Gustave Flaubert — L'Éducation sentimentale [1869]

Première partie – Chapitre 1 – " Ce fut comme une apparition "

Image du manuscrit - site Gallica (bnf.fr) — Transcription du folio 599_64r

 

8.

 

         négresse coiffée d’un madras    & qui tenait
                                                      gauche
Une nourrice portant sur son bras une petite fille, déjà grande, arriva
                                 qui
près d’elle. L’enfant venait de s’éveiller, souriait, bien qu’elle pleurât.
                      dont les yeux clairs roulaient encore des larmes
                                                                    sous ses larmes encore fraiches

Elle la prit sur ses genoux. Alors il entendit sa voix.
                                                           prtant 2      1
C’était une voix légèrement sourde. & sonore cependant avec une façon
                                          & des modulations plein de douceur
de parler un peu traînante qui était musicale & douce.
                                                                   qui étaient
Elle grondait la petite fille, tout en caressant d’une main, ses jolis
               noirs
cheveux bruns bouclés. « Mademoiselle n’était pas sage, quoiqu’elle
               on lui passait trop tous ses caprices
                                                                                           était heureux

eût sept ans bientôt. Sa mère ne l’aimerait plus » & Frédéric se réjouissait
                         paroles
d’entendre ces choses là comme s’il eût fait une découverte, une
             Leur caractère intime
acquisition. Elle lui était précieuses, à cause même de leur intimité
                    un peu
il apprenait par elle quelque peu de son existence – & il y pénétrait.
Sa famille, son entourage
son atmosphère
son atm âme
                    enfin                  chose
                                      2                 1                 son passé ?

Quel était son nom, sa demeure, sa vie ordinaire ? où allait
-elle maintenant ? Il aurait voulu connaître les meubles de sa chambre
& c’était une curiosité
douloureuse si intense
& large à la fois que le désir
de la possession physique


sous une curiosité plus profonde
    dans le besoin
comme dans l’appétit
                          plus entière
d’une révélation complète
     &
absolue, illimitée
toutes les robes qu’elle possédait, toutes les robes qu’elle avait portées,
                                              les gens qu’elle voyait, son atmosphère
son corps, son âme, sa famille, tout ce qui de près ou de loin la
                                    l’envie de la posséder                        dispar.
concernait – & même le désir de la possession physique s’absorbait
                           envie le désir de la possess
                    autre                                 la curiosité d’une révélation
dans sous un désir plus profond, dans une curiosité douloureuse
                        [illis.]                    & comme dans l’appétit
plus complète, absolue, illimitée
& qui n’avait pas de limites.
Il la supposait d’origine andalouse ou romaine – de sang créole
peut-être ? & sans doute elle avait amené des Îles, cette femme
avec elle.
      négresse
La nourrice, en effet, avait l’air passif des esclaves. Elle souriait
                           sourire
à l’enfant, d’une manière silencieuse qui découvrait ses dents sous
ses grosses lèvres, & elle restait immobile, les deux mains dans
                                                                   plié en long
les poches de son tablier, tout en gardant | plié en long | sur son
             plié en long comme une écharpe
épaules, un gd châle de couleur chamois, à bandes violettes.
                                    n’en ayant pas besoin
Elle n’avait pas voulu par précaution, le laisser en bas dans
                                           qui n’en avait
sa chambre
– Sa maîtresse le prit – & le plaça auprès d’elle,
derrière son dos, sur le bordage.

Jean-Christophe Portalis