C'est le moment privilégié, rendu
plus magique encore par les sortilèges conjugués du souvenir et du demi-sommeil. Une
opposition définitive s'installe entre Sylvie la brune et la blonde Adrienne, comme
s'opposent le rêve et le réel. Le retour du narrateur près de Sylvie semble comme
l'éveil après le songe. Rien de la danse ne semble exister vraiment ("on nous dit,
nous dit-on"). Tout est ici réuni du rêve nervalien et du bonheur qui lui est lié.
La vie pourra, après cela, n'être plus qu'une éternelle quête du même instant :
- le château, qui est peut-être celui de Mortefontaine, mais surtout le signe
aristocratique de la quête nervalienne : le vieux et monarchique Valois, l'allure
lointaine d'Adrienne, sa chanson. Le château est comme le lieu symbolique de la
révélation, celui où l'être se trouve et se réunit, un lieu d'où Nerval enfant s'est
peut-être senti exclu.
- la ronde, "parfaite continuité dynamique et close" (Jean-Pierre
Richard), qui appelle l'harmonie de l'amour et du rêve ("nous pensions être en
paradis").
- la sainte : Adrienne est tôt transfigurée par le passé ("vieux airs, vieille
romance, famille alliée aux Valois") et la lumière lunaire qui la nimbe. Elle est
la femme souveraine et médiatrice (la couronne de lauriers appelle la figure de
Béatrice), mais inaccessible. Cette femme à peine au monde conforte Nerval dans l'objet
sensible et mythique de sa quête.
Pour évoquer la magie de l'instant, le narrateur utilise une série
d'impressions visuelles qui noient le tableau d'un charme pénétrant : lumières (le
soleil couchant et ses couleurs passées, puis l'ombre et le clair de lune), brumes
("voix voilée, pays brumeux, blancs flocons sur les pointes des herbes").