la
concession
L'écriture
personnelle au BTS, comme l'essai ou la discussion, se
distingue de la dissertation par sa composition plus
ramassée (et aussi par le temps - limité - dont on dispose).
Le devoir peut être entrepris d'un seul et même élan, tout
entier tendu vers l'affirmation de votre jugement. Pour
cela, nous vous proposons de concéder les aspects
acceptables de la thèse adverse dans une première partie,
puis d'affirmer dans la seconde votre position.
La première partie consiste donc à concéder,
c'est-à-dire à reconnaître à la thèse adverse une part de
vérité. On sait que, dans le domaine des idées, rien n'est
tout à fait vrai ni tout à fait faux. La concession permet
en outre de donner à sa position une force d'autant plus
grande qu'on aura su repérer ses limites et paraître
tolérant. Ses outils syntaxiques et lexicaux sont simples
et vous saurez les varier :
- des adverbes ou expressions adverbiales
: naturellement, certes, bien sûr, en effet ...
- des verbes : reconnaître, admettre, concéder
... (parfois à l'impératif : "reconnaissons que
...")
- des tournures impersonnelles, des périphrases
: il est vrai , il serait vain de nier ... |
en
bref, toutes les formules qui modalisent les propos de
l'auteur dans le sens de la tolérance et laissent en
suspens le "mais" ou le "pourtant" qui vous feront ensuite
abonder dans le sens de vos convictions.
Examinez par exemple le paragraphe suivant : quel est
l'intérêt ici de la stratégie concessive ?
[Le
général De Gaulle évoque la libération de
Paris et sa marche triomphale sur les
Champs-Élysées.]
Puisque chacun de ceux qui sont là a,
dans son cœur, choisi Charles de Gaulle comme
recours de sa peine et symbole de son espérance,
il s'agit qu'il le voie, familier et fraternel,
et qu'à cette vue resplendisse l'unité
nationale. Il est
vrai que des états-majors se
demandent si l'irruption d'engins blindés
ennemis ou le passage d'une escadrille jetant
des bombes ou mitraillant le sol ne vont pas
décimer cette masse et y déchaîner la panique. Mais
moi, ce soir, je crois à la fortune de la
France. Il est
vrai que le service d'ordre
craint de ne pouvoir contenir la poussée de la
multitude. Mais
je pense, au contraire, que celle-ci se
disciplinera. Il
est vrai qu'au cortège des
compagnons qui ont qualité pour me suivre se
joignent, indûment, des figurants de supplément.
Mais ce
n'est pas eux qu'on regarde. Il
est vrai, enfin, que
moi-même n'ai pas le physique, ni le goût, des
attitudes et des gestes qui peuvent flatter
l'assistance. Mais
je suis sûr qu'elle ne les attend pas.
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Retrouvez dans cette
réponse de Diderot à Voltaire un bel exemple de
concession.
Exercice
1 : comment, dans les textes suivants,
l'auteur exprime-t-il la concession faite à l'adversaire
?
Il est, certes, des gens qui
doutent que la science puisse jamais faire le
bonheur des hommes... Et, en effet, la course
au développement, qui apparaît parallèle à la
progression scientifique, induit
l'hyper-consommation, la pollution, de grands
risques écologiques. Mais, à mon avis, il
faudrait éviter de confondre science et
développement, et dire, au contraire, que la
menace vient du trop peu de science. Voyons
les faits.
Une comparaison objective du passé et
des temps modernes me paraît le démontrer
aisément : la condition humaine s'est
considérablement améliorée, surtout dans les
pays développés, c'est-à-dire justement là où
on pratique la science. Cette amélioration est
faite de la mise en œuvre d'une infinité
d'éléments de sécurité et de confort, de
communication, d'information — lesquels,
donnant à chacun le goût d'une existence
meilleure, entraînent forcément plus de
justice sociale.
Je sais bien, les pays en voie de
développement, les régions les plus pauvres de
l'Amérique latine, nous montrent des gens
heureux et sereins. Mais leur satisfaction ne
vient-elle pas de leur ignorance des progrès
matériels du reste de l'humanité ?
Des Français, il est vrai encore,
trouvent une joie, constante et profonde, dans
une vie simple et naturelle, en Corrèze...
Mais qu'en serait-il si un médecin, armé de
pénicilline, n'était prêt à leur porter
secours en cas de maladie grave, si le facteur
ne leur apportait, de temps à autre, les
lettres des êtres qu'ils aiment, et que
l'avion transporte en quelques heures ?
Naturellement, l'industrialisation
galopante et son corollaire, la pollution,
peuvent conduire au désastre : nos rues sont
encombrées de tant d'automobiles que celles-ci
ne peuvent plus rouler ; nos aéroports sont
tellement surchargés que les avions ne
pourront bientôt plus s'envoler ; nos hôpitaux
sont remplis de machines automatiques si
coûteuses que, pour les rentabiliser, on leur
prescrit des analyses inutiles ; nos
administrations sont équipées de tant
d'ordinateurs nourris de tant de
questionnaires, que les citoyens, demain,
risquent de passer plus de temps à les remplir
qu'à travailler ; nos villes élèvent vers le
ciel un si grand nombre de tours si hautes que
les mêmes citoyens seront transformés en
ludions montant et descendant sans cesse...
Mais en quoi la science est-elle
responsable de tout cela ? Elle a apporté des
moyens de bonheur, et ce sont les hommes qui
ont détourné ces moyens de leur objet, ne
serait-ce qu'en les multipliant d'une manière
excessive... Une bouteille de champagne, de
temps à autre, délicieuse aubaine ; trois
bouteilles par jour, c'est la cirrhose du
foie... Il en est bien de même de la plupart
des choses qui nous détruisent aujourd'hui, et
qui pourtant sont, en elles-mêmes, des
éléments de sécurité et de confort dus à la
science.
Georges
Mathé, Le Temps d'y penser, 1974.
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Comment nier que la vie de l'homme s'améliore,
comment nier qu'il a presque toujours su
s'adapter aux conditions que la nature ou
lui-même lui imposaient ?
Il est exact que les progrès techniques
dus à son ingéniosité sont encore réservés à
une minorité d'humains et que, même dans nos
pays, des tâches défavorisées subsistent; mais
de meilleures conditions gagnent chaque année
un nouveau pays, une nouvelle couche sociale.
Chaque amélioration technique a, bien
sûr, ses inconvénients et aucune des
pollutions que l'on décrit n'est, évidemment,
un leurre; elles ne doivent pas être
minimisées, elles sont des dangers certains,
mais évitables pour la plupart. Le ciel de nos
villes peut redevenir clair, l'expérience de
Londres le prouve. Nos rivières devenues
cloaques peuvent redevenir limpides, la Suède
le prouve. Nos rues et nos campagnes peuvent
être nettoyées.
Convenons donc que l'évolution de nos
techniques est inévitable, qu'elle est liée à
l'insatisfaction de l'homme, à ses désirs, à
ses ardeurs. Personne ne peut arrêter cette
marche. A lui de veiller à ce que les
avantages en surpassent les conséquences
fâcheuses. Mais le rôle des moralistes, des
penseurs, des médecins, de ceux qui détiennent
le pouvoir et la parole, n'est pas
d'entretenir l'angoisse et le désespoir mais
d'aider l'homme à vivre, alors que sa
condition est absurde : poussière, il retourne
à la poussière après quelques décennies
d'agitation sur cette terre.
Continuons à travailler à
l'amélioration de la vie, soyons plus
vigilants sur les effets de nos nouvelles
techniques, mais ne participons pas à la
panique collective de l'an 2000.
Jean-Claude Sournia, "La grande peur de l'an
2000" (Le Monde).
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Exercice 2 : employez-vous
à modaliser dans le sens de la concession les propos
ci-dessous particulièrement hostiles au sport :
La tradition antique (mens sana in corpore
sano), la libération humaniste de la
Renaissance, tout autant que l'idéal olympique
moderne (Pierre de Coubertin) ont imprégné notre
culture d'une représentation glorieuse de
l'exercice sportif. On trouve encore sous la
plume des meilleurs chroniqueurs le souvenir ému
des épopées guerrières pour célébrer l'exploit
de tel ou tel champion. Dans le programme
d'éducation de la jeunesse, le sport est
présenté par la République comme le lieu idéal
où s'inculquent les valeurs "nobles" auxquelles
elle prétend s'attacher : esprit d'équipe, fair
play, respect de l'adversaire, sens de
l'effort, toute une quincaillerie clinquante à
la queue de l'humanisme académique ! On sait
d'ailleurs quelle fut la part du sport dans
l'idéologie nazie. Voyons donc de quoi sont
faites ces "valeurs".
Examiner la place du sport dans notre
société, c'est faire immanquablement écho aux
nombreuses affaires qui, depuis plusieurs
décennies, souillent son image. Le sport, en
effet, peut-être parce qu'il est le lieu d'une
exultation collective, lâche tous nos monstres :
monstre du nationalisme et du fanatisme,
d'abord, qui peut faire siffler des hymnes et
s'affronter dans une tribune des supporters
déchaînés ; monstre de l'argent, ensuite, dont
la toute-puissance s'offre insolemment dans le
salaire des joueurs de football et la
concurrence des sponsors ; monstre de la drogue
et du dopage, enfin, qu'explique le niveau
toujours plus haut des performances exigées par
les lois impitoyables du spectacle. A ceci, il
faudrait encore ajouter les maladies chroniques
d'un public qui sublime sa propre misère dans
des rêves de gloire. Bref, le sport révèle le
paradoxe installé au cœur de nos sociétés
matérialistes : avides de combler leur soif de
spiritualité, des foules plus ou moins exaltées,
victimes d'une logique mercantile, placent
imprudemment leur quête dans des idoles aux
pieds d'argile. Le sport est-il donc la forme de
sacré que nous méritons ?
© Philipe Lavergne
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