L E M A L CORPUS DE
CITATIONS |
DÉFINITION ET ORIGINE DU MAL
Le mal existe, donc de deux choses l'une, ou Dieu le
sait ou il l'ignore. Dieu sait que le mal existe, il peut donc le supprimer
mais il ne veut pas... un tel Dieu serait cruel et pervers, donc
inadmissible.
Dieu sait que le mal existe, il veut le supprimer mais il
ne peut le faire ... un tel Dieu serait impuissant, donc inadmissible.
Dieu ne sait pas que le mal existe... un tel Dieu serait aveugle et ignorant,
donc inadmissible.
Épicure
Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs
parfaitement opposées l'une à l'autre ; le bien souvent accouche du mal et
la capacité de voir le mal en face est ce qui nous ouvre la capacité d'un
bien relatif. André Glucksmann (entretien avec Guy Rossi-Landi).
Le mal est aisé, il y en a une infinité, le bien est presque
unique. Pascal, Pensées, 469.
Ce qui commence dans le mal s'affermit par le mal. William
Shakespeare, Macbeth
Un bien présent peut être dans l'avenir la source d'un grand mal
; un mal, la source d'un grand bien.
Denis Diderot, Éloge de Richardson.
Ce sont presque toujours de bons sentiments mal dirigés qui font faire aux enfants le premier pas vers le mal.
Jean-Jacques Rousseau, Confessions.
De même que l'horreur est la mesure de l'amour, la soif
du mal est la mesure du bien. Georges
Bataille, La littérature et le mal
Le mal existe, mais pas sans le bien, comme l'ombre
existe, mais pas sans la lumière. Alfred de Musset, Lorenzaccio.
La proposition "L'homme est mauvais", ne peut vouloir dire autre
chose que "Il a conscience de la loi morale et il a cependant admis dans sa
maxime de s'en écarter (à l'occasion)". Emmanuel Kant, La religion dans
les limites de la simple raison.
Tout notre mal vient de ne pouvoir être seuls : de
là le jeu, le luxe, la dissipation, le vin, les femmes, l'ignorance, la
médisance, l'envie, l'oubli de soi-même et de Dieu. Jean de La Bruyère,
Les Caractères
Les choses extérieures ne dépendent pas de moi ; ma volonté dépend de
moi. Où chercher le bien et le mal ? En moi-même, dans ce qui est mien. Épictète,
Entretiens.
Dieu n'est pas venu supprimer la souffrance. Il n'est même pas venu
l'expliquer. Mais il est venu la remplir de sa présence. Paul Claudel
.
La question du bien et du mal demeure un
chaos indébrouillable pour ceux qui cherchent de bonne foi ; c'est un
jeu d'esprit pour ceux qui disputent : ils sont des forçats qui jouent
avec leurs chaînes. Voltaire,
Dictionnaire philosophique.
FACE AU MAL
Celui qui ne fait pas, et n'imagine pas le mal, est
porté non pas à nier l'existence du mal, mais à refuser de croire à la
fatalité du mal, à se refuser d'admettre que le mal soit inévitable et
inguérissable.
Curzio Malaparte, La peau.
On ne peut vaincre le mal que par un autre mal.
Jean-Paul
Sartre, Les Mouches.
La littérature est l’essentiel, ou n’est rien. Le Mal –
une forme aiguë du Mal – dont elle est l’expression, a pour nous, je le
crois, la valeur souveraine. Mais cette conception ne commande pas l’absence
de morale, elle exige une « hypermorale ».
Georges Bataille, La littérature et le mal.
Je me demandais à
chaque minute ce que je pouvais être aux yeux de Dieu. A présent je connais la
réponse: rien. Dieu ne me voit pas, Dieu ne m'entend pas, Dieu ne me connaît
pas. Tu vois ce vide au-dessus de nos têtes ? C'est Dieu. Tu vois cette brèche
dans la porte ? C'est Dieu. Tu vois ce trou dans la terre ? C'est Dieu encore.
Le silence c'est Dieu. L'absence c'est Dieu. Dieu c'est la solitude des hommes.
Il n'y avait que moi: J'ai décidé seul du Mal; seul, j'ai inventé le Bien. C'est
moi qui ai triché, moi qui ai fait des miracles, c'est moi qui m'accuse
aujourd'hui, moi seul peut m'absoudre; moi, l'homme. Si Dieu existe, l'homme est
néant, si l'homme existe...
Jean-Paul
Sartre, Le diable et le bon Dieu, acte II.
« C'est dans le vide de la pensée que
s'inscrit le mal.» Hannah Arendt, Le système totalitaire.
La volonté ne consent au mal que par crainte de tomber
dans un mal plus grand. Dante La Divine Comédie.
Le
principe du mal réside dans la tension de la volonté, dans l'inaptitude
au quiétisme, dans la mégalomanie prométhéenne d'une race qui crève
d'idéal, qui éclate sous ses convictions et qui, pour s'être complu à
bafouer le doute et la paresse - vices plus nobles que toutes ses
vertus - s'est engagée dans une voie de perdition, dans l'histoire,
dans ce mélange indécent de banalité et d'apocalypse... Les certitudes
y abondent : supprimez-les, supprimez surtout leurs conséquences : vous
reconstituez le Paradis. Qu'est-ce que la Chute sinon la
poursuite d'une vérité et l'assurance de l'avoir trouvée, la passion
pour un dogme, l'établissement dans un dogme ? Le fanatisme en résulte
- tare capitale qui donne à l'homme le goût de l'efficacité, de la
prophétie, de la terreur -, lèpre lyrique par laquelle il contamine les
âmes, les soumet, les broie ou les exalte... E.M. Cioran, Précis de décomposition.
BEAUTÉ DU MAL
Ayant usé ma
qualité d'homme, rien ne m'est plus d'aucun profit. Je n'aperçois
partout que des bestiaux à idéal qui s'attroupent pour bêler leurs
espoirs... Ceux mêmes qui ne vécurent point ensemble, on les y
contraint comme fantômes, sinon à quelle fin a-t-on conçu la
"communion" des saints ?... A la poursuite d'un véritable solitaire, je
passe les âges en revue, et n'y trouve et n'y jalouse que le Diable...
La raison le bannit, le cœur l'implore... Esprit de mensonge, Prince
des Ténèbres, le Maudit, l'Ennemi, - combien il m'est doux de me
remémorer les noms qui flétrirent sa solitude ! et combien je le chéris
depuis qu'on le relègue jour après jour ! Puissé-je le rétablir dans
son premier état ! Je crois en Lui de toute mon incapacité de croire. Sa compagnie m'est nécessaire : l'être seul va vers le plus seul,
vers le Seul... Je me dois d'y tendre : ma puissance d'admirer - de
peur de demeurer sans emploi - m'y oblige. Me voilà face à mon modèle :
en m'y attachant, je punis ma solitude de n'être point totale, j'en
forge une autre qui la dépasse : c'est ma façon d'être humble...
On remplace Dieu comme on peut : car tout dieu est bon, pourvu
qu'il perpétue dans l'éternité notre désir d'une solitude capitale...
E.M. Cioran, Précis de décomposition.
La volupté unique et suprême de l'amour gît dans la certitude de
faire le mal. Et l'homme et la femme savent de naissance que dans le mal se trouve toute volupté.
Charles
Baudelaire, Journaux Intimes
Presque toujours ce qui nuit à la beauté morale redouble la beauté poétique. On ne fait guère que des tableaux tranquilles et froids avec la vertu ; c’est la passion et le vice qui animent les compositions du peintre, du poète et de musicien.
Diderot, lettre à Sophie Volland (18 juillet 1762).
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