Dans cette scène essentielle du
déguisement, Sylvie joue un rôle de fée, d'initiatrice. C'est elle qui dérobe la clef,
guide le narrateur et l'invite à s'habiller. "La fée des légendes éternellement
jeune" s'oppose néanmoins à la crainte de la jeune fille : "Je vais avoir
l'air d'une vieille fée". Fêlure secrète où le narrateur idéalise son amour,
l'enfance et le passé dont il est le cadre, et où Sylvie reste terrienne et simple.
"la petite Sylvie, grâce à qui le rêve ne décolle jamais entièrement du
réel" (R.M. Albérès).
Sylvie est pourtant, elle aussi, porteuse de feu, mais d'un feu naturel et
clair, sans ses ombres infernales et ses lueurs inquiétantes : elle cueille des boutons
d'or et des digitales, des fraises, elle porte un habit "en taffetas flambé";
elle arrivant, "c'était le feu dans la maison". Feu simple aussi que celui où
la tante prépare les ufs. Le feu d'Adrienne est autre, feu des profondeurs, lueur
lancinante de Dionysos.
"Pour tout un beau matin d'été" : la restriction est importante,
mais cette scène est celle du temps retrouvé et le narrateur est le seul à élever au
niveau du mythe ce charme naïf des noces de village ("le cantique de
l'Ecclésiaste").