprises semi-publiques (EDF, France Telecom…), ils vont être les principaux bénéficiaires de la forte demande en cadres et professions intellectuelles. Ils connaîtront ainsi une mobilité sociale ascendante inouïe, assurant une rentabilité maximale de leurs diplômes : dans les années 1970, 70% des titulaires d’une licence ou plus âgés de 30 à 35 ans sont cadres. Aujourd’hui, la « génération 68 » s’apprête à prendre sa retraite après une vide de travail pratiquement sans accroc, et après avoir fait jouer l’ascenseur social comme aucune autre génération auparavant.
   Malheureusement, cette parenthèse s’est très vite refermée : Les générations nées à partir de 1955 ont connu une dégradation progressive de leurs « chances de vie ». Le phénomène le plus important de ce point de vue est naturellement l’apparition d’un chômage de masse, qui frappe notamment les nouveaux venus sur le marché du travail. […]
   Constat pessimiste ? L. Chauvel admet qu’il est « sombre, mais il est fondé sur des bases empiriques fortes, des analyses solides, des résultats convergents ». D’autres auteurs dressent un tableau plus nuancé. On peut souligner aussi que les privilèges d’une génération ne jouent pas nécessairement comme un désavantage pour les autres générations. On a ainsi assisté à un renversement historique du sens des solidarités, provoqué par l’Etat-providence (avec l’instauration des retraites et le développement de l’éducation), qui fait que ce sont désormais principalement les jeunes qui bénéficient des solidarités familiales. Résultat : l’écart de revenus entre les âges se resserre, même s’il faut reconnaître que cette réduction des inégalités est « modérée ».
   Ces correctifs ne suffisent donc pas à entamer le constat général d’inégalités socio-économiques fortes entre les générations au détriment des jeunes. D’où le constat laconique de L. Chauvel : « Pour la première fois en période de paix, la génération qui précède ne laisse pas aux suivantes un monde meilleur à l’entrée de la vie. » En fait, selon lui, on a assisté, au milieu des années 1980, à l’inversion d’un phénomène qui jusque-là visait d’abord la protection et l’insertion des jeunes : voici que l’on s’est mis à assurer prioritairement la stabilité des plus âgés, le principal coût de ce changement étant, encore une fois, le chômage des jeunes. Ce basculement comporte de grands risques. Et tout d’abord celui d’une « dyssocialisation » de la jeunesse, c’est-à-dire non pas d’une absence de socialisation, mais d’une socialisation difficile, inadaptée. Concrètement, ce risque viendrait d’un manque de correspondance entre les valeurs et les idées que reçoit la nouvelle génération (liberté individuelle, réussite personnelle, valorisation des loisirs, etc.) et les réalités auxquelles elle sera confrontée (centralité du marché, hétéronomie, pénurie, manque d’emplois intéressants, ennui, etc.). Plus profondément, les difficultés psychosociales de la nouvelle génération (notamment les comportements violents, les incivilités en tous genres, le suicide, etc.) pourraient être liés de façon immédiate au fossé entre ce que les jeunes croient mériter (sur la base d’une comparaison entre les études et la position de leurs parents et les leurs) et ce qu’ils peuvent réellement connaître.
   Bien sûr l’avenir n’est pas encore joué, et la récente prise de conscience du phénomène par les politiques augure peut-être de mesures capables de faciliter l’insertion des jeunes dans le monde du travail. Reste qu’il y a encore loin de la conscience, bien réelle, des inégalités liées à l’âge, à leur prise en compte effective dans la décision collective et notre représentation de la société. En attendant, on ne peut que faire des conjectures sur notre futur immédiat.

Xavier MOLENAT, « Vers une fracture générationnelle », Les Grands Dossiers des Sciences Humaines, n°4, 2006.

 CORRECTION

 

EXERCICE 3

  Éloge de la parole

   Les propos de Socrate contre l’écriture sont loin d'être ceux du marginal grincheux que l'on évoque parfois. Ils sont au contraire au cœur d'un rapport à l'écriture courant dans l'Antiquité grecque et romaine (jusqu'au seuil de l'Empire, qui réservera un accueil plus favorable à l'écriture comme moyen de contrôle social). L'oral reste en effet le moyen de communication privilégié pour tout ce qui est essentiel à la vie publique, l'écrit n'ayant qu'un rôle d'appoint et de retranscription. Nous sommes là en présence d'une norme sociale forte, qui veut par exemple que tout au long de l'Antiquité, au moins jusqu'à l'Empire, il ait été impensable qu'un orateur lise un texte. Le débat qui témoigne d'une tension entre la parole et la communication concerne la résistance qui s'inaugure dans le monde grec à ce qui est vécu comme une artificialisation de la parole. Les sophistes, véritables professionnels de la parole, se voient accusés de manipulation dès qu'ils prétendent travailler le langage, le mettre en forme pour convaincre. Ce débat entre parole authentique et parole manipulée va traverser, jusqu'à aujourd'hui, toute l'histoire de la rhétorique et du rapport moderne à la parole et au langage. Aujourd’hui même la parole ne sort pas indemne de ce qu'elle est obligée de se donner des outils pour être communiquée. Plus ceux-ci éloignent la parole de l'oral et du face-à-face, plus la suspicion gagne. C'est pourquoi, loin de s'être succédé, les différents moyens de communication se sont cumulés, avec un privilège maintenu pour l'oral.
   Pourquoi l'oral est-il supérieur ? Un phénomène capital, dont aucun système d'écriture connu ne conserve la trace, le fait bien apparaître. Ce phénomène est l'intonation, qui stratifie souvent le discours oral en une structure hiérarchique où le message principal n'est pas prononcé sur le même registre selon les propositions imbriquées les unes dans les autres au sein de la phrase. Une reproduction graphique qui, bien qu'exacte pour le reste, ne note pas l'intonation, peut paraître quasiment inintelligible. L'écriture, comme l'image, est une réduction, une parole contrainte pour pouvoir durer, aller plus loin. Gain d'un côté, perte de l'autre. L'oral (comme le gestuel) serait plus proche de la parole, car il engage tout l'être dans une intonation globale. L'éloge de la parole est d'abord un éloge du face-à-face. Chacun d'entre nous est en fait confronté quotidiennement à une question simple (en théorie) : quel est le moyen de communication le plus approprié pour la parole que je souhaite tenir ? On constatera que plus la parole tenue est forte, plus nous cherchons le recours, quand il est possible, au face-à-face.
   Ainsi le débat qui s'est instauré sur les possibilités ouvertes par les nouvelles technologies de communication reprend à sa façon ces anciennes questions. On sait qu'Internet a été entouré de la promesse d'une meilleure communication. Nous sommes là, toutefois, au cœur d'une utopie, car ce réseau ne favorise que la communication indirecte. Sa promotion a même longtemps reposé sur une apologie à la fois de ce type de communication (vous pourrez tout faire de chez vous, sans sortir) et d'une disqualification de la rencontre directe. Les propositions de cette utopie vont même plus loin. Du fait du développement des moyens de communication, la parole serait « meilleure » et la violence, liée au face-à-face, reculerait. L'illusion est ici à son comble, car au cœur de cette utopie est tapie une croyance de nature quasi religieuse et que l'on pourrait résumer ainsi : la communication, l'usage croissant de moyens de communication, sanctifierait la parole ainsi transportée.
   Pourtant la réalité d'Internet est plus modeste. Le réseau remplit en fait trois fonctions bien distinctes et qui sont chacune le prolongement d'un moyen de communication plus ancien. Le courrier électronique, d’abord, a repris les fonctions de la poste, avec une efficacité accrue mais sans changement structurel sur la nature de la parole ainsi échangée. On rencontre là les mêmes problèmes que dans l'usage général de l'écrit qui ne peut jamais prétendre qu'au statut de complément ou de substitut de la rencontre directe et de la parole face-à-face. Les sites Web, ensuite, ont certes accru notre pouvoir d'accéder à l'information, mais le problème de la qualité, de la validité et de la pertinence des informations en ligne reste posé. La meilleure information reste finalement celle qui est garantie par le médiateur le plus fiable, donc le plus proche, celui en qui l'on a confiance. Enfin les forums de discussion qui organisent des échanges indirects ne permettent pas toute l'ouverture de la communication que l'on avait supposée initialement. Ils servent surtout aux communautés déjà constituées et ne sont que de peu d'aide pour ouvrir le champ de la parole. Il s'y succéderait plutôt des « doubles dialogues », où chacun s'exprime sans forcément écouter l'autre.
   On peut en conclure qu’il est difficile d'argumenter à distance avec des personnes qu'on ne connaît pas, et d'ailleurs pour quoi leur dire ? Il ne suffit pas d'avoir à sa disposition un moyen de communication : encore faut-il avoir une parole à transmettre. Le fétichisme qui a entouré ces derniers temps la communication et ses techniques ne doit pas nous faire perdre de vue cette réalité fondamentale : la parole est bien la finalité de la communication.

Philippe BRETON, Éloge de la parole, 2003 .

 CORRECTION