Introduction :
. problème général
. problématique
. annonce du plan
Première partie :
concession de la
thèse adverse
Identifiez les
quatre arguments
et les mots de
liaison qui les
ordonnent
Repérez pour
chacun des quatre
arguments les
différentes
manières de
concéder
Transition
Deuxième partie :
affirmation de
la thèse personnelle
Identifiez les
quatre arguments
et les mots de
liaison qui les
ordonnent
Repérez pour
chacun des quatre
arguments les
manières
différentes
d'affirmer
Évaluation finale de
la thèse à discuter
Conclusion :
bilan
ouverture
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Les époques en proie à de graves crises morales voient renaître, sous l'inquiétude et
l'absence de repères, nombre de manifestations d'un besoin parfois très vif de se
raccrocher à des certitudes. François Jacob, dans Le jeu des possibles, s'en
prend violemment à "la vérité considérée comme un absolu", c'est-à-dire à
la certitude d'avoir raison. Comment justifier ses propos ? Malgré les conséquences
souvent néfastes que la certitude ne manque de provoquer lorsqu'elle tourne au fanatisme,
ne présente-t-elle pas quelques aspects positifs ?
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Il est vrai que l'être enfermé dans ses certitudes est souvent inapte à la
communication. Un homme politique, par exemple, a tout intérêt à savoir écouter les
objections qu'on peut opposer à son programme, quelque conviction qu'il manifeste. Il ne
sera même véritablement convaincant qu'à ce prix, non seulement parce qu'il paraîtra
plus tolérant, mais aussi parce qu'il pourra profiter au passage de ce que ces critiques
lui apporteront pour fortifier sa pensée.
D'aucuns pourraient aussi prétendre non sans raison que la certitude de détenir
"la" vérité pousse à une vision manichéenne du monde. Songeons ainsi à tous
ces dogmes intolérants qui ont voulu imposer une vision simpliste du Bien et du Mal :
tous les petits livres rouges, tous les manifestes, les bibles et les corans ont désigné des cibles
grossièrement représentées, les exposant à la vindicte publique. On pense, par
exemple, au stéréotype du Juif représenté par les nazis au mépris des connaissances
ethniques ou scientifiques qui ne pouvaient que les infirmer.
Parfois la certitude d'avoir raison risque aussi d'être un entêtement dans
l'erreur. "L'erreur est humaine, persévérer est diabolique", affirme le
dicton, et une personne trop sûre d'elle-même peut en effet s'enfermer dans des
représentations qui lui feront perdre tout contact avec une réalité plus souvent en
demi-teintes et en nuances.
On ne manquera pas enfin d'objecter à la certitude le risque non négligeable
d'engendrer le fanatisme. "Que répondre à quelqu'un qui vous assure qu'il mérite
le ciel en vous égorgeant?" interroge Voltaire, et François Jacob condamne, lui
aussi, la fureur dogmatique dont les prêtres et les hommes politiques se sont rendus
coupables tout au long de l'Histoire. Pas un massacre, en effet, qui, jusqu'à nos jours,
n'ait répondu à quelque obsession d'imposer sa norme, sa race, sa religion. On peut sans
doute convenir avec Cavanna qu' "un croyant ne peut être qu'intolérant" et,
avec Cioran, que "sous les résolutions fermes se cache un poignard".
Pourtant, si redoutable que soit ce dernier argument, n'est-il pas possible de
plaider pour la certitude ?
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D'abord la certitude est une condition essentielle de la découverte et de
l'action. Sans elle, les grands découvreurs, les inventeurs de toutes sortes ne seraient
jamais arrivés à leurs fins. Pensons, par exemple, à l'obstination sans failles dont un
Galilée a dû faire preuve alors qu'on le sommait d'abandonner ses recherches. Le fameux
"Et pourtant, elle tourne" n'est rien d'autre qu'une manifestation de cet
entêtement. Contre l'avis du plus grand nombre, Colomb, lui aussi, a su s'entêter dans
l'idée jugée folle d'aller chercher les Indes par l'Ouest. "Voyez comme cette folie
a pris corps et duré", note André Breton.
En outre la certitude n'est-elle pas une condition essentielle de l'indépendance ?
La pièce de Ionesco Rhinocéros en fournit un exemple patent : alors qu'autour
de lui, tout le monde cède à la "rhinocérite", Bérenger ose seul affirmer :
"Contre tout le monde, je me défendrai ! je suis le dernier homme, je le resterai
jusqu'au bout ! Je ne capitule pas." Ces mots ne sont pas sans évoquer les paroles
célèbres de Victor Hugo, résolument opposé, vingt années durant, à la dictature
impériale : "Et s'il n'en reste qu'un, je serai celui-là !" Nietzsche écrit de son côté : « Il y a beaucoup de choses que l’on n’atteint qu’avec conviction. La grande passion a besoin de convictions, elle use des convictions, elle ne se soumet pas à elles, — elle se sait souveraine » (L'Antéchrist).
L'homme d'état lui-même, à n'en pas douter, a besoin d'une conviction profonde.
"L'autorité consiste à faire partager son idéal", écrit Charles de Gaulle.
Est-ce le doute, est-ce l'incertitude qui peuvent inspirer un programme de gouvernement?
Souvent, le vrai "chef" est celui qui s'entête, qui ose conserver le cap qu'il
s'est fixé, parce qu'une haute idée l'anime de ce que doit être l'Etat. Alors, il peut
être celui qui change l'Histoire, et ce fut le cas du général de Gaulle, inversant, par
son refus de la collaboration, une défaite en victoire.
Enfin, et c'est sans doute ce que l'on peut opposer de plus dérangeant à
François Jacob, qui pourrait nier que l'homme a besoin de foi ? "La foi soulève les
montagnes", affirme le proverbe : l'action individuelle arrive en effet à souffrir
de trop de doutes et de scepticisme. Le regain actuel des sectes ne prouve pas autre chose
que cette nécessité des croyances et des idéaux. Comment vivre perpétuellement dans
l'irrésolution, ce que Cioran appelle l'hamlétisme ? Comment se satisfaire
d'une société qui chancelle, privée de ses valeurs, de ses repères traditionnels ? La
certitude apporte alors une réponse dont on peut meubler sa vie.
La thèse de François Jacob semble pour cela un peu trop catégorique : elle
menace même de tomber dans le manichéisme qu'elle dénonce, en se méfiant
systématiquement de toute croyance . Celle-ci, mûrie personnellement et sous la réserve
expresse qu'elle n'attente pas aux libertés de l'autre, est un ferment indispensable.
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Ainsi, s'il s'agit de ne pas tomber dans l'excès condamnable de l'intolérance, il
importe de combler harmonieusement son aspiration légitime à comprendre le monde et à
l'ordonner à sa guise. Le scepticisme absolu ne fournit rien qui puisse y aider. La
conviction est au contraire une affirmation individuelle qui favorise une vie pleine et
harmonieuse. La thèse de François Jacob peut même conduire à une certaine prudence
tout à fait dommageable à l'indépendance. Si la désobéissance est en effet une vertu,
alors être sûr de soi contre tous les autres est un signe éclatant de liberté.
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